La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2024 | FRANCE | N°23PA03898

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 08 mars 2024, 23PA03898


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. Djordjevic a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par une ordonnance n° 2309090 du 1er août 2023, le président du tribunal administratif de M

ontreuil a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :



Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Djordjevic a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par une ordonnance n° 2309090 du 1er août 2023, le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2023, M. Djordjevic, représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Montreuil du 1er août 2023 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2023 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

4°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une autorisation de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le juge de première instance a rejeté sa requête comme étant irrecevable en raison de sa tardiveté dans la mesure où les voies et délais de recours ne lui ont pas été clairement notifiés et qu'il n'a pas été en capacité matérielle d'exercer son droit au recours ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur matérielle d'appréciation et méconnaît les article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est dépourvue de base légale dans la mesure où les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires aux articles 1 et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le risque de fuite justifiant cette décision n'est pas caractérisé ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des circonstances particulières dont il peut se prévaloir ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Essonne qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 24 juillet 2023, le préfet de l'Essonne a fait obligation à M. Djordjevic, de nationalité serbe né le 9 septembre 1973, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois ans. M. Djordjevic relève régulièrement appel de l'ordonnance du 1er août 2023 par laquelle le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Pour rejeter comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté, la demande de M. Djordjevic, le président du tribunal administratif de Montreuil a relevé que la notification de l'arrêté du 24 juillet 2023 du préfet des Hauts-de-Seine, qui comportait la mention des voies et délais de recours, était intervenue le jour même à 8h30, et que la requête de l'intéressé avait été enregistrée le 26 juillet 2022 à 18h21, soit au-delà du délai de recours contentieux de quarante-huit heures fixé à l'article R. 776-2 du code de justice administrative.

3. Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II. Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. Il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du code de justice administrative que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 de ce code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

5. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête a été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai.

6. Il incombe à l'administration, pour les décisions susceptibles de recours dans un délai bref, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire. A défaut d'une telle mention, le délai de recours n'est pas opposable à l'intéressé.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté, que l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 24 juillet 2023 a été notifié à M. Djordjevic par voie administrative le jour même à 8h30 alors qu'il était en détention et que sa requête contentieuse a été enregistrée devant le tribunal administratif de Montreuil le 26 juillet 2023 à 18h21.

8. Pour contester le caractère tardif de sa requête, M. Djordjevic soutient que l'arrêté en litige lui a été seulement lu et ne lui a pas été remis en main propre avant sa levée d'écrou le 26 juillet 2023 à 8h49 sans toutefois en justifier. Par ailleurs et contrairement à ce qu'il fait valoir, les voies et délais de recours portés à sa connaissance étaient dépourvus de toute imprécision ou ambiguïté. A ce titre, la notification précisait notamment qu'il pouvait s'adresser au secrétariat de la détention du bâtiment dont il dépendait pour exercer son droit de recours qui serait adressé immédiatement par fax au tribunal administratif et être assisté par le point d'accès au droit pour préparer son dossier, ces mentions étant clairement distinctes de la mention des recours administratifs et figurant immédiatement après la mention du recours juridictionnel. La notification mentionnait également qu'il était mis en demeure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil et pouvait demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Elle indiquait également que le recours juridictionnel n'était pas prorogé par la présentation préalable d'un recours administratif. Par ailleurs, la circonstance que le formulaire de notification ait mentionné que le tribunal administratif de Versailles était compétent pour connaître d'une demande d'annulation de cet arrêté, pour regrettable qu'elle soit, est, en tout état de cause, sans incidence sur la capacité de l'intéressé à saisir, par tout moyen, et dans les délais requis, la juridiction administrative, la saisine d'un tribunal administratif qui serait territorialement incompétent étant insusceptible, par elle-même, d'affecter la recevabilité de la requête. M. Djordjevic fait valoir également que les conditions dans lesquelles lui a été notifié l'arrêté litigieux ne l'auraient pas mis en mesure d'exercer son droit à un recours effectif. Toutefois, alors que le délai de recours contentieux ne commençait à courir qu'à compter de la date de notification de la décision attaqué, il est constant que cette notification est intervenue un lundi, soit un jour ouvrable, M. Djordjevic ne démontrant par aucune pièce ne pas avoir eu accès au point d'accès au droit de la maison d'arrêt en l'absence de rendez-vous disponible ou avoir été privé de la possibilité d'un tel accès. La circonstance qu'elle serait intervenue en période estivale n'est pas davantage de nature à démontrer qu'il n'aurait pu entamer de démarche auprès d'un conseil ou du tribunal administratif pour introduire sa requête. Enfin, la circonstance qu'il aurait refusé de signer la notification de l'arrêté en litige ne permet pas d'établir qu'il aurait été dans l'incapacité de le comprendre parfaitement. Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. Djordjevic n'a pas été empêché de présenter un recours en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Dans ces conditions, c'est à bon droit que, par l'ordonnance du 1er août 2023, le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté comme tardives les conclusions de M. Djordjevic dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Essonne du 24 juillet 2023. Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés à l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. Djordjevic est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Djordjevic et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 23 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 8 mars 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03898
Date de la décision : 08/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI & BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-08;23pa03898 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award