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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA00979

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 26 avril 2024, 23PA00979


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé sa mutation d'office dans l'intérêt du service à compter du 13 décembre 2021.



Par un jugement n° 2126518 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 8 mar

s 2023, régularisée le 5 mai 2023, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 6 novembre 2023, Mme A..., représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le directeur général des finances publiques a prononcé sa mutation d'office dans l'intérêt du service à compter du 13 décembre 2021.

Par un jugement n° 2126518 du 4 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023, régularisée le 5 mai 2023, ainsi qu'un mémoire complémentaire enregistré le 6 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 4 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le directeur général des finances publique a prononcé sa mutation d'office dans l'intérêt du service ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un vice de procédure dès lorsqu'elle n'a pas été en mesure de consulter son dossier administratif complet ;

- il méconnaît son droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence d'un intérêt du service à prendre la mesure de mutation d'office ;

- la mesure de mutation d'office revêt en réalité le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public ;

- et les observations de Me David substituant Me Gonidec, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., inspectrice divisionnaire des finances publiques hors classe, a, par arrêté du 15 février 2019, été affectée à compter du 1er juillet 2019, à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) d'Île-de-France et de Paris, au sein du service des impôts des particuliers de Charonne (75020) en qualité de chef de poste. Par un arrêté du 19 novembre 2021, le directeur général des finances publiques a prononcé sa mutation d'office dans l'intérêt du service à compter du 13 décembre 2021 sur un emploi administratif au sein de la même direction. Mme A... relève appel du jugement du 4 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Il résulte de ces dispositions qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été informée par courrier du directeur général des finances publiques en date du 31 août 2021, dont elle reconnait dans ses écritures avoir pris connaissance le 29 septembre 2021, de l'engagement d'une procédure de mutation d'office, dans l'intérêt du service, motivée par des éléments relatifs à sa façon d'exercer ses fonctions explicités dans un rapport annexé. Le même courrier l'informait de la possibilité de consulter son dossier individuel auprès de la division des ressources humaines de sa direction dans les conditions définies par une note de service du 21 octobre 2010. Mme A... a ainsi été mise à même de demander la communication de son dossier par l'autorité administrative avant que celle-ci ne prenne la mesure contestée. Contrairement à ce qu'elle soutient, la circonstance alléguée mais non démontrée selon laquelle son état de santé psychologique ne lui aurait pas permis de se déplacer pour prendre connaissance de son dossier est sans incidence sur la procédure prise à son égard. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que le dossier qui lui a été transmis à sa demande par voie dématérialisée, par le truchement de l'application ESCALE, n'était, pour des raisons techniques liées au volume des documents, pas complet, ce dont elle a été avertie par courrier électronique du 27 octobre 2021, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et qu'elle n'allègue d'ailleurs pas, que le dossier consultable physiquement à la division des ressources humaines aurait été incomplet. Il s'ensuit que Mme A... n'a ainsi pas été privée de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. ". Aux termes de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat alors en vigueur : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 26 août 2010 portant statut particulier des personnels de catégorie A de la direction générale des finances publiques : " Les fonctionnaires de la catégorie A mentionnés à l'article 1er sont répartis dans les grades ci-après : / (...) / 3° Inspecteur divisionnaire des finances publiques ; ce grade comporte deux classes : / a) La hors classe qui comporte trois échelons et un échelon spécial ; / b) La classe normale qui comporte quatre échelons ; / (...). ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " (...) III. - Les inspecteurs divisionnaires des finances publiques peuvent se voir confier au sein des structures mentionnées au 1° du I : / 1° La responsabilité d'un service, notamment d'un service de contrôle fiscal, ou des fonctions d'encadrement au sein de ces services ; / 2° La responsabilité d'un poste comptable ou les fonctions d'adjoint au responsable d'un tel poste. / Ils peuvent également assurer des missions d'expertise ou des missions particulières au sein de ces structures ou en administration centrale ".

5. D'autre part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

6. Mme A... soutient que son droit à recevoir une affectation correspondant à son grade dans un délai raisonnable a été méconnu par l'arrêté attaqué. Toutefois, l'intéressée, inspectrice divisionnaire des finances publiques hors classe, qui a été mutée sur un emploi administratif de chargé de mission au sein de la DRFIP d'Île-de-France et de Paris, ne démontre pas que les activités exercées dans le cadre de cet emploi ne seraient pas au nombre des missions d'expertise que les inspecteurs divisionnaires ont vocation à exercer en vertu des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 26 août 2010. Par ailleurs, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... se serait retrouvée sans affectation effective avant l'intervention de la mutation dont elle a fait l'objet, dès lors notamment qu'elle occupait toujours son poste de chef de service y compris lors de ses congés maladie et congés annuels, et lorsqu'elle a bénéficié d'une autorisation d'absence exceptionnelle préalablement à sa nouvelle affectation. En outre, si la requérante soutient que son affectation sur l'emploi administratif a, par la suite, été abandonnée par sa hiérarchie et qu'elle s'est retrouvée sans activité effective, cette circonstance, au demeurant non établie, est en tout état de cause postérieure à la décision attaquée et sans influence sur sa légalité. Le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision attaquée, du principe rappelé au point 5 ne peut dès lors qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur, : " I. - L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le service des impôts des particuliers Charonne du 20ème arrondissement de Paris a connu une situation particulièrement conflictuelle opposant Mme A... et plusieurs des agents placés sous son autorité. Il ressort ainsi du rapport du 1er juillet 2021 ainsi que de nombreux témoignages concordants recueillis lors de l'enquête interne que cette opposition a entrainé des difficultés de fonctionnement au sein du service, à l'origine notamment du dépôt le 18 décembre 2020 d'un droit d'alerte par le syndicat CFDT dénonçant des pratiques managériales inadaptées occasionnant une dégradation des conditions de travail et un climat professionnel qualifié de " délétère et anxiogène ". Dans ces conditions, et compte tenu de l'échec de la procédure de médiation entre Mme A... et les agents de son service, initiée autour de réunions qui se déroulées du 2 au 4 mars 2021, le directeur général des finances publiques pouvait, dans l'intérêt du service et sans entacher son appréciation d'erreur manifeste, procéder à la mutation d'office de Mme A....

9. En quatrième lieu, une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

10. Ainsi qu'il a été exposé au point 8 de cet arrêt, la mesure de mutation de Mme A... est justifiée par la dégradation des conditions de travail au sein du service des impôts des particuliers de Charonne et le climat conflictuel qui s'y est répandu en raison des tensions et de l'opposition qui se sont élevées entre Mme A... et les agents placés sous sa subordination et qui ont été constatées de manière objective dans le cadre de l'enquête interne consécutive au dépôt d'un droit d'alerte par un syndicat. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la mesure présentement contestée serait motivée par la volonté de sanctionner Mme A... à l'encontre de laquelle aucune faute précisément identifiable n'a été relevée et dont les mérites professionnels n'ont pas été mis en cause. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la mesure de mutation en litige aurait été à l'origine d'une dégradation de la situation professionnelle de Mme A.... Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait constitutive d'une sanction déguisée doit être écarté.

11. En dernier lieu, dès lors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la décision de mutation d'office dans l'intérêt du service prise à l'égard de Mme A... ne revêt pas le caractère d'une sanction déguisée, elle n'entrait dans aucune des catégories mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration relatif à la motivation des décisions administratives individuelles défavorables. Elle n'avait ainsi pas à être motivée. Le moyen tiré du défaut de motivation de cette mesure ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation doivent ainsi être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOIS

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00979


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00979
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa00979 ?
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