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20/10/2023 | FRANCE | N°22PA01604

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 octobre 2023, 22PA01604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Securispace France SIS a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 812,11 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 avril 2015 rejetant sa demande d'autorisation de licencier M. A..., refusé cette autorisation.

Par un jugement n° 1804569 du 4 février 2022, le Tribunal adm

inistratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Securispace France SIS a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 812,11 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2015 par laquelle le ministre chargé du travail a, après avoir annulé la décision de l'inspectrice du travail du 22 avril 2015 rejetant sa demande d'autorisation de licencier M. A..., refusé cette autorisation.

Par un jugement n° 1804569 du 4 février 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2022, la société Securispace France SIS, représentée par Me Richard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 février 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 812,11 euros en réparation du préjudice subi, à parfaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas indiqué avec précision les éléments sur lesquels il se fondait pour estimer que le comportement fautif reproché au salarié n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- le jugement attaqué est également entaché d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure faute pour le tribunal d'avoir informé les parties de la substitution de motif à laquelle il a procédé et que l'administration ne lui a pas demandée, dès lors que cette dernière avait admis l'illégalité de la décision litigieuse et s'est bornée à discuter le lien de causalité entre cette faute et les préjudices invoqués ; par suite, la société n'a jamais été mise à même de discuter le bien-fondé du licenciement ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les faits reprochés au salarié étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement dès lors que les méthodes managériales de ce dernier ont fait l'objet d'alertes tant de la part de ses subordonnés que des instances représentatives du personnel et de la médecine du travail et que des manquements dans l'exercice de ses missions ont été relevées ; le deuxième plus gros client de la société s'est opposé à sa réintégration sur le site où il travaillait à raison de son comportement et de ses insuffisances professionnelles faisant peser un risque sur la sécurité de l'immeuble ;

- la décision du 12 novembre 2015 ayant été jugée illégale par l'arrêt définitif de la Cour administrative de Paris du 22 novembre 2018, cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'Etat dès lors que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par la société est direct et certain ;

- le montant des préjudices résultant de cette faute s'élève à 162 812,11 euros et est constitué par le montant des salaires versés au salarié et des charges, indemnités et taxes de toutes natures du mois d'avril 2015 et le 15 mars 2017, date de départ du salarié de l'entreprise, des frais de justice et du préjudice moral de la société ; cette somme est productrice d'intérêts au jour de la décision de la Cour.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lemoine, représentant la société Securispace France SIS.

Considérant ce qui suit :

1. La société Securispace France SIS, qui exerce une activité de gardiennage et de sécurité privée, a demandé le 23 février 2015 à l'inspection du travail l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. A..., recruté le 14 avril 2008 comme agent de sécurité et exerçant en dernier lieu les fonctions de chef de site à la Défense et, par ailleurs, représentant de section syndicale du 20 août 2013 au 20 janvier 2015. Par une décision du 22 avril 2015, l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser ce licenciement aux motifs que certains faits reprochés au salarié n'étaient pas établis, que d'autres étaient prescrits et que les faits établis étaient insuffisants pour justifier un licenciement. Par une décision du 12 novembre 2015, prise sur recours hiérarchique formé le 13 mai 2015, le ministre chargé du travail a, par un article 1er, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique, par un article 2, annulé la décision de l'inspectrice du travail au motif que celle-ci avait considéré à tort que la procédure interne à l'entreprise était irrégulière, et, par un article 3, refusé d'autoriser le licenciement de M. A..., au motif que le délai de convocation du salarié par son employeur avant l'entretien préalable au licenciement n'avait pas été conforme aux dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail. Par un jugement du

20 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la société tendant à l'annulation de la décision du 12 novembre 2015 du ministre chargé du travail. Par un arrêt du 22 novembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé l'article 1er du jugement du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun, en tant qu'il rejetait les conclusions de la société Securispace France SIS tendant à l'annulation de l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail du 12 novembre 2015 et annulé l'article 3 de cette décision. La société Securispace France SIS a adressé le 16 janvier 2018 au ministre du travail une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de refus d'autorisation de licenciement, reçue par le ministre le 18 janvier 2018, qui a été implicitement rejetée.

Elle a saisi le 16 mai 2018 le Tribunal administratif de Paris d'une requête qui, par ordonnance du 4 juin 2018, a été transmise au Tribunal administratif de Melun, tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 162 812,11 euros au titre du préjudice résultant de l'illégalité de la décision du 12 novembre 2015. Elle relève appel du jugement du 4 février 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société Securispace France SIS soutient que le tribunal n'a pas indiqué avec précision les éléments sur lesquels il se fondait pour estimer que le comportement fautif reproché au salarié n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Il ressort en effet du point 4 du jugement attaqué que si les premiers juges ont énuméré les griefs fondant la demande de licenciement, ils se sont bornés à indiquer qu'il ne résultait pas de l'instruction que les faits reprochés au salarié étaient d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement sans autre précision ; cette seule mention ne saurait constituer une motivation suffisante.

3. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu d'annuler ce jugement et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par la société Securispace France SIS devant le Tribunal administratif de Melun.

Sur la demande présentée par la société Securispace France SIS devant le tribunal administratif de Melun :

Sur l'engagement de la responsabilité de l'Etat :

4. D'une part, en application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. Le refus illégal d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de l'employeur, pour autant qu'il en soit résulté pour celui-ci un préjudice direct et certain. Lorsqu'un employeur sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité d'un refus d'autorisation de licenciement entaché d'un vice de procédure, il appartient au juge de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être prise dans le cadre d'une procédure régulière ou si l'administration pouvait légalement prendre une décision équivalente sur un autre fondement que celui entaché d'illégalité.

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. (...) ". L'employeur ne peut pas fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de cette disposition, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires.

6. Il résulte de l'instruction que par un arrêt définitif du 22 novembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé l'article 3 de la décision du ministre chargé du travail du 12 novembre 2015 rejetant la demande de licenciement de M. A... au motif que le délai de convocation du salarié par son employeur avant l'entretien préalable au licenciement n'avait pas été conforme aux dispositions de l'article L. 1232-2 du code du travail.

7. Il résulte également de l'instruction que la demande de licenciement du 23 février 2015 adressée à l'inspecteur du travail se fondait, d'une part, sur le comportement de M. A... comportant des risques psychosociaux pour ses collaborateurs, d'autre part, sur une exécution fautive de son contrat de travail.

8. En ce qui concerne les méthodes managériales contestées de M. A..., la société Securispace France SIS produit, notamment, une pétition du 25 juin 2013 mettant en cause ces méthodes signées par douze agents de sécurité du site " Tour CB21 " placés sous l'autorité de M. A..., des procès-verbaux du CHSCT de l'entreprise des 27 juin 2013, 8, 19, 30 août 2013, 19 septembre 2013, 21 novembre 2013, 10 mars 2014, 30 juin 2014, et 24 septembre 2014, évoquant de nombreux problèmes en lien avec les méthodes autoritaires de M. A... et leurs répercussions sur les agents placés sous ses ordres, une lettre du médecin du travail du 28 avril 2014 corroborant l'existence de plaintes de ces derniers, des courriels personnels de deux agents de sécurité du 26 août 2013 et du 23 juillet 2014 adressés à la direction de l'entreprise mettant en cause M. A..., une main courante déposée le 4 novembre 2014 par un autre agent contre

M. A... et un courriel du même jour adressé à la direction dénonçant un harcèlement de la part de ce dernier, ainsi qu'une lettre de démission du 10 décembre 2014 d'un agent de sécurité évoquant les difficultés de travail avec M. A... sans toutefois imputer cette démission à ces difficultés. La société Sécurispace France SIS justifie avoir engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. A... le 4 novembre 2014 en le convoquant à un premier entretien préalable en vue d'une mutation d'office, soit dans le délai de deux mois des derniers faits reprochés qui avaient été portés à la connaissance de l'employeur le même jour. Le 6 janvier 2015, la société a adressé au salarié une proposition de mutation disciplinaire qui a interrompu le délai de prescription. En l'absence de réponse de M. A... dans les 10 jours qui lui étaient impartis, le délai de prescription de deux mois a recommencé à courir et l'employeur justifie avoir adressé le 21 janvier 2015, soit dans les délais, une nouvelle convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement. Il en résulte qu'à la date de l'engagement de la procédure de licenciement, soit le 21 janvier 2015, les faits fautifs invoqués datant du 4 novembre 2014 n'étaient pas prescrits et les faits antérieurs, dès lors qu'ils procédaient d'un comportement fautif de même nature, pouvaient également fonder la demande de licenciement. La matérialité de ce comportement fautif et de ses répercussions en termes de risques psychosociaux dans l'entreprise, doivent être regardés comme établis par l'ensemble des pièces produites par l'employeur, de nature et d'origine diverses, et la gravité de ce comportement comme suffisante pour justifier le licenciement.

9. En ce qui concerne les autres faits fautifs reprochés à M. A... dans l'exécution de son contrat de travail, si le refus du salarié de rendre son ordinateur portable pendant ses congés du 24 novembre au 28 décembre 2014, à le supposer non prescrit, est insuffisamment grave pour justifier le licenciement, en revanche, le courriel du 8 janvier 2015 intitulé " explication suite à absence ", que M. A... a directement adressé aux clients de l'entreprise, et qui contient des accusations directes contre ses remplaçants sur le site " Tour CB21 " qui n'auraient cessé selon lui de lui nuire et de divulguer des mensonges à son égard, et contre sa direction qui l'aurait empêché de se défendre et aurait profité de ses congés paternité pour le remplacer et l'évincer du site, ainsi que la mention : " Je compte sur votre soutien " qui apparaît comme une invitation adressée aux clients de la société à contester les choix de gestion de cette dernière, constitue un comportement déloyal de la part du salarié portant manifestement atteinte aux intérêts commerciaux et à l'image de l'entreprise. Par suite, ce seul fait est également suffisamment grave pour justifier le licenciement de M. A....

10. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la demande de licenciement aurait eu un lien avec le mandat détenu par M. A....

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'était pas fondée à opposer un refus à la demande de licenciement présentée la société Securispace France SIS et que ce refus fautif est ainsi de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard.

Sur le montant des préjudices :

12. En cas de refus illégal de l'autorité administrative de faire droit à une demande d'autorisation de licenciement fondée sur le comportement fautif du salarié protégé, la réalité du préjudice invoqué par l'employeur au titre des salaires et charges sociales supportés à la suite de ce refus ne peut être regardée comme établie lorsqu'il résulte de l'instruction que les rémunérations versées ont été la contrepartie d'un travail effectif.

13. La société Securispace France SIS soutient que le montant des préjudices résultant de la faute de l'administration est constitué notamment du montant des salaires et des charges, indemnités et taxes de toutes natures versés pour le compte du salarié du mois d'avril 2015 et le 15 mars 2017, date de son départ de l'entreprise. Elle fait valoir sans être sérieusement contredite que M. A... a continué à percevoir son salaire alors qu'il ne travaillait plus sur le site auquel il était précédemment affecté car le mandataire de sécurité de l'immeuble a refusé son retour par courrier du 24 avril 2015 malgré le refus de licenciement de l'inspecteur du travail et qu'il n'a pas été possible de reclasser le salarié sur un autre poste devant ses refus de toute mutation. Il y a lieu, par suite, de retenir au titre des préjudices de l'entreprise le montant des salaires et charges sociales pour la période allant de mai 2015 au 15 mars 2017, dont le versement est établi par la production des fiches de paye de M. A... et le tableau récapitulatif des taxes et charges afférentes à l'emploi du salarié et non sérieusement contestées par le ministre en défense (retraite ; mutuelle ; prévoyance ; taxe d'apprentissage ; taxe d'effort construction ; taxe de formation professionnelle continue et financement du budget de fonctionnement du comité d'entreprise, à l'exception du loyer mensuel d'un montant de 275,09 euros de son véhicule de fonction auquel il était loisible à l'entreprise de mettre fin, et de la somme forfaitaire de 1 500 euros au titre des formations, dépenses non justifiées, soit un total de 127 722,01 euros (5 964,18 euros - 275,09 euros = 5 689,09 euros x huit mois de mai à décembre 2015) = 45 512,72 euros + (5 939,23 euros -275,09 euros = 5 664,14 euros x trois mois de janvier à mars 2016) = 16 992,42 euros + (6 076,30 euros - 275,09 euros = 5 801,21 euros x six mois d'avril à septembre 2016 ) = 34 807,26 euros + (3 861,45 - 275,09 euros = 3 586,36 euros au titre du mois d'octobre 2016 + (6 084,83 euros - 275,09 euros = 5 809,74 x deux mois pour novembre et décembre 2016) = 11 619,48 euros + ( 5 883,15 - 275,09 euros = 5 608,06 x deux mois pour janvier et février 2017 = 11 216,12 euros + au titre du mois de mars 2017, il y a lieu de retenir 50% du salaire versé au salarié au prorata temporis de sa présence dans l'entreprise, soit 15 246,71 euros - 275,09 euros - 6 996,31 euros au titre des indemnités légales et conventionnelles qui auraient été dues même en l'absence de faute = 7 975,31 /2 = 3 987,65 euros).

14. La société Securispace France SIS demande également au titre des frais de justice occasionnés par la faute du ministère une somme totale de 5 315 euros et produit à cet effet une facture d'honoraires d'avocat du 31 janvier 2016 portant la mention " TA de Melun " d'un montant de 4 578 euros TTC ainsi qu'une facture d'avocat du 12 avril 2017 portant " Note sur l'opportunité et les risques d'une rupture de contrat de M. A... " d'un montant de 1 800 euros TTC.

15. D'une part, les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société Securispace France SIS a présenté des conclusions sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans l'instance engagée devant le Tribunal administratif de Melun, ainsi au demeurant que devant la Cour administrative d'appel de Paris. Dans ces conditions, son préjudice doit être regardé comme intégralement réparé par le jugement du Tribunal administratif de Melun du 20 octobre 2017, alors même qu'il a rejeté les conclusions qu'elle avait présentées sur ce fondement.

16. D'autre part, les frais correspondants à la " Note sur l'opportunité et les risques d'une rupture de contrat de M. A... " sont sans lien avec la faute commise par l'administration.

17. Il en résulte que la demande d'indemnisation au titre des frais de justice doit être rejetée.

18. Enfin, la société Securispace France SIS ne justifie pas avoir souffert d'un préjudice moral " par suite à l'atteinte au pouvoir disciplinaire de l'employeur " en lien avec la faute de l'Etat. Il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation présentée à ce titre.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices de la société Securispace France SIS s'élève à 127 722,01 euros.

Sur les intérêts :

20. La société Securispace France SIS a demandé, dans sa requête enregistrée au greffe de la Cour administrative le 8 avril 2022, que la somme que l'Etat est condamné à lui verser porte intérêt. Par suite, la somme de 127 722,01 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2022.

Sur les frais de l'instance :

21. Il y lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, la somme de 5 000 euros à verser à la société Securispace France SIS au titre des frais de l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1804569 du 4 février 2022 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la société Securispace France SIS une somme de 127 722,01 euros en réparation de ses préjudices. Cette somme portera intérêt à compter de la date du 8 avril 2022.

Article 3 : L'Etat versera à la société Securispace France SIS une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Securispace France SIS est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Securispace France SIS et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 octobre 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01604
Date de la décision : 20/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SELARL RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-10-20;22pa01604 ?
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