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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA04018

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 26 avril 2024, 23PA04018


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... se disant Ayoub Hamdaoui a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de cinq ans, prononcée à son encontre le 27 novembre 2020 par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis.



Par un jugement n° 2308910 du 10 août 2023, le trib

unal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant Ayoub Hamdaoui a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de cinq ans, prononcée à son encontre le 27 novembre 2020 par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis.

Par un jugement n° 2308910 du 10 août 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 septembre 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 10 août 2023 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de M. A... se disant Hamdaoui.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que sa décision avait été prise au terme d'une procédure irrégulière ;

- les autres moyens soulevés par M. A... se disant Ayoub Hamdaoui en première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. A... se disant Ayoub Hamdaoui, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., se disant Ayoub Hamdaoui, également connu sous le nom de B... D..., ressortissant libyen, a déclaré être entré en France en 2015. Par un arrêt du 27 novembre 2020, la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis l'a déclaré coupable de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et l'a condamné à une peine de sept ans de réclusion criminelle, assortie d'une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné en exécution de cette interdiction judiciaire. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 21 juillet 2023.

2. D'une part, aux termes de l'article 131-30 du code pénal, auquel renvoie l'article L. 641-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit./ L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion./ Lorsque l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d'exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. /(...) ". Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Et aux termes de l'article L. 721-4 du même code : L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :/ 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'aussi longtemps que la personne condamnée n'a pas obtenu de la juridiction qui a prononcé la condamnation pénale le relèvement de sa peine d'interdiction du territoire, l'autorité administrative est tenue de pourvoir à son exécution en édictant à son encontre une décision motivée fixant son pays de destination, sous réserve qu'une telle décision n'expose pas l'intéressé à être éloigné à destination d'un pays dans lequel sa vie ou sa liberté serait menacée, ou d'un pays où elle serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 dudit code : " Les décisions mentionnées à l'article

L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". Enfin, aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A..., se disant Ayoub Hamdaoui, a été notamment entendu, le 20 juillet 2023, sur sa situation au regard du droit au séjour en France, ni le procès-verbal rendant compte de cette audition, ni aucun autre document produit au dossier, n'indique que lui aurait été communiqué le nom du pays à destination duquel l'autorité administrative envisageait de l'éloigner, privant ainsi l'intéressé de la garantie que constituait, pour lui, la possibilité de faire valoir ses observations quant au choix de cette destination. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a soutenu ni en première instance, ni en appel, que des circonstances exceptionnelles, une situation d'urgence, ou un risque de compromission de l'ordre public ou de la conduite des relations internationales, auraient été de nature à faire obstacle à la mise en œuvre en l'espèce des dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux du 21 juillet 2023 a été pris au terme d'une procédure régulière.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 21 juillet 2023 fixant le pays à destination duquel M. A..., se disant Ayoub Hamdaoui, devait être éloigné en exécution de l'interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de cinq ans, prononcée à son encontre le 27 novembre 2020 par la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A..., se disant Ayoub Hamdaoui.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

La rapporteure,

G. C...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA04018 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04018
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa04018 ?
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