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12/01/2024 | FRANCE | N°22PA04810

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 12 janvier 2024, 22PA04810


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association école dynamique a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la mise en demeure que lui a adressée le recteur de l'académie de Paris le 3 février 2022 sur le fondement de l'article L. 442-2 du code de l'éducation.



Par une ordonnance n° 2208472 du 30 septembre 2022, la vice-présidente de la première section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 novembre 2022 et 29 mai et

6 octobre 2023, Me Pellegrini, en sa q...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association école dynamique a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la mise en demeure que lui a adressée le recteur de l'académie de Paris le 3 février 2022 sur le fondement de l'article L. 442-2 du code de l'éducation.

Par une ordonnance n° 2208472 du 30 septembre 2022, la vice-présidente de la première section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 10 novembre 2022 et 29 mai et

6 octobre 2023, Me Pellegrini, en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de l'association école dynamique, représenté par la SARL Hubert Veauvy avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la mise en demeure du 3 février 2022 du recteur de l'académie de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que le mandataire liquidateur a qualité pour représenter l'association en justice et que le président de l'association était en tout état de cause habilité à cet effet ;

- sa demande devant le tribunal était recevable ;

- la mise en demeure est insuffisamment précise et circonstanciée ;

- seul le socle minimum de connaissances prévu à l'article D. 122-1 du code de l'éducation s'applique, et non les éléments déclinés dans l'annexe à laquelle fait référence l'article D. 122-2 de ce code ;

- il a été fait application à l'association école dynamique de principes qui ne figurent pas même à l'annexe de l'article D. 122-2 du code de l'éducation ;

- c'est à tort que le rapport d'inspection a retenu qu'elle ne respectait pas l'objet de l'instruction obligatoire ;

- la mise en demeure porte atteinte à sa liberté pédagogique ;

- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2023, le recteur de l'académie de Paris conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le président de l'association école dynamique n'a pas qualité pour la représenter en justice ;

- la mise en demeure ne fait pas grief ;

- les autres moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de commerce ;

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Veauvy, représentant l'association école dynamique.

Des notes en délibéré produites pour l'association école dynamique ont été enregistrées les 16 et 22 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. L'école dynamique, école privée hors contrat appartenant au réseau des écoles démocratiques, a ouvert ses portes au mois de septembre 2015 dans le 14ème arrondissement de Paris. A la suite d'un contrôle réalisé dans cette école le 13 décembre 2021, le recteur de l'académie de Paris a, sur le fondement de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, mis en demeure l'établissement de prendre un certain nombre de mesures dans un délai de trois mois. L'association école dynamique, représentée par Me Pellegrini en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'association, relève appel de l'ordonnance par laquelle la vice-présidente de la première section du tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Par un jugement du 12 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de l'association école dynamique et a désigné Me Pellegrini en qualité de liquidateur judiciaire. Ce dernier qui, en vertu des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, a qualité pour représenter l'association école dynamique en justice, a indiqué poursuivre l'instance au nom de l'association. Dans ces conditions, en admettant même que le président de l'association n'avait pas qualité pour représenter l'association en justice, la recevabilité de la requête a été régularisée sur ce point. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée du défaut de qualité du président de l'association pour la représenter en justice doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 442-2 du code de l'éducation dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Mis en œuvre sous l'autorité conjointe du représentant de l'Etat dans le département et de l'autorité compétente en matière d'éducation, le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, qui implique l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, au respect de l'ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l'enfance et de la jeunesse. / II.- L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation prescrit le contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini par l'article L. 111-1 (...). / IV.- L'une des autorités de l'Etat mentionnées au I peut adresser au directeur ou au représentant légal d'un établissement une mise en demeure de mettre fin, dans un délai qu'elle détermine et en l'informant des sanctions dont il serait l'objet en cas contraire : / 1° Aux risques pour l'ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de fonctionnement de l'établissement ; / 2° Aux insuffisances de l'enseignement, lorsque celui-ci n'est pas conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini à l'article L. 131-1-1, et ne permet pas aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 ; / 3° Aux manquements aux obligations en matière de contrôle de l'obligation scolaire et d'assiduité des élèves (...). / S'il n'a pas été remédié à ces manquements, après l'expiration du délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, par arrêté motivé, la fermeture temporaire ou définitive de l'établissement ou des classes concernées (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la mise en demeure adressée, à la suite du contrôle d'un établissement privé hors contrat, au directeur de ce dernier, peut lui imposer, au vu des manquements constatés lors de ce contrôle, notamment au regard de l'obligation de dispenser un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, non seulement de fournir des explications, mais aussi d'engager les actions nécessaires, qu'elle doit exposer de manière précise et circonstanciée, pour remédier aux manquements que l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation estime constitués, et ce dans un délai déterminé, au terme duquel l'autorité académique, en cas de refus d'engager les actions ainsi exigées, peut saisir le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale et mettre en demeure les parents des élèves scolarisés dans cet établissement d'inscrire leur enfant dans un autre établissement. Lorsque cette mise en demeure ne se borne pas à exiger des explications mais impose à l'établissement d'engager des actions déterminées, elle constitue un acte faisant grief susceptible de recours.

5. En l'espèce, la mise en demeure du 3 février 2022 renvoie au rapport d'inspection qui comporte une série de mesures à mettre en œuvre dans un délai de trois mois et elle rappelle à l'association école dynamique les mesures et sanctions auxquelles elle s'expose en ne donnant pas suite à cette mise en demeure. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal a retenu que sa demande était irrecevable au motif que cette mise en demeure ne lui faisait pas grief. Par suite, l'ordonnance du tribunal administratif de Paris doit être annulée.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association école dynamique.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le cadre juridique :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 442-3 du code de l'éducation : " Les directeurs des établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat sont entièrement libres dans le choix des méthodes, des programmes, des livres et des autres supports pédagogiques, sous réserve de respecter l'objet de l'instruction obligatoire tel que celui-ci est défini par l'article L. 131-1-1 et de permettre aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1 ". Aux termes de l'article R. 131-12 du même code : " Pour les enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille ou dans les établissements d'enseignement privés hors contrat, l'acquisition des connaissances et des compétences est progressive et continue dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et doit avoir pour objet d'amener l'enfant, à l'issue de la période de l'instruction obligatoire, à la maîtrise de l'ensemble des exigences du socle commun. La progression retenue doit être compatible avec l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap tel que défini à l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles, avec ses besoins particuliers, tout en tenant compte des choix éducatifs effectués par les personnes responsables de l'enfant et de l'organisation pédagogique propre à chaque établissement ". Aux termes de l'article R. 131-13 de ce même code : " Le contrôle de la maîtrise progressive de chacun des domaines du socle commun est fait au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire, en tenant compte des méthodes pédagogiques retenues par l'établissement ou par les personnes responsables des enfants qui reçoivent l'instruction dans la famille ".

8. Le principe de la liberté de l'enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d'enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l'Etat, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l'instruction au sein de la famille. Le droit à l'instruction, reconnu par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et par l'article 2 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, peut justifier l'encadrement de la liberté d'enseignement, dans la mesure où celui-ci n'a ni pour objet ni pour effet de vider de sa substance la liberté de l'enseignement. Dès lors, s'il est loisible aux établissements privés hors contrat de choisir tant leurs rythmes d'éducation que leurs méthodes pédagogiques afin de mettre leurs élèves en mesure d'acquérir, à l'issue de leur période de scolarité obligatoire, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, ces rythmes comme ces méthodes ou la manière de les appliquer ne doivent ni, d'une part, conduire ces établissements à ne pas mettre en mesure leurs élèves d'acquérir ce socle commun ni, d'autre part, faire obstacle à la possibilité pour l'autorité de l'État compétente de déterminer, dans le cadre d'un contrôle, si les établissements en cause respectent l'objet et le contenu de l'enseignement obligatoire.

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation : " La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l'acquisition d'un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l'ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d'études, la construction d'un avenir personnel et professionnel et préparer à l'exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes (...) ". Aux termes de l'article D. 122-1 du même code : " Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l'article L. 122-1-1 est composé de cinq domaines de formation qui définissent les grands enjeux de formation durant la scolarité obligatoire (...) ". Aux termes de l'article D. 122-2 de ce même code : " Chaque domaine de formation énoncé à l'article D. 122-1 comprend des objectifs de connaissances et de compétences qui sont définis en annexe à la présente section (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le contenu des connaissances requises des enfants relevant de l'obligation scolaire est défini par renvoi à l'annexe mentionnée à l'article D. 122-2, laquelle fixe, pour chaque domaine de formation, des objectifs de connaissances et de compétences. Dans ces conditions, lorsqu'à l'issue du contrôle effectué en vertu du I de l'article L. 442-2 du code de l'éducation, les autorités de l'Etat estiment que l'enseignement dispensé par l'établissement contrôlé ne permet pas aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun défini à l'article L. 122-1-1, la mise en demeure édictée sur le fondement du IV de cet article peut porter non seulement sur les cinq domaines fixés à l'article D. 122-1 du code de l'éducation mais également sur les objectifs de connaissances et de compétences définis à l'annexe à laquelle renvoie l'article D. 122-2 de ce code.

En ce qui concerne la légalité de la mise en demeure du 3 février 2022 :

11. En premier lieu, la mise en demeure adressée au directeur de l'établissement sur le fondement de l'article L. 442-2 du code de l'éducation doit exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l'enseignement dispensé soit mis en conformité avec l'objet de l'instruction obligatoire.

12. En l'espèce, le courrier de mise en demeure du 3 février 2022 indique au directeur de l'établissement le mettre en demeure de fournir des explications et d'améliorer la situation. S'agissant de l'amélioration de la situation, le courrier lui donne trois mois pour remédier à ses manquements et renvoie au rapport d'inspection joint au courrier pour le détail des manquements constatés et des préconisations pour y remédier. Si l'emploi du terme " préconisation " par le courrier et l'intitulé, dans le rapport d'inspection, " synthèse des préconisations, recommandations et injonctions à mettre en œuvre par l'établissement " peuvent, sortis de leur contexte, prêter à confusion quant au caractère obligatoire des mesures à mettre en œuvre, les autres termes du courrier et la présentation, par le rapport d'inspection, des mesures devant être mises en œuvre comme devant l'être dans un délai de trois mois à compter de la réception du rapport ne laissent aucun doute quant au caractère impératif des mesures énoncées. Le rapport d'inspection comporte par ailleurs une dizaine de pages consacrées aux observations faites à l'occasion de l'inspection qui permettent de comprendre la portée des mesures à mettre en œuvre. En particulier, les observations page 10 du rapport sous le domaine 3 du socle commun indiquent que " Les instances de régulation de la vie collective de l'école permettent de développer les compétences psychosociales. Mais l'absence de programmations des enseignements conduit à l'impossibilité d'identifier les traces de renseignement des règles et du droit qui sont au fondement de la République ". Ces observations éclairent la mesure n° 18 correspondant également au domaine 3 et enjoignant de " renforcer l'expression de la sensibilité et des opinions, la réflexion et le discernement. Ces compétences sont mises en interaction pour le fonctionnement même de l'établissement, mais elles doivent être formalisées ", qui est dès lors compréhensible, contrairement à ce que soutient la requérante. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la mise en demeure ne serait pas suffisamment précise et circonstanciée doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. / Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée (...) ".

14. A supposer que l'interprétation du droit positif à laquelle procède la circulaire du

21 août 2018 MENF1815492C, régulièrement publiée et en vigueur à la date de la décision contestée, puisse être regardée comme excluant, pour les établissements d'enseignement privés hors contrat, les éléments déclinés dans l'annexe mentionnée par l'article D. 122-2 du code de l'éducation du socle commun de connaissances prévu à l'article D. 122-1 du même code, l'association école dynamique ne pourrait se prévaloir de cette interprétation dès lors qu'elle serait de nature à affecter les élèves. Par suite, la mise en demeure du 3 février 2022 n'est pas entachée d'erreur de droit en ce qu'elle s'est fondée sur la définition des objectifs de connaissances et de compétences définis à l'annexe mentionnée à l'article D. 122-2 pour apprécier si l'enseignement dispensé par l'école dynamique permettait aux élèves concernés l'acquisition progressive du socle commun.

15. En troisième lieu, si l'association école dynamique soutient que le rapport d'inspection s'est appuyé sur des éléments qui ne figurent pas dans le socle commun défini aux articles D. 122-1 et D. 122-2 du code de l'éducation, en ce qu'il relève l'absence de situations de classe, le rapport s'est borné à observer l'existence ou non de telles situations et n'exige nullement la mise en place de classes académiques. De même, l'observation de l'existence ou non d'enseignements structurés vise à s'assurer de ce que les élèves sont mis à même d'accéder à l'ensemble du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Enfin, la recherche de " traces dans le cahier de texte (ou autre document) de l'oral " doit seulement permettre aux inspecteurs de vérifier la réalité de l'apprentissage des élèves.

16. En quatrième lieu, si l'association école dynamique critique les modalités de déroulement de l'inspection, estimant que les inspecteurs auraient dû rester plus d'1h50 sur place et rencontrer davantage d'élèves et qu'ils n'ont pas pris en compte les différentes modalités d'évaluation mises en œuvre par l'établissement, elle ne remet pas sérieusement en cause les constats des inspecteurs sur lesquels le recteur de l'académie de Paris s'est appuyé pour lui imposer de prendre les mesures en litige. Les inspecteurs n'avaient par ailleurs pas à s'intéresser au devenir des anciens élèves de l'école qui n'étaient plus scolarisés au sein de l'établissement contrôlé, leur inspection portant sur l'instruction obligatoire des élèves qui y étaient alors scolarisés.

17. En cinquième lieu, la mise en demeure du 3 février 2022 enjoint notamment au directeur de l'école dynamique de mettre en place des progressions pédagogiques annuelles fixant des objectifs d'acquisition des éléments du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et de mettre en place des évaluations formatives permettant le cas échéant de venir en aide à l'élève par une remédiation scolaire personnalisée. Il lui est également enjoint de structurer des outils et des enseignements, l'injonction n° 12 précisant que " l'élaboration de modules d'apprentissage structurés permet de prévoir dans la construction des apprentissages, les phases de manipulation et les phases de passage à l'abstraction ", et de formaliser les outils de travail des adultes et des élèves. Il lui est de plus enjoint de mettre en place des situations pédagogiques de découverte ou de sensibilisation pour susciter l'envie d'apprendre à l'enfant, de repenser l'accompagnement des élèves devant passer un examen en fin d'année et de mettre en place des cours d'EPS.

18. L'acquisition du socle commun étant nécessairement progressive, le recteur de l'académie de Paris pouvait imposer à l'école dynamique de mettre en place des outils permettant une progression dans l'acquisition du socle commun dès lors qu'il a laissé le rythme de cette progression à la libre appréciation de l'établissement et n'a pas imposé qu'elle soit réalisée de manière collective. Il pouvait de même lui imposer la mise en place d'outils permettant de vérifier cette acquisition et de remédier aux carences des élèves, dès lors qu'il lui a laissé le choix des modalités de ces évaluations et de cette remédiation. Il ressort par ailleurs des observations des inspecteurs que l'absence de toute structuration des enseignements, de formalisation des outils d'apprentissage ou de mise en place de situations pédagogiques de découverte ou de sensibilisation ne donne pas à l'ensemble des élèves soumis à l'obligation scolaire les moyens d'acquérir le socle commun de connaissances, lequel implique d'accéder à un ensemble de connaissances variées et abstraites. S'agissant de la mise en place de cours d'éducation physique et sportive, elle figure dans le socle commun. Enfin, le recteur n'a nullement imposé à l'établissement d'inscrire ses élèves aux examens de fin d'année mais s'est borné à lui demander de mettre en place un cadre et des locaux permettant aux élèves qui le souhaiteraient de s'y présenter. Ainsi, la mise en demeure comporte des mesures nécessaires au respect de l'instruction obligatoire des élèves. Si elle a pour effet d'encadrer la liberté pédagogique de l'école dynamique, en lui imposant, en particulier, de structurer des enseignements, elle n'a pas pour effet de vider cette liberté de sa substance dès lors qu'elle laisse à l'établissement le choix des modalités de cette structuration, lui permettant, notamment, de prendre en compte le profil particulier des élèves accueillis.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

20. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision en litige a pour objet d'assurer, dans l'intérêt des enfants accueillis par l'école dynamique, le respect de l'instruction obligatoire. L'encadrement de la liberté pédagogique de l'école dynamique auquel elle procède ne fait par ailleurs et en tout état de cause pas obstacle à ce qu'elle adapte sa pédagogie au public qu'elle accueille. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l'école dynamique tendant à l'annulation de la mise en demeure du 3 février 2022 doivent être rejetées.

Sur les frais du litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante en la présente instance, une somme sur ce fondement.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2208472 du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande de l'association école dynamique devant le tribunal et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Pellegrini et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04810
Date de la décision : 12/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SARL HUBERT VEAUVY AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-12;22pa04810 ?
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