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11/10/2023 | FRANCE | N°22PA00634

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 11 octobre 2023, 22PA00634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1924334/1-2 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 février 20

22, le 13 octobre 2022 et le 2 novembre 2022 Mme B..., représentée par Me Pescayre, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1924334/1-2 du 14 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 février 2022, le 13 octobre 2022 et le 2 novembre 2022 Mme B..., représentée par Me Pescayre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924334/1-2 du 14 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, intérêts de retard et majoration, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de la contribution sur les hauts revenus auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013 ;

3°) à titre subsidiaire, de substituer la pénalité de 10 % à celle de 80 % appliquée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'a pas motivé sa réponse au moyen tiré de ce que l'application des pénalités pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée ;

- l'administration a irrégulièrement mis en œuvre un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle sans lui offrir les garanties attachées à cette procédure ;

- l'administration a irrégulièrement mis en œuvre la procédure de l'abus de droit sans respecter la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- la procédure d'imposition n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve que les conditions sont réunies pour faire application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;

- l'application des pénalités pour manœuvres frauduleuses n'est pas justifiée et méconnaît l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 mars 2022 et le 25 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Desmet substituant la Selarl Alerion, pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de la vérification de comptabilité, portant sur les exercices clos en 2013 et 2014, de la société par actions simplifiée B... et F..., maison de ventes aux enchères publiques spécialisée dont Mme B... est associée, le service a constaté que cette société avait versé à une société irlandaise créée par Mme B..., la société E..., une commission de 1,5 million d'euros pour son intermédiation lors de la vente du tableau Otahi de Paul Gauguin. Estimant que la prestation avait été, en réalité, réalisée par Mme B..., le service a procédé à un contrôle sur pièces de ses déclarations fiscales concernant les revenus perçus en 2013. A l'issue de ce contrôle, le service a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus, ainsi que des pénalités au titre des deux années vérifiées. Mme B... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, de ces impositions assignés au titre de la seule année 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des termes du point 13 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé, en fait comme en droit, leur réponse au moyen tiré de ce que l'application des pénalités pour manœuvres frauduleuses n'était pas justifiée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, la requérante reprend en appel le moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que le service aurait, en réalité, procédé non pas à un simple contrôle sur pièces, mais à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle sans lui accorder les garanties attachées à cette procédure, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

4. En deuxième lieu, pas plus en appel qu'en première instance, la requérante n'est fondée à soutenir que l'administration aurait mis en œuvre irrégulièrement une procédure d'abus de droit sans respecter les garanties de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration s'est bornée à constater, comme elle était en droit de le faire en se fondant exclusivement sur les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, que Mme B... était la véritable prestataire du service facturé par la société A... à la société D..., sans écarter aucun acte comme lui étant inopposable. A cet égard, est sans incidence le fait que la vérification de comptabilité de la société B... et F... n'a donné lieu à aucun rehaussement relatif à la déduction de son résultat imposable du prix de cette prestation, que le service n'a précisément pas qualifiée de fictive, mais a regardée comme ayant été effectuée non pas par la société de droit irlandais A..., mais par l'intéressée elle-même.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

6. Si l'administration ne peut rapporter la preuve de l'envoi par courrier à Mme B... des éléments qu'elle a recueillis des autorités irlandaises dans le cadre d'une demande d'assistance internationale, il résulte de l'instruction que ces éléments ont été mis à disposition de Mme B..., qui en a pris connaissance et en a joint des copies à ses écritures, par voie dématérialisée, via la plateforme " Escale ". La circonstance que certaines mentions concernant des tiers aient été occultées sur ces documents est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu que ces mentions auraient été utilisées pour fonder les impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. (...) ". Les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de France ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte.

8. L'administration fiscale apporte la preuve que des sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières en vertu des dispositions précitées par la production d'éléments attestant de ce que ces personnes ont réalisé les prestations de services en cause et de ce qu'elles contrôlent la personne qui perçoit la rémunération de ces services. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable d'apporter des éléments permettant d'établir que la facturation de ces prestations par la société établie hors de France aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre et de regarder le service ainsi rendu comme l'ayant été pour son compte.

9. Il est constant que la société de droit irlandais A..., créée et contrôlée par Mme B..., a facturé le 19 décembre 2013 à la société B... et F..., dont Mme B... était directrice financière et associée, la somme de 1,5 million d'euros à titre de commission pour son intervention en tant qu'intermédiaire dans la vente du tableau Otahi de Paul Gauguin, dans le cadre d'un contrat de prestation de service conclu entre les deux sociétés le 14 octobre 2013.

10. A supposer que, par les copies de courriers électroniques qu'elle produit, la requérante établisse que la constitution de la société A..., enregistrée le 11 octobre 2013, aurait été projetée à compter du 27 mai 2013, il résulte toutefois de l'instruction qu'alors que la constitution de cette société était destinée, selon la requérante, à procéder à la recherche d'acheteurs pour le tableau, les négociations avec la personne qui est devenue l'acquéreur définitif avaient abouti par un accord sur le prix dès le 13 août 2013, soit avant que Mme B... n'eût donné son autorisation, le 9 septembre 2013, pour qu'il fût procédé en Irlande aux formalités de constitution de la société A.... Il résulte également des éléments transmis par les autorités irlandaises que la société A... ne disposait pas des moyens matériels et humains nécessaires pour réaliser l'activité de conseil dans le domaine de l'art en Irlande, son unique salarié étant un citoyen irlandais âgé de 89 ans, exerçant la profession de comptable et détenant par ailleurs un mandat dans 13 sociétés irlandaises ayant des activités diverses, qui ne disposait d'aucune compétence dans le domaine de la vente d'œuvres d'art, à la différence de Mme B..., en sa qualité d'associée d'une maison de vente spécialisée dans le domaine de l'art, à laquelle la propriétaire du tableau avait choisi de donner un mandat exclusif pour mener à bien cette vente. Par ailleurs, Mme B... n'établit nullement, par les pièces produites, qu'elle aurait été dans l'incapacité physique de réaliser cette prestation. Enfin, la facturation, par une société immatriculée aux Iles Vierges Britanniques, d'une prestation d'intermédiaire n'est pas plus de nature à établir que la prestation de recherches et de mise en relation de l'acquéreur et du vendeur aurait été effectuée par la société A.... Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que la prestation en litige a été réalisée par Mme B..., tandis que celle-ci ne rapporte pas la preuve que la facturation de cette prestation par la société A... aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui lui aurait été propre.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que les conditions n'auraient pas été réunies pour mettre en œuvre l'article 155 A du code général des impôts et pour imposer entre ses mains, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la somme de 1, 5 million d'euros facturée par la société A... à la société B... et F....

Sur les pénalités :

12. Pour contester la mise en œuvre des pénalités pour manœuvres frauduleuses qui lui ont été infligées, Mme B... soutient en appel comme en première instance que l'administration n'a pas rapporté la preuve de manœuvres frauduleuses de sa part, et a ainsi méconnu l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2023.

La rapporteure,

P. HAMONLe président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00634


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00634
Date de la décision : 11/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL ALERION

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-11;22pa00634 ?
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