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05/04/2024 | FRANCE | N°23PA00360

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 05 avril 2024, 23PA00360


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2014789 du 13 juillet 2022, le trib

unal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 12 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2014789 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Cukier, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2014789 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 12 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, dès lors que le requérant, étant entré sur le territoire avant l'âge de 13 ans et s'y étant maintenu depuis, ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 novembre 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marjanovic,

- et les observations de Me Cukier, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ghanéen né le 28 juillet 1998 et déclarant être entré en France en décembre 2000, était titulaire, depuis le 3 février 2017, d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Le 1er octobre 2010, il a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 12 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis le lui a refusé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la présente requête, M. A... relève régulièrement appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale : " I.- Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1 (...) du code de la sécurité intérieure (...), les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes (...) peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) / 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'État ". Aux termes de l'article 230-6 du même code : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel ". Aux termes de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " Il est procédé à la consultation prévue à l'article L. 234-1 du code de la sécurité intérieure pour l'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française et de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers ainsi que pour la nomination et la promotion dans les ordres nationaux ". Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " (...) V. - Il peut être procédé à des enquêtes administratives dans les conditions prévues au second alinéa du I du présent article pour la délivrance, le renouvellement ou le retrait d'un titre ou d'une autorisation de séjour sur le fondement de l'article L. 234-1, L. 235-1, L. 425-4, L. 425-10, L. 432-1 ou L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou des stipulations équivalentes des conventions internationales ainsi que pour l'application des articles L. 434-6, L. 511-7, L. 512-2 et L. 512-3 du même code ".

3. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que pour caractériser la menace à l'ordre public que représente la présence en France de M. A..., le préfet de Seine-Saint-Denis a principalement relevé que l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel de Pontoise, le 2 février 2017, à une peine de huit mois d'emprisonnement pour vol aggravé, puis à une nouvelle peine d'emprisonnement de huit mois pour détention, transport et acquisition non autorisés de stupéfiants par un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 30 janvier 2019. Si l'arrêté attaqué indique également que M. A... est connu au fichier du traitement des antécédents judiciaires pour neuf autres infractions commises entre 2013 et 2019, ces considérations doivent être regardées comme revêtant, en l'espèce, un caractère surabondant. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, du fait de la consultation des fichiers des antécédents judiciaires en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, doit être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, eu égard à la gravité des faits fondant les condamnations mentionnées au point précédent et au caractère récent desdites condamnations, M. A..., qui ne peut utilement se prévaloir de ses efforts de réinsertion manifestés, pour l'essentiel, postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché ledit arrêté d'une inexacte appréciation de la menace à l'ordre public qu'il représente.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Si M. A... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire national, où il est entré en décembre 2000, à l'âge de deux ans, et de la présence en France de ses père et mère, qui y séjournent régulièrement sous couvert de cartes de résident valables dix ans, il est cependant constant que l'intéressé, célibataire et sans enfant et entretenant, selon ses propres termes, des relations " difficiles " avec son père, ne justifie pas d'une réelle intégration dans la société française. Dès lors, le refus de séjour qui lui a été opposé, lequel n'emporte pas par lui-même éloignement du territoire national, ne porte pas à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, tenant notamment à la protection de l'ordre public. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que le refus de séjour contesté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et d'une méconnaissance des stipulations citées au point précédent doivent être écartés.

Sur la légalité des autres décisions portées par l'arrêté préfectoral du

12 novembre 2020 :

7. Aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".

8. Il est suffisamment établi par les pièces du dossier, et notamment par ses certificats de scolarité continus depuis le 5 novembre 2002, date à laquelle il est attesté que l'intéressé était inscrit en école maternelle à Paris, que M. A..., né le 28 juillet 1998, réside habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Par suite, il ne pouvait, en application des dispositions précitées, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Cette décision, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, doit donc être annulée.

9. L'obligation de quitter le territoire français étant ainsi entachée d'illégalité, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, dont elle est assortie, doit, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens qui la concerne, également être annulée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français.

Sur les frais de l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Cukier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du 12 novembre 2020 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 2014789 du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Cukier en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marjanovic, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2024.

Le président rapporteur,

V. MARJANOVICL'assesseur le plus ancien,

J.F. GOBEILL

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00360 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00360
Date de la décision : 05/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARJANOVIC
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CUKIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-05;23pa00360 ?
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