La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2024 | FRANCE | N°23PA01341

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 29 mars 2024, 23PA01341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... Serne a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 9 relative aux indemnités des élus adoptée par le conseil municipal de Montreuil le 28 mai 2020.



Par un jugement n° 2008595 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette délibération.



Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 avril et 16 octobre 2023, la

commune de Montreuil, représentée par la SELARL Gaia, demande à la Cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... Serne a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la délibération n° 9 relative aux indemnités des élus adoptée par le conseil municipal de Montreuil le 28 mai 2020.

Par un jugement n° 2008595 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette délibération.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 avril et 16 octobre 2023, la commune de Montreuil, représentée par la SELARL Gaia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil et de rejeter la demande de M. Serne ;

2°) de mettre à la charge de M. Serne une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les élus ont été suffisamment informés préalablement au vote de la délibération contestée ;

- le III de l'article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales n'a pas été méconnu ;

- l'exigence d'un vote distinct prévue par l'article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales a été respectée ;

- la circonstance que le régime indemnitaire des élus a été adopté avant la signature de leurs délégations est sans incidence sur la légalité de la délibération ;

- la modulation des indemnités n'est pas contraire au principe d'égalité et n'est pas constitutif d'une discrimination ;

- si l'annulation devait être confirmée, ses effets devraient être modulés dans le temps et être reportés au 1er janvier 2022.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2023, M. Serne, représenté par Me Bouzenoune, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- elle a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 2123-22 de ce même code, dès lors qu'il n'y a pas eu de vote dissocié des taux d'indemnité et de leurs majorations ;

- le tableau annexé récapitulant l'ensemble des indemnités allouées aux membres du conseil municipal méconnaît les dispositions de l'article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales ;

- la délibération contestée est dépourvue de base légale en l'absence de documents fondant la délégation des élus ;

- elle méconnaît le principe d'égalité dans la répartition des indemnités d'élus et présente un caractère discriminatoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Regis, représentant la commune de Montreuil et

de Me Bouzenoune, représentant M. Serne.

Considérant ce qui suit :

1. Le conseil municipal de Montreuil a adopté, le 28 mai 2020, une délibération fixant le régime indemnitaire des élus de la commune. La commune de Montreuil relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette délibération à la demande de M. Serne, conseiller municipal.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-20 du code général des collectivités territoriales : " I. -Les indemnités allouées au titre de l'exercice des fonctions de maire (...) et les indemnités maximales pour l'exercice effectif des fonctions d'adjoint au maire des communes, de conseiller municipal des communes de 100 000 habitants et plus (...) sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-13 de ce même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

3. Par la délibération contestée du 28 mai 2020, le conseil municipal de Montreuil a fixé les indemnités des membres du conseil municipal. Il ressort des tableaux annexés à cette délibération que le montant de ces indemnités, fixé par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique, varie de 44,50 % à 77 % pour les adjoints au maire et de 20,50 % à 58 % pour les conseillers délégués, sans que ces variations ne soient expliquées par la note de synthèse ou le projet de délibération. L'absence de toute motivation sur ces variations n'a pas mis à même les membres du conseil municipal de comprendre les motifs de fait de cette délibération, et M. Serne a d'ailleurs attiré l'attention du maire sur ce point lors de la séance du conseil municipal. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montreuil a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales : " Peuvent voter des majorations d'indemnités de fonction par rapport à celles votées par le conseil municipal dans les limites prévues par l'article L. 2123-23, par le I de l'article L. 2123-24 et par les I et III de l'article L. 2123-24-1, les conseils municipaux : (...) / 5° Des communes qui, au cours de l'un au moins des trois exercices précédents, ont été attributaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue aux articles L. 2334-15 à L. 2334-18-4 (...) ". Aux termes du III de l'article L. 2123-20-1 du même code : " Toute délibération du conseil municipal concernant les indemnités de fonction d'un ou de plusieurs de ses membres, à l'exception du maire, est accompagnée d'un tableau annexe récapitulant l'ensemble des indemnités allouées aux autres membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article R. 123-23 de ce même code : " Les majorations d'indemnités de fonction résultant de l'application de l'article L. 2123-22 peuvent s'élever au maximum pour les élus visés à l'article L. 2123-20 : (...) / 4° Dans les communes mentionnées au 5° de l'article L. 2123-22, les indemnités de fonctions peuvent être votées dans les limites correspondant à l'échelon immédiatement supérieur à celui de la population des communes visé à l'article L. 2123-23 ".

5. Contrairement à ce que soutient la commune de Montreuil, il résulte des dispositions du III de l'article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales que les tableaux annexés à la délibération du conseil municipal doivent comporter, en euros ou en pourcentage, le montant des indemnités allouées aux membres du conseil municipal, à l'exception du maire. En l'espèce, il est constant que l'annexe 3 de la délibération ne permet pas de connaître le montant de la majoration accordée au titre de la dotation de solidarité urbaine. Aucun autre élément de la délibération ou de la note de synthèse ne permet par ailleurs d'en connaître le montant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montreuil a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance du III de l'article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Montreuil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la délibération du 28 mai 2020.

Sur la modulation dans le temps des effets de l'annulation :

7. Pour justifier sa demande tendant à ce que les effets de l'annulation de la délibération du 28 mai 2020 prononcée par le tribunal administratif de Montreuil soient modulés dans le temps à compter du 1er janvier 2022, date à laquelle une nouvelle délibération a été adoptée, la commune requérante se borne à faire valoir que l'absence de modulation aurait pour conséquence de contraindre les élus concernés à lui reverser la totalité des indemnités perçues, sans préciser en quoi ce remboursement aurait des conséquences manifestement excessives pour les intéressés. La commune de Montreuil a, en outre, demandé cette modulation pour la première fois le 16 octobre 2023, alors que l'annulation de la délibération en litige a été prononcée par le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 3 février 2023 et est exécutoire depuis cette date. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la commune de Montreuil tendant à la modulation des effets de l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. Serne, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Montreuil demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. Serne et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Montreuil est rejetée.

Article 2 : La commune de Montreuil versera à M. Serne une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montreuil et à M. A... Serne.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2024.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de la Seine Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01341
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SELARL GAIA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;23pa01341 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award