La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2023 | FRANCE | N°21PA05825

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 19 octobre 2023, 21PA05825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SNCF Mobilités a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société Sical à lui verser la somme de 362 000,02 euros, augmentée des intérêts légaux capitalisés.

Par un jugement n° 1820995/4-3 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a enjoint à cette société à verser à SNCF Mobilités la somme de 285 132,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2018 et de la capitalisation des intérêts échus le 16 novembre 2019 pour produire

eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SNCF Mobilités a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société Sical à lui verser la somme de 362 000,02 euros, augmentée des intérêts légaux capitalisés.

Par un jugement n° 1820995/4-3 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Paris a enjoint à cette société à verser à SNCF Mobilités la somme de 285 132,46 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2018 et de la capitalisation des intérêts échus le 16 novembre 2019 pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 15 novembre 2021 et le 6 juillet 2022, la société Sical, représentée par Me Cazin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter l'intégralité des conclusions de SNCF Mobilités ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel incident de SNCF Mobilités et ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de SNCF Mobilités la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de dénaturation des faits et d'erreur de droit, en ce qu'il a considéré qu'il existait une continuité entre les conventions d'occupation successives et a appliqué l'article 3 de la convention d'occupation du 24 juillet 1989 ;

- l'indemnité d'occupation est infondée, dès lors que les lieux ont été libérés le 31 mai 2016 et que la présence du bâtiment sur le terrain n'a pas causé de préjudice à SNCF Mobilités ;

- le comportement fautif de SNCF Mobilités, lié à l'absence de mise en œuvre de la faculté prévue à l'article 10.3 du cahier des conditions générales d'occupation de 1982, l'exonère intégralement, ou à tout le moins à hauteur de 90 %, de sa responsabilité.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 11 juillet 2022, la société nationale SNCF, représentée par Me Hansen, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que le jugement du 17 septembre 2021 du tribunal administratif de Paris soit réformé en tant qu'il a jugé que le comportement de SNCF Mobilités constituait une faute susceptible d'exonérer partiellement la société Sical de sa responsabilité, au titre de l'occupation irrégulière du domaine public et a réduit son indemnisation en excluant la période d'occupation sans titre du 1er juin 2016 au 1er juillet 2017 ;

3°) à ce que la société Sical soit condamnée à lui verser la somme de 362 000,02 euros, assortie des intérêts légaux capitalisés ;

4°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Sical une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé ;

- qu'elle est fondée à demander à être indemnisée de l'intégralité du préjudice subi, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute et n'a pas eu de comportement ambigu à l'égard de la société requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Cazin, représentant la société Sical,

- et les observations de Me Le Coutour substituant Me Hansen, représentant la société nationale SNCF.

Considérant ce qui suit :

1. La SNCF a autorisé, par une convention conclue le 25 octobre 1968, la société Scius à occuper, jusqu'au 31 décembre 1982 inclus, un emplacement situé dans la gare de Poissy, au 17 rue Saint-Sébastien, d'une superficie de 3 407 m2 de terrain nu et à y maintenir un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux. Par une convention en date du 7 août 1980 remplaçant la précédente, la SCNF a délivré à cette société une nouvelle autorisation d'occupation de ce terrain. Par une troisième convention conclue le 24 juillet 1989 et entrant en vigueur le 1er juin 1989 pour une durée de douze années, la SCNF a autorisé la société Valscius, venant aux droits de la société Scius, à occuper ce même terrain. La société Sical, ayant absorbé la société Valscius, a informé SNCF Mobilités de la résiliation de la convention du 24 juillet 1989 à compter du 1er juin 2016. A la suite du refus de la société requérante, par lettre du 29 avril 2016, de démolir le bâtiment situé sur le terrain occupé, suivi d'un nouveau refus le 31 mai 2017 après une mise en demeure du 11 mai 2017, SNCF Mobilités a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société Sical à lui verser la somme de 362 000,02 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 17 septembre 2021 dont la société Sical relève appel, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à SNCF Mobilités, la somme de 285 132,46 euros correspondant au montant des redevances au titre de l'occupation irrégulière de son domaine public pour la période du 1er juillet 2017 au 29 décembre 2018.

En ce qui concerne les conclusions principales :

2. En premier lieu, la société requérante soutient que les premiers juges ont entaché leur décision d'une dénaturation des faits et d'une erreur de droit en considérant que la convention du 7 août 1980 avait continué à produire des effets alors qu'elle expirait au 29 février 1988 et que la convention du 24 juillet 1989 n'est entrée en vigueur que le 1er juin 1989. Il résulte toutefois de l'instruction que les conventions successives portaient sur l'occupation du même terrain nu ainsi que sur la construction, puis le maintien sur ce terrain d'un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux. En outre, l'occupation de la parcelle et le versement des redevances n'ont pas cessé jusqu'à la résiliation par la société Sical de la convention du 24 juillet 1989, révélant la commune intention des parties de poursuivre la relation contractuelle. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les relations contractuelles avaient été interrompues pendant le délai écoulé entre l'expiration de la convention du 7 août 1980 et l'entrée en vigueur de celle du 24 juillet 1989.

3. En second lieu, d'une part, aux termes des points 2 et 3 de l'article 10 du cahier des conditions générales d'occupation de 1982, applicable à la convention du 24 juillet 1989 : " 2. A la date à laquelle prend fin la convention, l'emplacement concédé doit être entièrement libéré de tous les objets mobiliers (meubles, matériels, marchandises, etc.) 3. a) A l'expiration du délai d'un mois à compter de la fin de la convention (...), la SNCF accède, sans indemnité pour le concessionnaire, à la propriété des constructions, installations et aménagements réalisés sur l'emplacement concédé, à moins qu'elle n'ait exigé, antérieurement à cette date, par lettre recommandée AR, la remise des lieux dans leur état primitif. / Dans le délai d'un mois suivant la date d'expiration de la convention, la SNCF pourra également imposer au concessionnaire la remise des lieux dans leur état primitif. / (...) b) Un délai est imparti au concessionnaire pour procéder à la remise en état des lieux. Faute par celui-ci de s'y conformer dans ce délai, la SNCF a la faculté de démolir ou de faire démolir les constructions en cause et de libérer l'emplacements aux frais du concessionnaire, sans préjudice de dommages et intérêts, s'il y a lieu. ". D'autre part, l'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière.

4. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que la société Sical a informé la SNCF, par lettre du 19 février 2016, de la résiliation de la convention du 24 juillet 1989 à compter du 1er juin 2016 et que la SNCF lui a demandé, par lettre recommandée du 21 avril 2016, soit avant la prise d'effet de la résiliation, de remettre en état les lieux occupés. La circonstance que ce courrier ne comporte pas le délai prévu par les stipulations précitées pour la remise en état du terrain ne justifie pas que la société requérante soit déchargée de son obligation de remise en état du terrain occupé. Par suite, quand bien même celui-ci aurait été vendu libre de toute occupation, le 29 décembre 2018, par SNCF Mobilités à l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), les premiers juges ont, sans commettre d'erreur de droit, estimé que la société Sical était tenue d'une obligation de remise en état des lieux occupés et que le refus d'y procéder engageait sa responsabilité contractuelle.

5. Ensuite, il résulte de l'instruction que les premiers juges ont, à bon droit, accordé à SNCF Mobilités, d'une part, une indemnité destinée à compenser les revenus que cette société aurait pu percevoir d'un occupant régulier du terrain en cause pendant la période d'occupation irrégulière de ce terrain et, d'autre part, une indemnité correspondant aux frais de remise en état des lieux occupés, à savoir le désamiantage et la démolition du bâtiment 066 de la société Sical.

6. En outre, la société requérante fait valoir que le montant de l'indemnité d'occupation a été à tort calculé sur la base d'une redevance pour occupation intégrale du terrain alors que l'occupation litigieuse n'est constituée que par le maintien d'un bâtiment. Toutefois, SNCF Mobilités est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. Par suite, la société Sical n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant une indemnité fondée sur le montant de la redevance défini contractuellement, le jugement attaqué serait entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation.

7. Enfin, les premiers juges ont, à bon droit, estimé que l'indemnité d'occupation devait être mise à la charge de la société requérante jusqu'au 29 décembre 2018, la propriété du terrain en cause ayant été effectivement transférée à cette date du fait de sa vente à l'EPFIF.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la société Sical à fin d'annulation du jugement du 17 septembre 2021 doivent être rejetées.

Sur les conclusions d'appel incident :

9. Si l'autorité gestionnaire du domaine public n'a pas mis l'occupant irrégulier en demeure de quitter les lieux, ne l'a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute, mais elles ne sauraient faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière.

10. Il résulte de l'instruction que si la société SNCF a demandé à la société Sical, par lettre du 21 avril 2016, de remettre en état les lieux occupés, elle n'a fixé un délai pour y procéder que par lettre du 11 mai 2017, soit près d'un an après. En conséquence, les premiers juges ont estimé, à bon droit, que le comportement de la société SNCF était constitutif d'une faute de nature à exonérer partiellement la société Sical de sa responsabilité et que cette exonération devait porter sur la période allant du 1er juin 2016, date de la résiliation de la convention du 24 juillet 1989 au 1er juillet 2017, à l'expiration du délai d'un mois imparti à la société requérante pour la remise en état du terrain occupé, le point de départ de ce délai devant être fixé au 31 mai 2017, date de la réponse de la requérante à la lettre du 11 mai 2017 et à laquelle cette dernière a, au plus tard, eu connaissance de cette lettre.

11. Par suite, les conclusions présentées par SNCF Mobilités à fins d'appel incident du jugement du 17 septembre 2021 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

12. La société SNCF n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la société Sical tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

13. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la société SNCF d'une somme de 1 500 euros en application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sical est rejetée.

Article 2 : La société Sical versera à la société SNCF la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société SNCF est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sical et à la société SNCF.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 octobre 2023.

La rapporteure, Le président,

I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05825
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-19;21pa05825 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award