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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA03241

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 26 avril 2024, 23PA03241


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2305250/8 du 5 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.



Procédure devant la cour :



Par

une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2023 et 5 mars 2024, M. C..., représenté par Me Carrillo Cruz, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 14 février 2023 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2305250/8 du 5 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet 2023 et 5 mars 2024, M. C..., représenté par Me Carrillo Cruz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 14 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant de lui accorder un titre de séjour et celle l'obligeant à quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivées ;

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreurs de fait ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il viole les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est illégale dès lors qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ; cette décision porte atteinte à son droit de mener une vie privée et familiale normale.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C... par une décision du 8 février 2024.

Vu :

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant colombien né le 5 février 1988, déclare être entré en France en octobre 2016. Il a sollicité pour la première fois son admission au séjour sur le territoire français en juillet 2022 Par un arrêté du 14 février 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... demande à la cour d'annuler le jugement du 5 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les décisions refusant d'accorder un titre de séjour à M. C... et l'obligeant à quitter le territoire français :

2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral litigieux, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. C... et assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, mentionne les textes de droit dont il fait application ainsi que les considérations de fait sur lesquels il est fondé, alors par ailleurs que le préfet de police n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments propres à la situation particulière du requérant. Si les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent à l'administration de motiver l'obligation de quitter le territoire français, elles la dispensent d'une motivation spécifique en cas, notamment, de refus de délivrance d'un titre de séjour, comme en l'espèce. Dans cette hypothèse, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour, dont elle découle nécessairement.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la demande de M. C....

4. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté litigieux mentionne en son troisième considérant " l'âge de ses enfants ", alors que le requérant est père d'un seul enfant, constitue une simple erreur matérielle, n'ayant pu avoir une influence sur la décision du préfet de police, qui évoque par ailleurs l'unique fils mineur de l'intéressé aux deuxième et cinquième considérants de son arrêté. De même, s'il est fait état du " concubinage " de M. C..., alors qu'il s'est marié le 26 août 2022, plus d'un mois après le dépôt de sa demande de titre de séjour le 15 juillet 2022, cette circonstance, alors même qu'elle est intervenue avant l'édiction de l'arrêté contesté, ne saurait à elle seule entacher ce dernier d'illégalité.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. / (...) ".

6. M. C... soutient qu'il résidait en France depuis presque six ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'il a vécu en concubinage, puis s'est marié en août 2022 avec une compatriote, que leur fils né en 2010 est scolarisé depuis 2017 sur le territoire français, et que son frère vivant en France est muni d'une carte de séjour temporaire. Il fait en outre valoir que son épouse a présenté des complications respiratoires consécutives à une infection par le Covid-19. Toutefois, il a vécu en Colombie jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire français. Si leur fils était scolarisé en France depuis cinq ans à la date de l'arrêté contesté, aucune circonstance ne s'oppose à ce qu'il poursuive sa scolarité en Colombie, où la cellule familiale peut se reconstituer, le requérant n'établissant pas en outre y être démuni d'attaches familiales. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas, en prenant l'arrêté litigieux, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ou des buts qu'il a poursuivis. Il n'a donc pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage, pour les mêmes motifs, méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", " travailleur temporaire " ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. Pour soutenir que sa demande d'admission au séjour se justifie par des motifs exceptionnels, M. C... se prévaut des éléments relatifs à sa vie privée et familiale en France, exposés au point 6 du présent arrêt, ainsi que de ses perspectives d'intégration professionnelle, dès lors qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche plusieurs fois renouvelée par la société CMA, et qu'il travaille de manière déclarée depuis l'édiction de l'arrêté attaqué, ayant été recruté en mai 2023 en qualité de peintre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a déclaré aucun revenu pour les années 2019, 2020 et 2021 et qu'il ne démontre aucune insertion professionnelle entre octobre 2016, date à laquelle il déclare être entré en France, et février 2023, date du refus de titre de séjour contesté. Ainsi, les motifs dont le requérant fait état ne peuvent être considérés comme présentant un caractère exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour, tant au titre du travail, qu'en ce qui concerne sa vie privée et familiale pour les raisons énoncées au point 6 du présent arrêt.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours :

9. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...). ".

10. Si M. C... soutient qu'un délai de départ supérieur à trente jours aurait dû lui être accordé, il se borne à soutenir à cet égard qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes. Cette seule circonstance ne suffit pas à établir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. D'une part, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 10 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, doit être écarté.

12. D'autre part, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, en tout état de cause, pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 février 2023. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03241 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03241
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : CARRILLO CRUZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa03241 ?
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