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02/02/2024 | FRANCE | N°23PA01397

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 02 février 2024, 23PA01397


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.



Par un jugement n° 2226158 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Par une requête et un

mémoire, enregistrés le 6 avril et le 19 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Blivi, demande à la Cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.

Par un jugement n° 2226158 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 avril et le 19 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Blivi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2226158 du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 7 novembre 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- l'arrêté du préfet de police est entaché d'une méconnaissance de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale indisponible au Nigéria et que cette absence de prise en charge est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- c'est à tort que le préfet soutient qu'elle a continué à profiter d'un statut frauduleusement acquis dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait continué à utiliser la carte de résident postérieurement à son retrait ;

- l'arrêté du préfet de police est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté du préfet de police est entaché d'une violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête de Mme A....

Le préfet de police soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... ressortissante nigériane née le 4 avril 1983 à Lagos, entrée selon ses déclarations sur le territoire français en juin 2009, s'est vue délivrer une carte de résident valable du 21 janvier 2014 au 20 janvier 2024 en qualité de parent d'enfant français. A la suite d'informations portées à sa connaissance au cours de l'année 2015, le préfet de police a, par arrêté du 9 janvier 2020, procédé au retrait de sa carte de résident au motif que ce document aurait été délivré à la suite d'une reconnaissance frauduleuse de l'un des enfants de la requérante par un homme de nationalité française condamné le 14 janvier 2015 pour reconnaissance frauduleuse de dix-sept enfants français, dont l'enfant de Mme A.... Par un arrêté du 7 novembre 2022, le préfet de police a rejeté la demande de titre de séjour formée par Mme A... pour raisons de santé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite à la frontière à l'expiration de ce délai. Mme A... relève appel du jugement n° 2226158 du 7 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande visant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de police, suivant l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 7 septembre 2022, a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine vers lequel elle pouvait voyager sans risque. Pour contester cette appréciation, Mme A..., qui ne précise pas la pathologie ou l'affection dont elle est atteinte non plus que la prise en charge dont elle aurait besoin en conséquence, se borne à soutenir de manière générale que les conditions d'accueil et de soins au Nigeria ne permettent pas sa prise en charge. Une telle argumentation ne permet pas d'établir que le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur dans l'appréciation de sa situation médicale au regard des dispositions précitées. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut dès lors qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, Mme A... conteste le second motif de l'arrêté selon lequel elle a " bénéficié en France pendant près de dix ans d'un statut frauduleusement acquis et des droits qui en découlent " et qu'en outre, n'ayant pas exécuté la mesure d'éloignement prévue par cet arrêté, elle utilise depuis plus de deux ans la carte de résident qui lui a été retirée. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, Mme A... a fait l'objet d'un arrêté de retrait de la carte de résident dont elle bénéficiait en qualité de parent d'enfant français, daté du 9 janvier 2020, au motif que cette carte lui avait été délivrée sur la base d'une reconnaissance frauduleuse de paternité, émanant d'un ressortissant français, concernant l'un de ses trois enfants. Le recours pour excès de pouvoir présenté par la requérante contre cet arrêté a été rejeté par un jugement n° 2002024 du tribunal administratif du 23 juin 2020 dont il n'a pas été relevé appel, de sorte que cet arrêté est devenu définitif. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ce second motif serait entaché d'une erreur de fait quant au statut frauduleux dont la requérante a bénéficié durant dix ans doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ".

6. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions et stipulations, Mme A... se prévaut de sa durée de présence en France et de son intégration professionnelle ainsi que de la présence en France de ses trois enfants, âgés de sept à douze ans, dont elle s'occupe seule. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait dépourvue d'attaches au Nigéria où elle a vécu au moins jusqu'à ses vingt-cinq ans. Les quelques contrats de travail à temps partiel à durée déterminée puis indéterminée qu'elle verse aux débats, dont plusieurs ne comportent au demeurant pas sa signature manuscrite, ne suffisent pas à témoigner d'une intégration particulière sur le territoire national, alors que la présence en France de l'intéressée a été rendue possible depuis 2014 par un document de séjour obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses. En outre, il ressort des pièces du dossier que postérieurement au retrait de la carte de résident dont elle fait l'objet, Mme A... s'est maintenue illégalement sur le territoire français en dépit de la mesure d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours qui assortissait la décision de retrait. Par ailleurs, la présence et la scolarisation en France des enfants mineurs de Mme A..., qui ont comme elle la nationalité nigériane, ne permet pas davantage de caractériser la méconnaissance des dispositions et stipulations précitées, dès lors que rien ne s'oppose à ce que la vie de la cellule familiale se poursuive dans le pays d'origine de la requérante, eu égard au jeune âge des enfants et à la circonstance que le père des plus jeunes, dont il n'est pas établi ni allégué qu'il avait résidé régulièrement en France, est décédé, et qu'il n'est pas établi que le père de l'aîné participerait à l'entretien et à l'éducation de cet enfant ni d'ailleurs qu'il résiderait régulièrement en France. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'arrêté serait entaché d'une méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, si Mme A... se prévaut de la présence en France de ses trois enfants mineurs, rien ne fait obstacle à ce que la vie de la cellule familiale se poursuive dans son pays d'origine, compte tenu du jeune âge des enfants et à la situation de leurs pères respectifs. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, de l'intérêt supérieur de l'enfant et, par suite, des stipulations précitées du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

9. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... et de ses enfants.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. La requérante n'établit ni même n'allègue qu'elle ou ses enfants encourraient un risque de traitement inhumain ou dégradant en cas de retour au Nigéria. Par suite le moyen tiré, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police et au président de l'office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLe président,

H. VINOT

Le greffier,

E. VERGNOLLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01397


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01397
Date de la décision : 02/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : BLIVI

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-02;23pa01397 ?
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