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04/03/2024 | FRANCE | N°23PA04987

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 mars 2024, 23PA04987


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme X... F..., Mme V... P..., Mme S... AB..., M. I... B..., Mme Y... A..., Mme K... AC..., Mme AE..., Mme G... U..., M. Z... J..., M. O... AD..., Mme E... L..., Mme Q... M..., Mme H... AA..., Mme W... C..., Mme T... D... et Mme R... N... ont demandés au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 mai 2023 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de

sauvegarde de l'emploi de la société Wilsam.



Par un jugement n° 2316009...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme X... F..., Mme V... P..., Mme S... AB..., M. I... B..., Mme Y... A..., Mme K... AC..., Mme AE..., Mme G... U..., M. Z... J..., M. O... AD..., Mme E... L..., Mme Q... M..., Mme H... AA..., Mme W... C..., Mme T... D... et Mme R... N... ont demandés au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 mai 2023 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Wilsam.

Par un jugement n° 2316009/3-3 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023 et un mémoire en réplique enregistré le 5 janvier 2024, Mme X... F..., Mme V... P..., Mme S... AB..., M. I... B..., Mme Y... A..., Mme K... AC..., Mme AE..., Mme G... U..., M. Z... J..., M. O... AD..., Mme E... L..., Mme Q... M..., Mme H... AA..., Mme W... C..., Mme T... D... et Mme R... N..., représentés par Me Rilov, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 17 mai 2023 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Wilsam ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision est entachée d'incompétence territoriale dès lors que le projet de licenciement collectif concernait plusieurs établissements relevant de plusieurs directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités, et que de ce fait, la direction compétente pour homologuer le document unilatéral était celle du siège de l'entreprise ;

- la société n'est pas recevable à se prévaloir de l'existence d'un siège réel distinct de son siège statutaire, seuls les tiers étant recevables à le faire ; en toute hypothèse, la seule centralisation administrative et comptable de la gestion dans un lieu distinct du siège ne saurait conduire à décider que le siège social s'y trouve situé ;

- la décision d'homologation est entachée d'un défaut de motivation faute de préciser les raisons pour lesquelles son auteur s'est estimé compétent alors que le siège de l'entreprise est situé à Bordeaux ;

- sa motivation est également insuffisante faute de mentionner la désignation d'un expert, les conditions dans lesquelles il a exercé sa mission, de faire apparaître le caractère suffisant des mesures au regard des moyens de l'entreprise, de se prononcer sur la réalité des recherches de reclassement opérées, les sociétés qu'elle considère comme faisant partie du groupe ;

- faute d'avoir obtenu les informations qu'il a sollicitées, l'expert n'a pu accomplir sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en connaissance de cause, de sorte que la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel est entachée d'irrégularité ;

- l'administration a manqué à son obligation de contrôler le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et en particulier le périmètre du groupe de reclassement alors que les démarches effectuées par le liquidateur ne font pas apparaître une recherche effective et sérieuse des moyens des différentes sociétés du groupe et des possibilités de reclassement ;

- l'administration ne pouvait valablement homologuer un document qui ne comportait aucune liste même sommaire des possibilités de classement au sein du groupe ni d'indication sur le nombre d'offres de reclassement identifiées par l'employeur, leur nature ou leur localisation ;

- le contenu du plan est insuffisant au regard des moyens du groupe et compte tenu des moyens de l'entreprise ; la décision d'homologation ne fait apparaître aucun contrôle de proportionnalité, s'abstenant de toute mise en balance entre le coût des mesures prévues au titre du plan de sauvegarde de l'emploi et les moyens que le liquidateur sera en mesure de dégager dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société ;

- en l'absence d'évaluation précise des risques psychosociaux engendrés par la mise en œuvre de ce licenciement collectif et d'un dispositif de prévention dans le document unilatéral, la société Wilsam a manqué à son obligation de sécurité dans le cadre de son plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui faisait obstacle à l'homologation, par l'administration, de ce document.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2023 et un nouveau mémoire enregistré le 8 janvier 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société Wilsam, représentée par ses administrateurs judiciaires, la SELARL FHBX et la SELARL AJP, par ses liquidateurs judiciaires, la SELARL Berthelot et associés et Me Serrano, eux-mêmes représentés par la SELARL Delsol, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire des requérants la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 26 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 8 janvier 2024.

Un mémoire, présentée pour Mme F... et autres, a été enregistré le 19 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Menasseyre,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Rilov, représentant Mme F... et autres et Me Bretagnolle, représentant la société Wilsam.

Considérant ce qui suit :

1. Après un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en date du 1er mars 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a, par jugement du 11 mai 2023, prononcé la cession de la SAS Wilsam, qui exerçait une activité de commerce de détail et d'habillement sous la marque GAP en vertu d'un contrat de franchise conclu avec la société américaine GAP Inc, au profit de la SAS Spodis, et la conversion de la procédure en liquidation judiciaire. Par une décision du 17 mai 2023, le directeur régional et interdépartemental, de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS Wilsam. Par un jugement du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision formée par Mme F... et les quinze autres salariés appelants. Ils relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-1 de ce code : " L'accord collectif majoritaire mentionné à l'article L. 1233-24-1 ou le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 sont transmis à l'autorité administrative pour validation de l'accord ou homologation du document. ". Enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1.(...) ".

Sur la compétence du directeur régional et interdépartemental, de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France pour homologuer le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-8 du code du travail : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision d'homologation (...) mentionnée à l'article L. 1233-57-1 est celle du lieu où l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, l'autorité administrative compétente est désignée dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". En vertu de l'article R. 1233-3-4 du code du travail, cette autorité est le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dont relève l'établissement en cause. Enfin, selon l'article R 1233-5 de ce code : " Lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, (...) le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un projet de licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours concerne plusieurs établissements distincts d'une même entreprise, et que ces établissements relèvent de la compétence de plusieurs DRIEETS, la DRIEETS compétente pour prendre la décision d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi est celle dans le ressort duquel se situe le siège de l'entreprise. Dans le cas où le projet de licenciement collectif ne concerne qu'un seul établissement, la DRIEETS compétente pour prendre la décision d'homologation est celle dans le ressort de laquelle se situe l'établissement concerné par le projet de licenciement.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 2313-1 du code du travail : " Un comité social et économique est mis en place au niveau de l'entreprise. / Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts. ". Aux termes de l'article L. 2313-2 du code du travail : " Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. ". Selon l'article L. 2313-4 de ce code " En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. ". Lorsqu'ils résultent d'une décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel. Caractérise au sens de ce texte un établissement distinct l'établissement qui présente, notamment en raison de l'étendue des délégations de compétence dont dispose son responsable, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel et l'exécution du service, de sorte que la reconnaissance à ce niveau d'un établissement distinct est de nature à permettre l'exercice effectif des prérogatives de l'institution représentative du personnel.

5. Pour l'application des dispositions citées au point 2, doit être regardé comme un établissement une entité économique assujettie à l'obligation de constituer un comité social et économique d'établissement et non, comme le soutiennent les appelants, le lieu de travail principal des salariés.

6. Il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, qu'il n'existait qu'un seul contrat de franchise entre la société GAP INC et la société Wilsam, permettant à cette dernière d'exploiter la marque américaine GAP en France, qu'il n'existait pas de contrat de franchise conclu au niveau des seuls magasins et que la société Wilsam était l'unique employeur des 329 salariés affectés aux fonctions support situées à Paris, aux magasins et aux " corners ". Dans ce contexte, un CSE unique a été mis en place par un accord signé avec les organisations syndicales, le protocole d'accord préélectoral précisant que : " Les élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique sont organisées au niveau de l'entreprise. Compte tenu de la concentration du pouvoir de gestion, les Parties conviennent expressément que la société GAP France porte un établissement distinct unique qui est le siège social de l'entreprise situé au 49/53 avenue des Champs-Elysées à Paris. En conséquence, un seul Comité Social et Economique est mis en place au sein de la Société ". Les réunions du comité social et économique (CSE) se sont tenues à l'adresse du siège d'exploitation à Paris, avenue des Champs Elysées, où étaient exercées l'ensemble des fonctions support du groupe, et en particulier la direction des ressources humaines, alors que plus de 80 % du personnel de l'entreprise et la totalité de ses services support exerçait ses fonctions en Ile-de-France. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en l'absence de toute autonomie de gestion des différents magasins justifiant la mise en place de comités sociaux et économique d'établissement, le projet de licenciement collectif en cause ne pouvait être regardé comme portant sur plusieurs établissements distincts d'une même entreprise et que l'établissement concerné par le projet de licenciement devait être regardé comme étant situé à Paris. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le siège social statutaire se trouvant à Bordeaux, le DRIEETS d'Ile-de-France n'était pas compétent pour prendre la décision d'homologation contestée. Sont, à cet égard, indifférentes, les immatriculations au registre du commerce et des sociétés des magasins sous la dénomination " établissement secondaire ", effectuées en application des obligations posées par l'article R. 123-63 du code de commerce ou les dispositions du code du commerce permettant aux seuls tiers de se prévaloir d'un siège social réel distinct du siège statutaire, alors d'ailleurs que l'administration présente, au regard de ces dispositions, la qualité de tiers au même titre que les appelants.

Sur l'ordre d'examen des moyens :

7. Il résulte des dispositions des septième, huitième et neuvième alinéas du II de l'article L. 1233-58 du code du travail, applicables aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, que, pour les entreprises qui sont en redressement ou en liquidation judiciaire, le législateur a attaché à l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, des effets qui diffèrent selon que cette annulation est fondée sur un moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision en cause ou sur un autre moyen. Par suite, lorsque le juge administratif est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise qui est en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer sur les moyens autres que celui tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, en réservant, à ce stade, un tel moyen. Lorsqu'aucun de ces moyens n'est fondé, le juge administratif doit ensuite se prononcer sur le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision administrative, lorsqu'il est soulevé. Il appartient donc à la cour de se prononcer, en premier lieu, sur les moyens de légalité interne invoqués par Mme F... et autres.

Sur l'appréciation portée sur la régularité de la procédure d'information et de consultation :

8. Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique (CSE). A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code, dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le comité social et économique sur " 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail " et que le CSE tient au moins deux réunions. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

9. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par ces dispositions, la circonstance que l'expert-comptable n'ait pas eu accès à l'intégralité des documents dont il a demandé la communication ne vicie pas la procédure d'information et de consultation du comité social et économique si les conditions dans lesquelles l'expert-comptable a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité social et économique de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause.

10. Par ailleurs, lorsque le juge de l'excès de pouvoir est saisi d'une requête dirigée contre une décision d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise, il lui appartient, s'il est saisi de moyens tirés de ce que l'administration aurait inexactement apprécié le respect de conditions auxquelles l'homologation est subordonnée, telle la condition de régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, de se prononcer lui-même sur le bien-fondé de l'appréciation portée par l'autorité administrative sur les points en débat au vu de l'ensemble des pièces versées au dossier.

11. Il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que le CSE a été informé et consulté lors de plusieurs réunions qui se sont tenues le 14 mars 2023, après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, réunion au cours de laquelle il a été consulté sur les catégories professionnelles, le 21 mars 2023, réunion au cours de laquelle il a été consulté sur le projet de document unilatéral et il a désigné, en application de l'article L. 1233-34 du code du travail, le cabinet d'expert-comptable Aliquis afin de l'accompagner dans le cadre de la procédure de recherche de repreneurs, le 25 avril 2023, réunion au cours de laquelle l'expert a remis son rapport et le CSE a été informé de l'offre de reprise de la société Spodis, des éléments économiques fondant le plan de sauvegarde et de l'impact social du projet de cession et du projet de licenciement collectif pour motif économique, le 15 mai 2023, réunion au cours de laquelle le CSE a été informé sur le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 11 mai 2023 et a voté une résolution valant avis sur le projet de document unilatéral relatif au projet de licenciement économique collectif.

12. L'expert-comptable, qui assistait le CSE depuis le mois d'octobre 2022 dans le cadre d'une expertise libre, puis d'un droit d'alerte économique a indiqué dans son rapport avoir reçu le 10 novembre 2022 les documents transmis au CSE, les comptes 2021 non audités, une revue limitée du commissaire aux Comptes sur les comptes 2021, la balance générale 2021, le rapport de gestion 2021, une situation de l'actif et du passif au 30 juin 2022, le PetL mensuel 2022, une situation mensuelle de trésorerie 2022, un PetL par magasin à fin août 2022, les échéances des baux, et la balance âgée au 30 septembre 2022 et avoir adressé à l'employeur une demande d'explication complémentaire le 16 novembre suivant, puis l'avoir relancé le 23 novembre, le 28 novembre, le 7 décembre et le 11 décembre. Ces éléments sont toutefois antérieurs à l'ouverture de la procédure d'information et de consultation et ne sauraient affecter sa régularité. Il ressort au contraire des pièces du dossier que la société a mis à la disposition de l'expert la data-room ouverte aux candidats à la reprise dès le lendemain de l'envoi de sa lettre de sa mission. Il ressort également des pièces du dossier que l'expert a eu connaissance des prévisions de trésorerie établies par le management et revues par le cabinet Eight Advisory, des documents communiqués en data-room comprenant notamment le fichier individuel du personnel, des offres de reprises reçues, du projet de plan de sauvegarde. Il ne ressort ni des procès-verbaux des réunions d'information et de consultation du CSE, ni d'aucune autre pièce du dossier, que l'expert aurait rencontré des difficultés lors de l'accomplissement de sa mission. Enfin, tout au long de la procédure d'information et de consultation, le CSE n'a pas formulé de demande d'injonction auprès de l'administration, sur le fondement des articles L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6 du code du travail, afin d'obtenir communication d'éventuels documents manquants. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les conditions dans lesquelles l'expert a accompli sa mission n'auraient pas permis au comité social et économique de la société Wilsam de disposer de tous les éléments utiles pour formuler ses avis en toute connaissance de cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est illégale au motif que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique est entachée d'irrégularité sur ce point doit être écarté.

Sur l'appréciation portée par la décision d'homologation litigieuse sur le caractère suffisant du plan de sauvegarde de l'emploi :

13. D'une part, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3 [qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe] (...), sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise ".

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 de ce code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; (...) / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents (...) ".

15. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. Dans ce cadre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit, en principe, avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

16. Enfin, il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'au stade du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise, il n'appartient pas à l'autorité administrative de contrôler le respect de l'obligation qui, en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, incombe à l'employeur qui projette de licencier un salarié pour motif économique, consistant à procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles pour le reclassement de ce salarié, qu'ils soient ou non prévus au plan de sauvegarde de l'emploi, en vue d'éviter autant que possible ce licenciement. Il en va ainsi même lorsque le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde d'emploi comporte des garanties relatives à la mise en œuvre de l'obligation, prévue à l'article L. 1233-4 du code du travail, de recherche sérieuse de reclassement individuel. Au demeurant, de telles garanties, dont les salariés pourront, le cas échéant, se prévaloir, pour contester leur licenciement, ne sont pas de nature à dispenser l'employeur de respecter, dans toute son étendue, l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article L. 1233-4 du code du travail.

17. Il ressort des pièces du dossier que, par des courriers datés du 20 avril 2023, les liquidateurs de la société Wilsam ont demandé à l'ensemble des sociétés du groupe Hermione People et Brands un abondement financier du plan de sauvegarde de l'emploi, par un courrier interrogeant chacune des sociétés sur les moyens financiers, logistiques et/ou humains qu'elles seraient en mesure de consentir pour permettre, au bénéfice des salariés dont l'emploi serait menacé, la mise en œuvre de mesures sociales d'accompagnement appropriées. Le document unilatéral portant PSE mentionne ces demandes formulées auprès des sociétés du groupe et la décision d'homologation du 17 mai 2023 vise " la demande de participation au financement du PSE, adressée le 20 avril 2023 à l'actionnaire de la SAS WILSAM et aux entreprises du groupe HERMIONE PEOPLE et BRANDS ". En se bornant à faire valoir que les accusés de réception de ces courriers ne sont pas produits, les appelants ne contestent pas sérieusement leur envoi alors que de nombreuses réponses des sociétés sollicitées ont été versées aux débats. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le groupe Ludendo, l'ensemble des sociétés du groupe GO sport, la société MPI, les sociétés Sheraton Roissy SAS, Hôtel Trianon de Versailles, grand Hôtel Bordeaux SAS ont bien été sollicitées. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision qu'ils attaquent est illégale au motif, d'une part, que le liquidateur n'avait pas recherché les moyens dont dispose le groupe pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, d'autre part, que l'administration n'aurait pas contrôlé la recherche, par le liquidateur, des moyens du groupe.

18. La décision attaquée vise " les demandes de reclassement adressées au groupe HERMIONE PEOPLE et BRANDS ". Il ressort en effet des pièces du dossier que, par d'autres courriers également datés du 20 avril 2023, les liquidateurs judiciaires ont sollicité, auprès de toutes les entreprises du groupe, des offres de reclassement, en joignant à cette dernière demande la liste des salariés de la société. Ces courriers précisaient que devaient être communiquées avant le 25 avril 2023 au liquidateur judiciaire les offres de postes disponibles auprès de ces sociétés de manière écrite, précise et individualisée. Il ressort des pièces du dossier que, après accord du CSE sur la mise en œuvre immédiate des démarches de reclassement, les postes disponibles au reclassement ont été adressés aux salariés, ce qui démontre que la démarche de recherche de postes de reclassement au sein des entreprises du groupe a été réalisée. Si le plan de reclassement que comporte le plan de sauvegarde en litige n'identifie, s'agissant du reclassement interne des salariés, aucun poste de reclassement, une telle circonstance est due à la cessation totale et définitive d'activité de la société Wilsam. Si ce plan indique toutefois que les éventuelles propositions de reclassement faites ultérieurement par les entreprises du groupe seront mentionnées dans une liste annexée au plan de sauvegarde de l'emploi, il ressort des pièces du dossier que, après accord du CSE, l'employeur avait, avant même l'homologation du plan de sauvegarde, communiqué aux salariés la liste des postes de reclassement disponibles au sein du groupe qui avaient été portés à sa connaissance à la suite de l'envoi des courriers du 20 mars 2023. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des sociétés du groupe ont été sollicités et il n'apparaît pas que les recherches de reclassement aient été cantonnées aux seules sociétés du même secteur d'activité dans le groupe. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de ceux relatifs au plan de reclassement, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait légalement homologuer le document unilatéral arrêtant ce plan de sauvegarde de l'emploi au motif que les recherches des postes disponibles sur le territoire national pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe n'auraient pas été sérieuses.

19. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le plan de sauvegarde prévoyait différentes mesures pour accompagner la mobilité professionnelle et géographique, dont des mesures d'accompagnement à hauteur de 1 350 euros par salarié, portées à 1 650 euros pour les salariés fragiles, le recours à l'assurance de garantie des salaires pour le financement de mesures accessoires, à savoir des frais annexes liés à la formation et à la validation des acquis de l'expérience, ainsi que la mise en place d'une cellule d'appui à la sécurisation professionnelle. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et notamment de ceux relatifs au plan de reclassement, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait légalement homologuer le document unilatéral arrêtant ce plan de sauvegarde de l'emploi au motif qu'il était insuffisant au regard des moyens de l'entreprise.

Sur le contrôle du respect, par l'employeur, de son obligation de sécurité :

20. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent, entre autres, l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et la prise de mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

21. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, il lui revient notamment de contrôler tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable du contrôle auquel elle est tenue en application de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans les conditions rappelées au point 9 et 10.

22. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il en découle qu'il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au CSE, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale.

23. Il découle de ce qui a été dit au point 21 qu'il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.

24. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les mesures relatives à la prise en compte des risques psychosociaux ont été débattues dans le cadre de l'information-consultation du CSE de la société Wilsam sur le projet de restructuration entraînant un projet de licenciement collectif pour motif économique avec plan de sauvegarde de l'emploi, et que les membres du CSE ont été spécifiquement consultés sur la mise à jour du document unique d'évaluation des risques psychosociaux, qui identifie de manière précise les risques pour la sécurité et la santé des salariés et comporte les mesures de prévention propres à les prévenir. Le document unilatéral du 15 mai 2023 soumis à l'homologation prévoit par ailleurs des mesures de prévention individuelles et collectives, à travers la mise en place d'une ligne d'écoute, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, l'alerte du service de santé au travail sur le projet de réorganisation et sa sollicitation afin de mettre en place des mesures de prévention, l'information des salariés sur la possibilité de consulter la médecine du travail, la mise en œuvre d'une prestation grands licenciements, une présentation de la société SPODIS aux salariés repris, la mise en place chez le repreneur d'un plan de formation, d'une cellule d'aide psychologique, d'une permanence téléphonique interne composée d'une juriste et d'une administrative, une présentation au CSE du repreneur sur le sujet spécifique des risques psychosociaux encourus par les salariés transférés, la modification du document unique d'évaluation des risques professionnels et la diffusion aux représentants du personnel d'une foire aux questions élaborée par le repreneur. Il résulte de ces éléments que l'employeur a procédé à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé et la sécurité des travailleurs et a mis en œuvre des mesures précises et concrètes de prévention et de protection, et, d'autre part, que les membres du CSE ont disposé des informations nécessaires à leur consultation sur les aspects relatifs à la santé, sécurité et les conditions de travail. Il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée est illégale, faute pour la société Wilsam d'avoir justifié, avant son édiction, avoir arrêté les mesures propres à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, au regard des risques que la réorganisation présente pour leur sécurité. Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que la procédure d'information et de consultation n'aurait pas été régulière sur ce point. Enfin, il résulte des termes même de la décision contestée que son auteur s'est attaché à vérifier que l'employeur s'était acquitté du respect de ses obligations en matière de prévention des risques tant dans le cadre de la procédure d'information et de consultation qu'au stade du contrôle du contenu du document qui lui était soumis.

Sur la motivation de la décision :

25. Il y a lieu d'écarter la contestation des requérants sur la motivation de la décision par adoption des motifs retenus par les premiers juges, étant observé que les dispositions de l'article L. 1233-57-4 du code du travail n'imposaient pas au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France de préciser les raisons pour lesquelles il s'estimait compétent pour la signer.

26. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2023. Les conclusions qu'ils présentent au titre des frais d'instance ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées pour la société Wilsam au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour la société Wilsam au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... F..., première dénommée pour l'ensemble des appelants en l'application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à la SELARL Berthelot et associés et Me Serrano liquidateurs de la société Wilsam.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente-rapporteure,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2024

La présidente-rapporteure,

A. Menasseyre L'assesseure la plus ancienne,

C. Vrignon-Villalba

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04987 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04987
Date de la décision : 04/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELARL DELSOL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-04;23pa04987 ?
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