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06/03/2024 | FRANCE | N°22PA03216

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 06 mars 2024, 22PA03216


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Scality a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche, au titre de l'année 2019, à hauteur de 49 307 euros.



Par un jugement n° 2105470/1-1 du 17 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet 2022 et 20 janvier 2023

, la société Scality, représentée par la Selarl Aklea, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement n° 2105470/1-1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Scality a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution d'une créance de crédit d'impôt recherche, au titre de l'année 2019, à hauteur de 49 307 euros.

Par un jugement n° 2105470/1-1 du 17 mai 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet 2022 et 20 janvier 2023, la société Scality, représentée par la Selarl Aklea, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2105470/1-1 du 17 mai 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la restitution de la créance de crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2019 d'un montant de 49 307 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les 7 projets de recherche ont été regardés comme éligibles au crédit d'impôt recherche par l'administration ;

- c'est à tort que l'administration a considéré que les dépenses de personnel afférentes à M. B... et M. A... étaient inéligibles dès lors que ceux-ci justifient des qualifications professionnelles requises et ont travaillé au cours de l'année 2019 sur des projets de recherche éligibles ;

- l'administration fiscale a admis l'éligibilité des dépenses afférentes à ces deux salariés au crédit d'impôt recherche au titre des années 2014 à 2017 ;

- elle est fondée à se prévaloir de la documentation administrative référencée au n° BOI-BIC-RICI-10-10-20-20.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société requérante ne justifie aucunement de l'éligibilité des sept projets au titre desquels elle sollicite le bénéfice du crédit d'impôt recherche ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Nadia Zeudmi Sahraoui,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Scality, qui exerce l'activité de conception et de commercialisation de solutions informatiques de stockage de données, a saisi l'administration fiscale d'une demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 709 113 euros, au titre des dépenses exposées au cours de l'année 2019 dans le cadre de sept projets impliquant 72 salariés. Par une décision du 19 avril 2021, l'administration a partiellement fait droit à cette demande à hauteur d'un remboursement de 659 806 euros, mais a considéré que les dépenses de personnel relatives à deux salariés n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche. La société Scality fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de la créance de crédit d'impôt recherche qu'elle estime lui être due à hauteur de la somme de 49 307 euros, correspondant aux salaires versés à ces deux personnes.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au même : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche. ". Pour l'application de ces dispositions, ouvrent droit au crédit d'impôt les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche.

3. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts

4. L'administration a, par sa décision du 19 avril 2021, rejeté partiellement la demande de remboursement de crédit d'impôt recherche de la société Scality au motif que les dépenses de personnel afférentes à M. B... et M. A... n'étaient pas éligibles à ce crédit d'impôt, compte tenu des diplômes et qualifications de ces salariés et en l'absence de toute justification de la réalité de leur activité de recherche.

5. Il résulte de l'instruction que M. B... et M. A..., dont il n'est pas contesté par la société requérante qu'ils ne sont pas titulaires d'un diplôme d'ingénieur, disposent respectivement d'une licence technologique et d'un brevet technologique et scientifique mention informatique industrielle. La société Scality soutient que M. B..., recruté en 2009 en qualité d'" ingénieur-développeur-statut cadre ", exerçait au cours de l'année 2019 les fonctions de " senior engineer " correspondant à un emploi de " ingénieur principal en charge des versions ", qu'il a intégré en 1995 l'Ecole normale supérieure de Cachan et qu'il intervenait au stade de la validation de chaque étape du processus d'élaboration du logiciel et de tout ce qui le compose depuis son architecture. Toutefois, ni les mentions du curriculum vitae de l'intéressé ni celles de sa fiche de poste ne sont suffisantes pour établir que celui-ci a acquis des compétences permettant de l'assimiler à un ingénieur impliqué dans la recherche. En effet les missions mentionnées dans cette fiche de poste portaient sur la création de composants logiciels et une activité de mise en production des logiciels. De même, si la société requérante soutient que M. A..., engagé en 2010 en qualité d' " ingénieur support et maintenance ", occupait le poste " staff engineer global support " correspondant à un emploi d'" ingénieur personnel support global ", il ne résulte pas de l'instruction que ce salarié a pu, compte tenu de la nature des missions exercées, acquérir des compétences permettant de l'assimiler à un ingénieur. En effet, il ressort de la fiche du poste occupé par l'intéressé que ses missions portent sur l'installation et le suivi des produits Scality chez les clients, les remontées et suivi des dysfonctionnements auprès de l'équipe développement, la réalisation de conseils sur les aspects techniques et l'optimisation des systèmes d'exploitation des architectures clients et le développement d'applications pour tester les performances des produits Scality. La circonstance que l'administration ait admis, au titre des années 2014 à 2015, l'éligibilité de dépenses de personnel relatives à ces deux salariés pour des projets de recherche distincts est sans incidence sur le bien-fondé de la demande de la société requérante, laquelle porte sur les seuls projets de recherche réalisés en 2019. Dès lors l'administration a pu, à bon droit, considérer que les dépenses de personnel afférentes à ces deux salariés ne pouvaient être prises en compte dans l'évaluation du montant du crédit d'impôt recherche à rembourser à la société au titre de l'année 2019.

Sur le bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale par l'administration :

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester l'établissement ou le rehaussement d'une imposition.

7. La décision refusant d'accorder le crédit d'impôt recherche ne constituant pas un rehaussement d'imposition, la société Scality ne peut, en tout état de cause, pas se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative publiée sous le n° BOI-BIC-RICI-10-10-20-20, qui au demeurant ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

8. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.(...) ". Les contribuables ne sont en droit de contester, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, lequel renvoie au premier alinéa de l'article

L. 80 A du même livre, que les rehaussements d'impositions antérieures.

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 du présent arrêt, la société ne peut pas plus utilement se prévaloir, en l'absence de rehaussement, de ce que l'acceptation, par l'administration, de l'ensemble des dépenses de personnel de même nature au titre des crédits d'impôt recherche des années 2014 à 2017 constituerait une prise de position formelle au sens de l'article précité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Scality n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la société requérante présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA Scality est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Scality et au ministre de l'économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 20 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2024

La rapporteure,

N. ZEUDMI SAHRAOUILa présidente,

P. HAMON

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03216
Date de la décision : 06/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Nadia ZEUDMI-SAHRAOUI
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : AKLEA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-06;22pa03216 ?
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