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15/03/2024 | FRANCE | N°23PA00132

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 15 mars 2024, 23PA00132


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Deskodine a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement qu'elle a acquittées au titre des années 2018, 2019 et 2020.



Par un jugement n° 2113114 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé la déch

arge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Deskodine a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement qu'elle a acquittées au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Par un jugement n° 2113114 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement dont la société s'est acquittée au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions de la SAS Deskodine tendant à la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement auxquelles la société a été assujettie au titre des années 2018, 2019 et 2020 ;

2°) de remettre à la charge les cotisations susmentionnées.

Il soutient que :

- les locaux de la société Deskodine, sont destinés à un usage de bureau et d'une superficie supérieure à 100 m² ; par conséquent ils ne doivent pas être exonérés de la taxe en litige en application du V - 3° de l'article 231 ter du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 octobre 2023, la société Deskodine conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête du ministre est irrecevable faute de comporter des critiques du jugement du tribunal administratif ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Giner, représentant la société Deskodine.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Deskodine a été assujettie à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement au titre de l'année 2018, 2019 et 2020 à raison d'un immeuble situé au 48 rue du Château d'Eau à Paris (10ème). Après que sa réclamation préalable du 28 décembre 2020 a été rejetée en grande partie par décision du 12 avril 2021, la société Deskodine a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de cette taxe pour les années en litige. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société des cotisations en litige au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Deskodine :

2. D'une part, une requête d'appel qui se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge et ne peut être régularisée que jusqu'à l'expiration du délai d'appel.

3. D'autre part, l'irrecevabilité de la requête d'appel tirée, en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, de ce que le mémoire d'appel se borne à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire présenté en première instance, est opposable au requérant qui était défendeur devant le premier juge.

4. Contrairement à ce que soutient la société Deskodine, le mémoire que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique présente en appel ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire en défense de première instance mais énonce à nouveau une argumentation qui lui parait devoir fonder le rejet de la demande de décharge présentée par la société Deskodine devant le tribunal administratif. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Deskodine tirée de l'absence de motivation de la requête d'appel du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, doit être écartée.

Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".

6. Dès lors que la société requérante a été assujettie à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement sur le fondement des déclarations qu'elle avait souscrite au titre des années 2018, 2019 et 2020, elle supporte la charge de démontrer l'exagération des impositions auxquelles elle a été soumise d'après les bases indiquées dans lesdites déclarations.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts : " I.- Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France (...). / I. Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables (...). III.- La taxe e t due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées, ou utilisés par l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou organismes publics et les organismes professionnels, et, d'autre part, des locaux professionnels destinés à l'exercice d'activités libérales ou utilisés par des associations ou organismes privés poursuivant ou non un but lucratif ; / 2° Pour les locaux commerciaux, qui s'entendent des locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros et de prestations de services à caractère commercial ou artisanal ainsi que de leurs réserves attenantes couvertes ou non et des emplacements attenants affectés en permanence à la vente ; / (...) / V.- Sont exonérés de la taxe : (...) / 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés, les locaux commerciaux d'une superficie inférieure à 2 500 mètres carrés (...) ".

8. Pour l'application de ces dispositions, seule doit être prise en compte l'utilisation effective des locaux au 1er janvier de l'année d'imposition soit comme bureaux, soit pour la réalisation d'une activité de commerce ou de prestations de services à caractère commercial ou artisanal.

9. Il résulte de l'instruction que la société Deskopolitan exerce, au sein des locaux qu'elle a pris à bail à la société Deskodine, une activité consistant à mettre à disposition des espaces de travail à des clients auxquels elle fournit différentes prestations de services additionnelles. A ce titre, la société Deskodine soutient que l'activité de la société Deskopolitan consiste non uniquement à mettre à la disposition de ses clients des locaux à usage de bureaux, mais à fournir des services de type hôtelier, tels notamment un service d'accueil et de conciergerie, de standard et de réception du courrier, l'accès à un service " communauté ", incluant une cuisine commune et un réseau social interne, l'accès à des évènements sociaux et professionnels, ainsi qu'à des services de bien-être, tels des cours de yoga. Toutefois, la description sur le site internet de la société des prestations offertes à la clientèle, la production du contrat de prestations de service conclu avec les clients ainsi que des conditions générales de vente ne permettent pas de rapporter la preuve de l'importance quantitative de telles prestations et d'établir qu'elles revêtiraient autre chose qu'un caractère accessoire à l'activité principale de la société Deskopolitan consistant à fournir à ses clients des locaux à usage de bureaux. Par ailleurs, la seule circonstance que les potentiels clients de la société Deskopolitan puissent se rendre dans les locaux pour les visiter et obtenir un devis en vue de la souscription d'une offre pour l'une des prestations de " coworking " commercialisées n'est pas de nature à changer la qualification des locaux de bureaux mis à disposition de sa clientèle. Dans ces conditions le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que les locaux concernés devaient être regardés comme des locaux commerciaux ouvrant droit à l'exonération prévue par le 3° du V de l'article 231 ter du code général des impôts dès lors que leur surface est inférieure à 2 500 m².

10. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Deskodine devant le tribunal administratif de Paris.

Sur l'autre moyen invoqué par la société Deskodine :

11. A supposer que la société Deskodine ait entendu se prévaloir de la doctrine référencée sous le n° BOI-IF-AUT-50-10-10 publiée au bulletin officiel des impôts du 27 janvier 2021, et notamment de son paragraphe 70, celle-ci ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application plus haut. Dès lors, le moyen tiré, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de ce que l'imposition en litige méconnaîtrait cette interprétation doit être écarté.

12. Dans ces conditions le ministre de l'économie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Deskodine des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement dont elle s'était acquittée au titre des années 2018, 2019 et 2020.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Deskodine demande au titre des frais qu'ils ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement n° 2113114 du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement dont la société DESKODINE s'est acquittée au titre des années 2018, 2019 et 2020 et dont les premiers juges ont prononcé la décharge sont remises à la charge de la société.

Article 3 : Les conclusions de la société Deskodine présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Deskodine.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques).

Délibéré après l'audience du 27 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe le 15 mars 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00132 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00132
Date de la décision : 15/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET FAREWELL TAX

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-15;23pa00132 ?
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