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20/11/2023 | FRANCE | N°22PA03101

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 novembre 2023, 22PA03101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler le courrier de l'Agence nationale des fréquences (Anfr) du 24 octobre 2019 lui accordant l'aide à la réception pour les travaux de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limit

à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception accordée pour les trava...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler le courrier de l'Agence nationale des fréquences (Anfr) du 24 octobre 2019 lui accordant l'aide à la réception pour les travaux de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ;

3°) d'annuler la décision implicite du 23 février 2020 par laquelle l'Anfr lui a refusé le remboursement intégral des frais qu'il a engagés au titre de l'aide à la réception dans les 730 autres logements dont il assure la gestion ;

4°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer les 731 demandes d'aide à la réception dans un délai de trois semaines, sous astreinte de 150 euros par jour de de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Anfr une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 18 septembre 2020, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Rouen a, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis au tribunal administratif de Melun la demande de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ".

Par un jugement n° 2007477 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juillet et 27 octobre 2022 et le 5 avril 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", représenté par Me Griffiths, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux du 17 janvier 2020 ;

3°) d'annuler la décision de l'Anfr du 27 février 2020 en tant qu'elle a limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu ;

4°) d'annuler les 729 décisions implicites de l'Anfr en tant qu'elles ont limité à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre accordée pour les travaux de chaque immeuble dont il assure la gestion ;

5°) d'enjoindre à l'Anfr de réexaminer ses 731 demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre dans un délai de trois semaines à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Anfr la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de réponse au moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique, pourtant invoqué devant le tribunal, le jugement est irrégulier ;

- le courrier du 24 octobre 2019 est une décision lui faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir ; en outre, il s'agit de la première décision de principe dans le cadre de l'opération complexe constituée par les 731 décisions de l'Anfr refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux effectués dans le cadre du changement des fréquences de la télévision numérique terrestre ; dans ces conditions, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2019, et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant son recours gracieux formé contre cette décision sont recevables ;

- la condition selon laquelle le montant de l'aide doit couvrir les seules dépenses utiles et indispensables à l'adaptation de l'antenne n'est pas prévue par le décret du 19 novembre 2015 qui prévoit au contraire, en son article 7, que " le montant de l'aide est égal aux frais réellement engagés " pour les travaux réalisés pour assurer la continuité de réception ; l'Anfr ne pouvait donc légalement limiter le montant de l'aide qui lui a été accordée au seul coût de la main d'œuvre nécessaire au réglage du matériel au motif qu'il n'était pas en mesure d'établir que le remplacement des modèles de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable ;

- l'Anfr n'établit pas que le simple réglage du matériel existant suffisait pour remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre ; en revanche, il produit des pièces justifiant que le remplacement de stations WISI VS 21 et AVAT 3 TELEVES était indispensable et qu'en l'absence de filtres disponibles pour régler par anticipation les nouvelles fréquences, tout changement par anticipation des fréquences était exclu sous peine d'entraîner la perte de fréquences du plan de fréquence existant et de causer l'absence de réception de certaines chaînes jusqu'au jour du changement effectif du plan de fréquences ; la solution consistant à la pose du système VS référencé en avril 2019 sur le site de l'Anfr est la solution la plus pérenne et la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future et de respecter les règles fixées par l'Anfr ;

- le revirement de position de l'Anfr consistant à ne rembourser que les frais de réglages et la main-d'œuvre méconnaît le principe d'égalité par rapport aux demandes présentées lors de phases précédentes de réaménagement pour lesquelles elle a accordé l'aide à la réception des services de télévision pour financer les rénovations ou les remplacements des stations de réception ;

- ce revirement de position de l'Anfr, soudain, imprévisible et injustifié, méconnaît le principe de sécurité juridique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2022 et 17 mars 2023, l'Agence nationale des fréquences, représentée par Me Weigel, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un courrier du 10 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la cour est susceptible de se fonder sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2020 de l'Agence nationale des fréquences ont été présentées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 28 février 2022 au greffe du tribunal administratif de Melun, soit au-delà du délai raisonnable fixé par la décision d'Assemblée du Conseil d'Etat du 13 juillet 2016, M. A... , n°387763, sont tardives.

Par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maerten, représentant l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 ", et de Me Brun, représentant l'Agence nationale des fréquences.

Considérant ce qui suit :

1. L'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime (OPH) " Habitat 76 " a présenté à l'Agence nationale des fréquences (Anfr) des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre à la suite des travaux d'adaptation d'antenne en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la télévision numérique terrestre (TNT), réalisés sur les immeubles dont il assure la gestion pour un montant total de 309 176,45 euros, soit un montant par logement de 422,95 euros. Par une décision du 24 octobre 2019, l'Anfr a informé l'OPH " Habitat 76 " que l'aide à la réception des services de télévision lui était accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel et a indiqué que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seraient pris en charge, conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Par un courrier du 20 décembre 2019, reçu le 23 décembre suivant par l'Anfr, l'OPH " Habitat 76 " a sollicité le retrait de la décision du 24 octobre 2019 au motif qu'elle n'indiquait pas le montant de l'aide qui serait accordée et a demandé le remboursement intégral des frais qu'il avait engagés dans les travaux pour l'ensemble des immeubles dont il assurait la gestion. Par une décision du 17 janvier 2020, l'Anfr a rejeté son recours formé contre la décision du 24 octobre 2019 ainsi que sa demande de remboursement intégral des travaux sans toutefois préciser le montant de l'aide à la réception des services de télévision qui lui serait allouée. Par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé une somme de 144,10 euros au titre de cette aide pour les travaux effectués sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu. Elle a effectué directement des versements d'un montant de 144,10 euros pour les travaux effectués sur les autres immeubles. Ces versements révèlent les décisions par lesquelles l'Anfr a refusé d'accorder, au titre de l'aide à la réception des services de télévision, le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion. Par un jugement du 12 mai 2022, dont l'OPH " Habitat 76 " relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Anfr du 24 octobre 2019, de sa décision du 17 janvier 2020, de sa décision du 27 février 2020 en tant qu'elle limite à une somme de 144,10 euros le montant de l'aide à la réception des services de télévision accordée pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et de la décision implicite née le 23 février 2020 par laquelle l'ANFR a refusé le remboursement intégral des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " dans les 730 autres logements dont il assure la gestion.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que l'OPH " Habitat 76 " a présenté devant le tribunal administratif un mémoire complémentaire le 28 février 2022 dans lequel il soulevait le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique du fait du revirement de position de l'Anfr dans le traitement des demandes d'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre. Ce moyen soulevé à l'encontre de décisions individuelles et d'une éventuelle doctrine de l'Anfr est inopérant. Cependant, le tribunal n'a pas analysé ce moyen inopérant. Contrairement à ce que soutient l'Anfr, le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique ne se confond pas avec celui tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. Par suite, en l'absence de réponse à ce moyen, qui n'a pas été analysé, l'OPH " Habitat 76 " est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de l'OPH " Habitat 76 " présentée devant le tribunal administratif de Melun.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 24 octobre 2019 et de la décision du 17 janvier 2020 rejetant le recours gracieux de l'OPH " Habitat 76 " :

4. Il ressort des termes de la décision du 24 octobre 2019 que l'Anfr a décidé d'accorder à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires et a précisé, en se livrant à une interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision pourront être pris en charge. L'OPH " Habitat 76 " ayant sollicité le remboursement des frais correspondant à l'intégralité des travaux réalisés en vue de remédier aux perturbations de réception des services de télévision dues au changement de fréquence de la TNT, cette interprétation de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 est susceptible de lui faire grief. Dans ces conditions, la décision du 24 octobre 2019 de l'Anfr et la décision rejetant le recours formé par l'OPH " Habitat 76 " contre cette décision sont des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée devant la cour par l'Anfr, tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de ces décisions doit être écartée.

Sur l'étendue du litige :

5. Si l'Anfr invoque l'existence d'une décision implicite, née selon elle le 23 février 2020 du silence gardé sur la demande de remboursement de l'intégralité des travaux effectués présentée le 23 décembre 2019 par l'OPH " Habitat 76 ", elle a cependant expressément rejeté cette demande par une décision du 17 janvier 2020. En outre, par une décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé la somme de 144,10 euros au titre de l'aide à la réception pour les travaux sur l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu et a rejeté le surplus de la demande. Ces décisions expresses se sont substituées à la décision implicite du 23 février 2020. Par ailleurs, les versements effectués en faveur de l'OPH " Habitat 76 " d'un montant de 144,10 euros pour chacun des 730 sites concernés révèlent les décisions de l'Anfr refusant d'accorder la totalité du montant sollicité au titre de l'aide à la réception des services de télévision qui se sont également substituées à la décision implicite qui serait intervenue le 23 février 2020. Dans ces conditions et eu égard à ce qui a également été dit au point 4, les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " doivent être regardées comme dirigées contre les décisions de l'Anfr du 24 octobre 2019, des 17 janvier et 27 février 2020 ainsi que contre les décisions révélées par les versements effectués à hauteur seulement de 144,10 euros pour les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu gérés par le requérant.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...).

7. En premier lieu, la décision du 24 octobre 2019 vise le décret n° 2015-1500 du 19 novembre 2015 et précise que l'aide à la réception des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre sollicitée par l'OPH " Habitat 76 " est accordée pour couvrir tout ou partie des frais engagés pour effectuer les travaux nécessaires de l'immeuble André Malraux situé allée Jean de la Varende à Oissel mais toutefois que seuls les travaux indispensables pour assurer la continuité de la réception des services de télévision seront pris en charge conformément à l'article 1er du décret du 19 novembre 2015. La décision renvoie également à son site internet à fin de suivre l'état d'avancement des demandes. Dans ces conditions, et alors que l'Anfr n'avait pas encore instruit la demande d'aide et n'était donc pas en mesure de préciser le montant de l'aide accordée, elle a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 24 octobre 2019 doit être écarté.

8. En deuxième lieu, par sa décision du 27 février 2020, l'Anfr a accordé à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans l'immeuble situé rue des Bas Jardins à Canteleu à hauteur de 144,10 euros. L'article 7 du décret du 19 novembre 2015 visé ci-dessus prévoit un plafond au montant de l'aide à la réception des services de télévision, sans ouvrir un droit automatique à l'obtention de ce montant maximal. Dans ces conditions, quand bien même le montant de l'aide accordée ne correspond pas au montant sollicité par le requérant, cette décision ne saurait être regardée comme une décision défavorable au sens des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, cette décision n'étant pas au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions précitées, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.

9. En troisième lieu, pour le même motif que celui énoncé au point 8, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions de l'Anfr accordant à l'OPH " Habitat 76 " l'aide à la réception des services de télévision pour les travaux effectués dans les 730 immeubles autres que celui de la rue des Bas Jardins à Canteleu dont il assure la gestion, à hauteur de 144,10 euros chacun, et révélées par le versement de cette aide, doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède à un réaménagement de fréquences pour tenir compte d'une réaffectation des fréquences en application de l'article 21, une aide est également attribuée, sans condition de ressources, aux foyers dont le local d'habitation se situe dans une zone géographique dans laquelle la continuité de la réception des services de télévision en clair ne peut être assurée par voie hertzienne terrestre sans une intervention sur le dispositif de réception ou la modification du mode de réception, dans des cas définis par décret. En habitat collectif, cette aide est attribuée au représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif. ".

11. Aux termes de l'article 1er du décret du 19 novembre 2015 relatif à l'aide à la réception instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " L'aide instituée par le deuxième alinéa de l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée visant à contribuer à la continuité de la réception des services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre couvre tout ou partie des frais engagés par un foyer ou le représentant légal d'un immeuble collectif, d'une copropriété ou d'un ensemble locatif : - soit pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre ;/- soit pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Pour bénéficier de l'aide, le foyer doit satisfaire aux conditions suivantes : 1° Il ne reçoit dans sa résidence principale des services de télévision que par voie hertzienne terrestre ; 2° Il détient un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé dans sa résidence principale située dans une zone géographique arrêtée par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences et où la réception des services de télévision mentionnés à l'article 1er est perturbée ou susceptible de l'être ; 3° Il déclare à l'agence être en situation régulière au regard de l'administration fiscale s'agissant de la contribution à l'audiovisuel public ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " La demande est adressée à l'Agence nationale des fréquences au plus tard six mois après la perturbation de la réception des services de télévision. En habitat collectif, la demande peut être formulée par le représentant légal de l'immeuble collectif, de la copropriété ou de l'ensemble locatif dans lequel se situe le ou les foyers en cause. L'Agence nationale des fréquences précise les modalités de dépôt de la demande d'aide et les pièces permettant d'apprécier les conditions d'éligibilité mentionnées à l'article 3 ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Le montant de l'aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " (...) En habitat collectif toutefois, le montant maximal de l'aide, qui ne peut excéder 500 euros, est fixé par le conseil d'administration de l'Agence nationale des fréquences ".

12. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 1er , 6 et 7 du décret du 19 novembre 2015 précitées que l'aide à la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre a pour objet de couvrir tout ou partie des frais engagés pour adapter l'antenne, individuelle ou collective, permettant la réception de ces services ou pour accéder à l'offre d'un distributeur de services ou d'un opérateur de réseau satellitaire qui propose la reprise des services en cause, en cas de réaménagement de fréquences, que le montant de cette aide est établi sur la base du justificatif d'achat ou du service fait fourni par le demandeur et que ce montant ne peut excéder en tout état de cause, en cas d'habitat collectif, 500 euros. Il s'ensuit que l'Anfr n'a pas ajouté une condition à l'attribution de cette aide qui ne serait pas fixée par les dispositions réglementaires en estimant que les travaux ouvrant droit à cette aide étaient en l'espèce les seuls travaux destinés à adapter l'antenne collective afin de permettre la réception des services de télévision, ce qui devait la conduire à vérifier la nature de ces travaux et, par suite, à contrôler nécessairement leur caractère utile au regard de la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision au vu des pièces justificatives présentées par le demandeur. Par suite, l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à soutenir que l'Anfr aurait commis une erreur de droit en n'accordant l'aide sollicitée que pour les seuls travaux utiles ou indispensables à l'adaptation des antennes des immeubles dont il assure la gestion.

13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Anfr a refusé d'accorder l'aide à la réception des services de télévision en vue du remboursement des frais engagés par l'OPH " Habitat 76 " pour le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50. Il ressort du courriel du 9 décembre 2019 du responsable de la société Sogire et de l'attestation du 12 mars 2020 du directeur France de la société Wisi communications Gmbh et Co. KG que les stations WISI VS21 nécessitent, pour leur reprogrammation, un clavier de programmation et une télécommande permettant de régler ces stations qui ne sont plus commercialisés depuis respectivement 2012 et 2011. Cependant, cette circonstance, et à supposer même que la société Sogire n'aurait plus qu'un seul clavier de reprogrammation comme elle l'a indiqué, ne permet pas d'établir que d'autres sociétés d'antennistes ne disposeraient plus de tels outils et qu'il ne serait ainsi plus possible de reprogrammer les stations WISI VS21 situées sur les immeubles gérés par le requérant lors du changement de fréquences de la télévision numérique terrestre. En outre, il ressort du courriel du 4 février 2020 du directeur général de la société Televes France que la programmation différée des stations AVANT 3 TELEVES est possible en rajoutant des canaux grâce " à l'entrée de couplage pour raccordement d'autres centrales ", ce qui permet ainsi une programmation différée du changement de fréquences, et que " l'ajout de canaux ne nécessite pas forcément l'ajout d'un filtre mécanique ". Dans ces conditions, même si ces dernières stations sont obsolètes et à supposer même que l'ajout d'une nouvelle station à ces stations déjà installées afin de pouvoir ouvrir de nouveaux canaux serait une solution technique moins pertinente à terme que leur remplacement par une station programmable qui constitue la solution la plus pérenne et, sur le long terme, la moins onéreuse afin de répondre à l'évolution télévisuelle future, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ouverture de nouveaux canaux serait techniquement impossible sans remplacement des anciennes stations. Par ailleurs, si l'Anfr a pu conseiller aux sociétés d'antennistes d'installer des stations pérennes et moins onéreuses, dont la station VS 50, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait indiqué qu'une telle installation serait nécessairement prise en charge dans le cadre de l'aide à la réception des services de télévision. Dans ces conditions, l'Anfr n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le remplacement des stations WISI VS21 et AVANT TELEVES par la station VS 50 sur les immeubles gérés par le requérant n'était pas utile ou indispensable à la réception des nouvelles fréquences de la TNT et en limitant, par suite, le montant de l'aide à la réception des services de télévision au remboursement des seuls frais de réglages et de la main-d'œuvre associée.

14. En troisième lieu, l'appelant soutient qu'en refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision pour la totalité des travaux qu'il a engagés sur les immeubles dont il assure la gestion au motif qu'une partie de ces travaux n'étaient pas utiles ou indispensables pour la seule opération d'adaptation de l'antenne de l'immeuble permettant la réception des services de télévision, l'Anfr a méconnu le principe d'égalité de traitement entre les demandeurs de l'aide, dès lors qu'elle avait accordé cette aide par le passé, notamment à l'office d'HLM de Béziers en 2018, pour l'ensemble des travaux effectués quand bien même ces derniers portaient sur un changement de la station collective TNT. Toutefois, le motif de refus opposé par l'Anfr découle des dispositions du décret du 19 novembre 2015 lui-même ainsi qu'il a été dit au point 12. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

15. En quatrième lieu, l'OPH " Habitat 76 " ne saurait utilement soulever le principe de sécurité juridique pour contester les décisions prises par l'Anfr accordant ou refusant d'accorder l'aide à la réception des services de télévision, qui ne revêtent pas de caractère réglementaire. En outre, à supposer que l'Anfr ait élaboré puis modifié une doctrine en matière d'attribution de l'aide en litige, le changement de cette doctrine n'entre pas davantage dans le champ d'application de ce principe. Par suite, ce moyen est inopérant et doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH " Habitat 76 " n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions de l'Anfr lui accordant l'aide à la réception des services de télévision au titre des travaux effectués sur les 371 immeubles dont il assure la gestion à hauteur seulement de 144,10 euros chacun.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par l'OPH " Habitat 76 " n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par l'OPH " Habitat 76 ".

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Anfr qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que l'OPH " Habitat 76 " demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'OPH " Habitat 76 " la somme sollicitée par l'Anfr sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2007477 du 12 mai 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'OPH " Habitat 76 " devant le tribunal administratif de Melun et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de l'Agence nationale des fréquences présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat du département de la Seine-Maritime " Habitat 76 " et à l'Agence nationale des fréquences.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Jayer, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2023.

La rapporteure,

V. LARSONNIER La présidente,

A. MENASSEYRE

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03101 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03101
Date de la décision : 20/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET GRIFFITHS DUTEIL ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-11-20;22pa03101 ?
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