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30/01/2024 | FRANCE | N°22PA03928

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 30 janvier 2024, 22PA03928


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle la commune de Livry-Gargan a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire, ainsi que la décision du 19 décembre 2018 de rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 1901859/4 du 24 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une req

uête et un mémoire enregistrés les 23 août 2022 et 6 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Isabelle Samama-Samuel, de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 29 août 2018 par laquelle la commune de Livry-Gargan a prononcé son licenciement pour motif disciplinaire, ainsi que la décision du 19 décembre 2018 de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1901859/4 du 24 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 août 2022 et 6 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Isabelle Samama-Samuel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 juin 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions contestées devant ce tribunal ;

3°) de requalifier son contrat de vacataire en contrat à durée indéterminée à compter du 25 mai 1998 ;

4°) d'enjoindre à la commune de Livry Gargan de procéder à la révision de sa situation au titre des périodes d'engagement en qualité de vacataire du 25 mai 1998 au 5 septembre 2018 en lui versant la différence entre ce qu'elle a perçu en tant que vacataire et ce qu'elle aurait dû percevoir en tant qu'agent non titulaire, et régulariser, le cas échéant, les cotisations auprès des organismes sociaux et de retraite compétents, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour d'appel ;

5°) d'enjoindre à la commune de Livry-Gargan de la réintégrer dans un délai de quinze jours suivants l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son contrat de vacataire doit être requalifié en contrat d'agent public à temps non complet et la différence de rémunération doit lui être versée ;

- les faits de désobéissance ne sont pas établis ;

- elle a fait l'objet de mesures de brimades de la part de sa hiérarchie ;

- elle n'était pas tenue de déclarer son cumul d'emplois auprès de la commune ;

- la sanction est disproportionnée au regard des faits reprochés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 février et 30 juin 2023, la commune de Livry-Gargan, représentée par Me Eric Landot, conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge de la Mme A... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 7 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ;

- le décret n° 2016-1858 du 23 décembre 2016 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Topin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Samama-Samuel, représentant Mme A... et de Me Martinangeli représentant la commune de Livry-Gargan.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent de la fonction publique territoriale, a été recrutée le 28 mai 1998 par la commune de Livry-Gargan en qualité de vacataire pour exercer dans les crèches municipales en qualité de médecin généraliste. Elle a été licenciée par une décision du maire de la commune de Livry-Gargan en date du 29 août 2018, pour des motifs disciplinaires tirés d'un manquement à l'obligation d'obéissance et d'un défaut de demande d'autorisation de cumul d'emplois. Elle a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision qui a été rejeté par une décision du 19 décembre 2018. Par un jugement du 24 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de la commune de Livry-Gargan à lui verser la somme de 91 978,20 euros en réparation des préjudices subis. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas été fait droit à ses conclusions d'annulation des décisions attaquées et d'injonction de la réintégrer. Elle demande en outre à la Cour d'enjoindre à la commune de Livry Gargan de procéder à la révision de sa situation au titre des périodes d'engagement en qualité de vacataire, du 25 mai 1998 au 5 septembre 2018, en lui versant la différence entre ce qu'elle a perçu en tant que vacataire et ce qu'elle aurait dû percevoir en tant qu'agent non titulaire, et de régulariser, le cas échéant, les cotisations auprès des organismes sociaux et de retraite compétents.

Sur les conclusions à fin d'annulation

2. Aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". Et aux termes de l'article 36-1 de ce même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : /1° L'avertissement ; /2° Le blâme ; /3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

En ce qui concerne le caractère fautif des faits reprochés :

3. En premier lieu, aux termes du 2° du II de l'article 1-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " L'agent contractuel est, quel que soit son emploi, responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la directrice de la petite enfance de la commune, supérieure hiérarchique de Mme A..., l'a rencontrée le 30 avril 2018 et lui a fait part de sa volonté d'organiser le travail des équipes des crèches. A cette fin, elle a sollicité par un courriel du 2 mai 2018 la communication d'un planning mentionnant les horaires de Mme A... dans chaque crèche. Mme A... y a répondu en mettant en copie le directeur général des services et l'élu du secteur, en indiquant qu'elle refusait de fournir le planning demandé, en renvoyant la directrice aux textes organisant la présence d'un médecin dans certains établissements et en concluant : " Enfin, sachez Madame, que vous n'êtes en aucun cas ma supérieure hiérarchique concernant ma profession de médecin au sein des établissements d'accueil du jeune enfant de la ville de Livry-Gargan. Vous l'êtes seulement d'un point de vue administratif ". D'autre part, par un courriel du 15 juin 2018, la directrice du service a informé Mme A... qu'elle ne pouvait valider les 120 heures de travail déclarées par cette dernière au titre du mois de mai 2018 dès lors qu'elle n'avait été présente que 85 heures dans les structures. Par un courriel du 18 juin 2018, Mme A... a répondu à l'intéressée, de manière vindicative, en mettant en copie le maire, l'élue en charge du secteur, l'ensemble des directrices de crèche et le directeur général adjoint, remettant en cause le constat du nombre d'heures effectivement réalisées en le qualifiant de mensonger, exigeant des excuses et précisant qu'elle communiquerait à l'avenir un état global des heures réalisées sans préciser le lieu et le temps d'exercice pour chacun des établissements, et que ses congés n'avaient pas à être soumis à autorisation. Ces écrits du 2 mai et du 18 juin 2018 révèlent des manquements fautifs à l'obligation d'obéissance à l'autorité hiérarchique, à laquelle il revenait de superviser l'activité de Mme A... et le cas échéant de contrôler l'effectivité de l'exercice de l'activité pour laquelle la commune la rémunérait, alors que, contrairement à ce que soutient la requérante, les demandes de la commune, qui visaient à organiser le service, ne pouvaient être regardées comme portant atteinte au secret médical ou révéler un acharnement à son encontre.

5. En second lieu, aux termes de l'article 32 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " (...) II. -Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, sont applicables aux agents contractuels (...) le présent chapitre IV, à l'exception de l'article 30 ". Aux termes de l'article 25 septies figurant au chapitre IV intitulé " Des obligations et de la déontologie " de cette loi : " I. -Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées (...) IV. -Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret du 27 janvier 2017 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d'activités et à la commission de déontologie de la fonction publique : " Dans les conditions fixées aux I et IV de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et celles prévues par le présent décret, l'agent peut être autorisé à cumuler une activité accessoire avec son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service ou ne mette pas l'intéressé en situation de méconnaître l'article 432-12 du code pénal. Cette activité peut être exercée auprès d'une personne publique ou privée (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 27 janvier 2017 : " Les activités exercées à titre accessoires susceptibles d'être autorisées (...) : / (...) h) Une activité d'intérêt général exercée auprès d'une personne publique (...) ".

6. Mme A... a été employée par la commune en qualité de vacataire, suivant les termes de ses contrats, initialement pour une durée de 27 heures hebdomadaires puis, à compter du 1er juillet 2006, à raison de 30 heures par semaine. Contrairement à ce que soutient la commune, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la seule mention de " contractuel " substituée à celle de " non titulaire " portée sur les bulletins de paie de Mme A... à compter de février 2018, que la commune aurait régulièrement informé l'intéressée qu'elle était employée à partir de cette date en qualité d'agent public contractuel. L'absence de déclaration ou de demande d'autorisation de cumul d'activités avec les fonctions de médecin de la protection maternelle et infantile exercées par Mme A... depuis 1998 auprès du département de la Seine-Saint-Denis à temps partiel, d'abord à hauteur de 50 % puis, à compter du 1er septembre 2017, à hauteur de 80 %, quand bien même son activité hebdomadaire totale aurait été ainsi portée à 58 heures par semaine, ne peut être regardée, dans ces conditions, comme fautive.

En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction à la faute :

7. Au regard des seules fautes établies par la commune, et alors que Mme A..., qui exerçait ses fonctions auprès de la commune depuis plus de vingt ans, n'avait fait l'objet auparavant d'aucune sanction ni de critiques sur sa manière de servir, la sanction de licenciement prononcée à son encontre est disproportionnée. Les décisions attaquées, ainsi entachées d'une erreur d'appréciation, doivent par suite être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'annulation des décisions attaquées prononcée par le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint à la commune de Livry-Gargan de réintégrer Mme A... dans son emploi, à compter de la date de son éviction illégale, jusqu'à la date à laquelle, le cas échéant, son contrat aurait normalement pris fin, et d'y procéder dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. En revanche, elle n'implique pas qu'il soit enjoint à la commune de requalifier le contrat de vacataire de Mme A... en contrat à durée indéterminée à compter du 25 mai 1998 ou de réviser sa situation au titre des périodes d'engagement en qualité de vacataire du 25 mai 1998 au 5 septembre 2018, ces demandes relevant d'un litige distinct de celui soumis à la Cour, tendant à l'annulation de la sanction prononcée à l'encontre de Mme A....

Sur les frais de procès :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Livry-Gargan la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente espèce, la somme que la commune demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE:

Article 1er : La décision du 29 août 2018 par laquelle la commune de Livry-Gargan a prononcé le licenciement de Mme A... pour motifs disciplinaires ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux et le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 24 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Livry-Gargan de réintégrer Mme A... dans son emploi dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, dans les conditions précisées au point 8. du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Livry-Gargan versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les conclusions présentées par la commune de Livry-Gargan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Livry-Gargan.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

La rapporteure,

E. TOPIN

Le président,

I. BROTONSLe greffier,

C. ABDI-OUAMRANE

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03928
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SAMAMA SAMUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;22pa03928 ?
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