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01/03/2024 | FRANCE | N°23PA04597

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 mars 2024, 23PA04597


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 juin 2023 par laquelle le chef d'établissement de l'université de Paris 13 Sorbonne Paris Nord a refusé de l'admettre en master 1 Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique mention " clinique et psychopathologie : problématiques et limites ".



Par un jugement n° 2309176 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 23 juin 2023 par laquelle le chef d'établissement de l'université de Paris 13 Sorbonne Paris Nord a refusé de l'admettre en master 1 Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique mention " clinique et psychopathologie : problématiques et limites ".

Par un jugement n° 2309176 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 novembre 2023, 22 janvier 2024 et 2 février 2024, Mme A..., représentée par Me Verdier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 23 juin 2023 du chef d'établissement de l'université de Paris 13 Sorbonne Paris Nord ;

3°) d'enjoindre à l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord de l'inscrire à titre définitif en Master 1 mention Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique (PPCP), parcours clinique et psychopathologie : problématiques des limites ;

4°) de mettre à la charge de l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord une somme de

3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur ses moyens tirés de l'absence d'adoption par le conseil d'administration de l'établissement public des critères de sélection et de l'absence de preuve du contrôle de légalité du recteur chancelier des universités sur la délibération fixant les capacités d'accueil ;

- la décision attaquée est dépourvue de base légale dès lors que la délibération fixant les effectifs du Master n'a pas fait l'objet d'une mesure de publicité adéquate, fiable et suffisante en vertu des dispositions de l'article L. 221- 2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est dépourvue de base légale en l'absence d'adoption des critères de sélection fondés sur les mérites des candidats ;

- elle est dépourvue de base légale en l'absence de transmission au contrôle de légalité du recteur de la délibération fixant les effectifs du Master conformément à l'article L. 719-7 du code de l'éducation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 1er février 2024, l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord, représentée par Me Charrel conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'absence de publicité suffisante de la délibération fondant la décision litigieuse et de l'absence de transmission au contrôle de légalité du recteur sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bruston,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Verdier, représentant Mme A..., et de Me Carnelutti représentant l'université Paris 13.

Une note en délibéré présentée pour l'université Paris 13 a été enregistrée le

12 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a déposé un dossier de candidature en vue d'être inscrite, au titre de l'année universitaire 2023-2024, à la formation de première année de master mention " Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique, parcours clinique et psychopathologie : problématiques des limites " de l'université Sorbonne Paris Nord (Paris 13). Sa demande a été rejetée par une décision du chef d'établissement du 23 juin 2023 au motif que le niveau académique de l'intéressée présentait des fragilités dans au moins une des disciplines jugées fondamentales par le jury. Par une ordonnance du 22 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a suspendu l'exécution de cette décision et a enjoint au chef d'établissement de l'université Paris 13 d'inscrire à titre provisoire Mme A... dans ce

master 1 Psychologie, dans un délai de huit jours. Mme A... a été provisoirement inscrite dans cette formation en exécution de cette ordonnance. Mais par un jugement du 6 novembre 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2023.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'éducation : " Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle (...). Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat. (...) ". Aux termes de l'article D. 612-36-3 du même code : " Les établissements autorisés par l'Etat à délivrer le diplôme national de master organisent leur processus de recrutement en première année des formations conduisant à ce diplôme (...) ". L'article L. 712-1 prévoit : " Le président de l'université par ses décisions, le conseil d'administration par ses délibérations et le conseil académique, par ses délibérations et avis, assurent l'administration de l'université ". Aux termes de l'article L. 719-7 : " Les décisions des présidents des universités et des présidents ou directeurs des autres établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ainsi que les délibérations des conseils entrent en vigueur sans approbation préalable, à l'exception des délibérations relatives aux emprunts, prises de participation et créations de filiales mentionnées à l'article L. 719-5 et sous réserve des dispositions du décret prévu à l'article L. 719-9. Toutefois, les décisions et délibérations qui présentent un caractère réglementaire n'entrent en vigueur qu'après leur transmission au recteur de région académique, chancelier des universités. (...) ".

3. L'université Paris 13 produit la délibération 2022-423 du 16 décembre 2022 par laquelle son conseil d'administration a fixé les critères d'admission pour la première année de master à laquelle Mme A... a postulé ainsi qu'un courrier électronique du 20 décembre 2022 adressé au rectorat de l'académie de Créteil afin que ce dernier exerce son contrôle de légalité sur la délibération en cause. Toutefois, en l'absence de tout document permettant de démontrer la réception effective de ce courrier pour les services du rectorat, l'université ne justifie pas de l'entrée en vigueur de cette délibération qui est subordonnée à l'accomplissement de la formalité prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 719-7 du code de l'éducation.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou règlementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables (...) ".

5. En l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. Toutefois, compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités sont susceptibles d'assurer une publicité suffisante. En cas de contestation, il appartient à l'autorité compétente d'établir l'accomplissement régulier des formalités de publicité.

6. L'université Paris 13 produit un certificat d'affichage signé par son président le

2 août 2023, postérieurement à la date de la décision attaquée, faisant état d'un affichage " sur les panneaux d'affichage de la présidence " et " dans ses différentes composantes ", à compter du 2 janvier 2023 et jusqu'au 30 juin 2023. Toutefois, en l'absence de publication dans un registre officiel des délibérations, ce seul certificat, qui ne mentionne pas avec une précision suffisante la localisation des panneaux d'affichage utilisés dans les " composantes de l'université " et ne permet pas d'apprécier la possibilité pour les usagers de l'université et pour les tiers d'accéder aux locaux de la présidence pour y consulter facilement les panneaux d'affichage, ne suffit pas à établir que la délibération du 16 décembre 2022 a été régulièrement affichée ou publiée, avant la décision litigieuse, dans des conditions permettant d'assurer une publicité adéquate des personnes concernées. En outre, si la délibération et le tableau qui y est joint sont actuellement disponibles en ligne, dans la page générale des inscriptions, partie candidater https://www.univ-spn.fr/inscriptions/ avec le rappel des conditions et capacités d'accueil concernant la formation à laquelle Mme A... a postulé, la copie d'écran de cette page produite en défense ainsi que la copie d'écran faisant apparaître le code source de ladite page, démontrent que cette page a été mise en ligne le 13 avril 2023, au demeurant après l'ouverture des inscriptions le 22 mars 2023 sur la plateforme nationale de candidature en première année de master, mais non qu'elle comprenait, à cette date, un lien permettant d'accéder au texte de la délibération et à ses annexes, alors que la seconde copie d'écran fait également apparaître une date de modification de la page le

8 novembre 2023. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir que cette délibération n'a pas fait l'objet d'une mesure de publicité adéquate, fiable et suffisante conformément aux dispositions de l'article L. 221- 2 du code des relations entre le public et l'administration.

7. S'agissant de conditions d'entrée en vigueur et d'opposabilité de l'acte réglementaire fondant la décision attaquée, qui se trouve ainsi privée de base légale, les moyens tirés de l'absence de transmission de cette délibération au recteur de région académique, chancelier des universités et de l'absence de publicité adéquate de ladite délibération, qui ne relèvent pas de vices de forme ou de procédure soulevés à l'encontre de cet acte par la voie de l'exception, ne sont pas inopérants.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique nécessairement que le chef d'établissement de l'université Paris 13 inscrive Mme A..., à titre définitif, en première année du master Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique mention " clinique et psychopathologie : problématiques et limites " au titre de l'année universitaire 2023/2024. Il y a lieu d'enjoindre à la présidente de l'université de Paris 13 d'y procéder dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

10. Aux termes des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'université Paris 13 au titre des frais de l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Paris 13 la somme de 1 500 euros au titre des dispositions mentionnées ci-dessus du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2309176 du 6 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et la décision du 23 juin 2023 du chef d'établissement de l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au chef d'établissement de l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord d'inscrire à titre définitif Mme A... en master 1 Psychologie : psychopathologie clinique psychanalytique mention " clinique et psychopathologie : problématiques et limites ", dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'université Paris 13 Sorbonne Paris Nord.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bruston, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er mars 2024.

La Présidente-rapporteure,

S. BRUSTON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLa greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04597 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04597
Date de la décision : 01/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SCP CHARREL ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-01;23pa04597 ?
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