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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA00601

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 26 avril 2024, 23PA00601


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.



Par un jugement n° 2224322 du 16 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme p

ays de renvoi, mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre des articles L. 761-1 du code de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par un jugement n° 2224322 du 16 janvier 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de renvoi, mis à la charge de l'Etat une somme de 900 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2023, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision fixant le pays de destination au motif qu'elle méconnaissait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés en première instance à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ne sont pas fondés.

La requête du préfet de police a été communiquée à la dernière adresse connue de M. A..., qui n'a pas produit en défense.

Par une ordonnance du 1er février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant afghan né le 5 mai 1987 et originaire de la province de Nangarhar, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par une décision du 17 octobre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 24 juin 2021, sa demande d'asile a été jugée rejetée. Le 2 mars 2022, M. A... a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 12 août 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 10 novembre 2022, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet de police relève appel du jugement du 16 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Pour annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 du préfet de police en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination de M. A..., la première juge a considéré que, " depuis le 16 août 2021, la victoire militaire des forces talibanes conjuguée à la désagrégation des autorités gouvernementales et de l'armée nationale afghane et au retrait des forces armées étrangères a entraîné une désorganisation générale du pays " et que " compte tenu de la présence d'éléments plus ou moins incontrôlés, y compris parmi les différents groupes taliban locaux, et du niveau élevé de violence, d'insécurité et d'arbitraire de la part des autorités de fait, M. A... justifie qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine à un risque réel et personnel de subir des traitements inhumains ou dégradants ".

4. Cependant, à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, M. A... s'est prévalu, au titre de ses craintes personnelles en cas de retour en Afghanistan, de la situation sécuritaire prévalant dans sa province d'origine et des opinions défavorables qui pourraient lui être imputées par les autorités talibanes du fait de son profil occidentalisé. Toutefois, l'intéressé, dont la demande d'asile a, au demeurant et ainsi que rappelé au point 1 du présent arrêt, été rejetée, n'établit pas qu'il encourrait dans le cas d'un retour dans son pays d'origine, de manière suffisamment personnelle et certaine, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressé pourrait être éloigné à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations citées au point 2. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige du 10 novembre 2022 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination au motif tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... contre la décision fixant le pays de destination.

6. En premier lieu, M. A... soutient que la décision en litige aurait été signée par une autorité incompétente. Toutefois, par un arrêté n° 2022-01166 du 3 octobre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police du même jour, le préfet de police de Paris a donné à M. Pierre Villa, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

7. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.

8. En troisième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. A..., avant de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 novembre 2022 en tant qu'il fixe l'Afghanistan comme pays de destination et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 900 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2224322 du 16 janvier 2023 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. A... tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et portant sur les frais de l'instance sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 26 avril 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA00601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00601
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa00601 ?
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