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06/10/2023 | FRANCE | N°22PA00717

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 octobre 2023, 22PA00717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de surseoir à statuer sur sa requête dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris sur l'opposition formée par M. C... sur les droits d'enregistrement mis à sa charge au titre de la succession des avoirs de son père, M. D..., en ce que le requérant serait l'unique bénéficiaire des avoirs de la société Balerton Marketing Limited qui lui ont été transmis par héritage par M. D... et, à titre subsidiaire, de p

rononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de surseoir à statuer sur sa requête dans l'attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris sur l'opposition formée par M. C... sur les droits d'enregistrement mis à sa charge au titre de la succession des avoirs de son père, M. D..., en ce que le requérant serait l'unique bénéficiaire des avoirs de la société Balerton Marketing Limited qui lui ont été transmis par héritage par M. D... et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2008 à 2014.

Par un jugement n° 2018989 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 15 février 2022 et le 14 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Wagner, avocat, demande à la Cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 15 novembre 2021 ;

2°) à titre principal, de surseoir à statuer jusqu'à la décision définitive qui sera rendue dans la contestation par M. C... de l'avis de mise en recouvrement

n° 2 69066 30/03/2018 06663 en date du 30 mars 2018 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2008 à 2014.

Il soutient que :

- les juges de première instance ont entaché le jugement contesté d'erreurs manifestes d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de sursis à statuer, dans la mesure où la solution du litige dépend de la décision du tribunal judiciaire de Paris en cours d'instance, sur la demande d'opposition de M. C... à la mise à sa charge des droits d'enregistrement au titre de la succession de feu son père, M. D... ;

- l'administration fiscale a manqué à son obligation de communication des documents obtenus auprès de tiers résultant de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que le bénéfice de la circulaire du 21 juin 2013, dite " Cazeneuve ", ne lui a pas été accordé ; une erreur manifeste d'appréciation a été commise au regard de cette circulaire.

Par des mémoires en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 24 juin 2022, le 23 novembre 2022 et le 19 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'une procédure de contrôle sur pièces de son dossier fiscal relatif à l'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2012 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014. A l'issue de ces procédures et au vu des éléments recueillis à la suite de demandes d'assistance administrative adressées aux autorités fiscales de Guernesey, des Îles vierges britanniques, des Bahamas et de Panama, l'administration fiscale a réintégré, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement de l'article 123 bis du code général des impôts, les revenus détenus par la société Balerton Marketing Limited, domiciliée aux Îles Vierges Britanniques, dont M. A... était l'unique ayant droit économique pour les années 2008 à 2014 et lui a notifié, par deux propositions de rectifications du 31 octobre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux attachés à des avoirs détenus à l'étranger par une structure interposée. Ces impositions ont été assorties notamment des pénalités pour manquement délibéré prévues au a. de l'article 1729 du code général des impôts. M. A... relève régulièrement appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se prononce sur la propriété des avoirs de la société Balerton Marketing Limited et à titre subsidiaire, à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2008 à 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs manifestes d'appréciation, est inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la demande de sursis à statuer :

3. Il résulte de l'instruction que parallèlement aux procédures de contrôle dont M. A... a fait l'objet, l'administration fiscale a notifié des redressements en matière de droits d'enregistrement à M. C..., fils de M. D... décédé le 4 octobre 2008, en sa qualité présumée d'héritier légal du compte Balerton Marketing Limited. M. A..., considéré par le service comme seul bénéficiaire économique de ce compte à compter du mois de novembre 2008, soutient que l'obligation de paiement des impositions mises à sa charge résulte de la détermination du détenteur de ce compte, le juge judicaire devant se prononcer sur ce litige dans le cadre des instances que M. C... et lui-même ont introduites. Il résulte des pièces produites à l'instance que le litige en cours devant le juge judiciaire qui tend à déterminer la propriété des avoirs de la société Balerton Marketing limited suite au décès de M. D... a trait exclusivement aux rehaussements en matière de droits d'enregistrement. Toutefois et ainsi que l'ont relevé à bon droit les juges de première instance au point 2 du jugement contesté, il ressort des propositions de rectification notifiées à M. A... le 31 octobre 2016 que pour fonder les rehaussements mis à sa charge en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux pour les années 2008 à 2014, l'administration fiscale s'est fondée sur l'exploitation des informations communiquées en réponse à ses demandes d'assistance administrative adressées aux autorités fiscales étrangères de Guernesey, des Îles vierges britanniques, des Bahamas et de Panama et sur ses propres déclarations qui ont permis de retenir que M. A... était le seul bénéficiaire économique des avoirs financiers de la société Balerton Marketing Limited à compter du mois de novembre 2008. En outre, le requérant a lui-même déclaré, le 26 mai 2015, le compte à l'étranger détenu au travers de la société susmentionnée. Ces éléments justifiaient à eux seuls, en l'absence de preuve contraire, les rectifications proposées par le service, indépendamment du litige opposant M. A... à M. C... en matière de droits d'enregistrement devant le juge judiciaire. Par suite, ce litige devant la juridiction judiciaire, au demeurant tranché le 25 mai 2023 par le jugement n° RG 20/11633 du tribunal judiciaire de Paris, lequel a reconnu M. A... comme étant devenu propriétaire des avoirs de la société Balerton Marketing Limited à compter de novembre 2008, reste sans incidence dans la présente instance, comme l'a relevé à bon droit le jugement contesté. Dès lors, la demande de sursis ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Ce droit pour le contribuable de demander la copie des documents que l'administration a obtenus ne peut être mis en œuvre qu'avant la mise en recouvrement des impositions, laquelle correspond, s'agissant de l'émission d'un rôle, à la date de la décision d'homologation du rôle.

5. M. A... soutient que l'administration fiscale a méconnu l'obligation qui lui incombe de communication de documents obtenus auprès de tiers prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, en s'abstenant de lui transmettre six documents auxquels elle a fait référence à l'appui de ses réponses du 31 mars 2017 aux observations qu'il avait présentées, ces documents présentant une relation directe avec le contrôle fiscal dont il a fait l'objet et n'ayant pas été mentionnés à des fins purement explicatives des rehaussements prononcés. Toutefois, d'une part, la plainte déposée le 24 septembre 2015 par la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine ne constitue pas un document obtenu de tiers et ne relève ainsi pas du champ d'application de l'article L. 76 B du code des procédures fiscales. D'autre part, si le service a mentionné à l'appui de ses réponses aux observations du contribuable du 31 mars 2017 n°3626-SD et 751-SD, un procès-verbal d'un officier de police judiciaire, un soit-transmis au procureur de la République, un feuillet 42 et le verso d'un feuillet 43 ainsi qu'une information émanant des services de renseignement Tracfin, ces documents, qui constituaient des sources d'information relatives à des circuits financiers auxquels a pris part le requérant, n'ont toutefois pas été utilisés pour rehausser les bases imposables à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux, ces derniers résultant de l'exploitation d'autres informations, issues comme il a été dit au point 1 du présent arrêt de l'assistance internationale mise en œuvre les 16 et 22 octobre 2015 ou de divers éclaircissements ou justifications apportées par M. A... lui-même en cours de contrôle. Les documents en cause n'ont pas davantage servi à justifier au fond l'application des pénalités prononcées et n'ont été évoqués à ce titre qu'à des fins explicatives, en réponse à la contestation présentée par le requérant à l'endroit de ces pénalités, contrairement à ce que soutient l'intéressé et ainsi que l'ont relevé à bon droit les juges de première instance. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie au regard des dispositions de l'article

L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bénéfice de la circulaire du 21 juin 2013 :

6. Aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : / (...) 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives (...) ". Par une circulaire du 21 juin 2013, ultérieurement modifiée notamment par une circulaire du 12 décembre 2013, le ministre délégué chargé du budget a entendu définir, à titre transitoire, des modalités d'exercice du pouvoir de transiger que la loi reconnaît ainsi à l'administration fiscale, pour le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, notamment dans le but d'inciter les contribuables concernés à déposer de telles déclarations, constitutives d'autant de demandes de transaction.

7. M. A... soutient que l'administration ne pouvait le priver du bénéfice de la circulaire dite " Cazeneuve ", permettant la régularisation des avoirs non déclarés détenus à l'étranger. Toutefois, lorsque le contribuable demande le bénéfice d'une transaction, une telle demande présente un caractère gracieux et la décision par laquelle l'administration fiscale rejette une demande de transaction présentée par un contribuable ne peut être contestée que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. De même, la procédure de transaction ne remet nullement en cause la régularité et le bien-fondé en droit et en fait des impositions mises à la charge du contribuable et des pénalités dont elles étaient assorties, et le contribuable ne peut, par suite, utilement invoquer devant le juge de l'impôt à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions en litige, les éventuelles irrégularités commises dans la procédure de transaction. A supposer que M. A... puisse être regardé comme ayant entendu opposer la circulaire mentionnée en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ladite instruction ne peut être regardée, pour les motifs mentionnés ci-dessus, comme comportant une interprétation contraire de la loi fiscale.

8. Il résulte de ce qui précède que pour contester devant le juge de l'impôt, les majorations pour manquement délibéré appliquées par le service, M. A... ne peut utilement se prévaloir des démarches qu'il a initiées le 26 juin 2015 auprès du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) postérieurement à la date limite de dépôt fixée au plus tard au 9 juin 2015 pour déclarer les revenus imposables à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014. Cette procédure de régularisation engagée par l'intéressé après cette date est ainsi sans incidence sur le bien-fondé des pénalités en litige, dès lors que le caractère intentionnel du manquement du contribuable à ses obligations déclaratives s'apprécie à la date de sa déclaration. Le moyen doit par suite être écarté comme inopérant. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation de sa situation au regard de cette circulaire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions dans leur ensemble ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président-assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 6 octobre 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00717
Date de la décision : 06/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : WAGNER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-06;22pa00717 ?
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