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26/04/2024 | FRANCE | N°23PA04816

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 26 avril 2024, 23PA04816


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.



Par un jugement n° 2321288 du 17 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 31 août 2023 de transfert de M. B... aux autorités italiennes, enjoint à cette autorité de délivrer à M. B... une attestation de dem

ande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2023 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 2321288 du 17 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 31 août 2023 de transfert de M. B... aux autorités italiennes, enjoint à cette autorité de délivrer à M. B... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2023, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- le motif d'annulation retenu par le jugement n'est pas fondé ; la preuve de défaillances systémiques en Italie n'est pas rapportée alors en outre que le requérant a passé cinq ans en Italie avant de solliciter l'asile en France, de sorte que sa situation ne saurait s'assimiler à celle des étrangers en situation irrégulière pénétrant sur le sol italien ;

- les autres moyens avancés par M. B... en première instance ne sont pas fondés ;

Par une ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 février 2024.

Un mémoire en défense a été enregistré le 27 mars 2024, présenté par M. B..., représenté par Me Pafundi, qui n'a pas été communiqué.

Un mémoire a été enregistré le 4 avril 2024, présenté par le préfet de police, qui n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 28 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... ressortissant de nationalité nigériane né le 12 juin 1980, est entré en France irrégulièrement et y a sollicité l'asile le 13 juillet 2023 auprès des services de la préfecture de police. L'examen de ses empreintes digitales et du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités italiennes le 24 juillet 2018, le préfet de police a saisi le 2 août 2023 les autorités italiennes, considérées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'une demande de prise en charge, qu'elles ont acceptée par un accord implicite du 17 août suivant. Par un arrêté du 31 août 2023, le préfet de police a décidé du transfert de M. B... aux autorités italiennes. Le préfet de police relève appel du jugement du 17 octobre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 31 août 2023.

Sur le motif d'annulation retenu par le juge de première instance :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. (...) ". Par ailleurs, l'article 17 du même règlement prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

4. Pour annuler l'arrêté du 31 août 2023 portant transfert de M. B... aux autorités italiennes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance que, par une circulaire en date du 5 décembre 2022, le ministre de l'intérieur italien a informé ses homologues membres de l'espace Schengen de la suspension temporaire, pour des raisons techniques, des reprises en charge de demandeurs d'asile vers l'Italie. Le magistrat désigné a ensuite relevé que " le requérant apporte la preuve que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie sont fondées, alors que le préfet de police n'établit pas que l'indisponibilité des installations d'accueil invoquée par l'Italie avait cessé à la date du 31 août 2023 à laquelle il a décidé le transfert de M. B... vers ce pays ".

5. Toutefois, si M. B... invoquait dans sa demande de première instance le durcissement de la politique migratoire italienne et un risque d'absence de prise en charge médicale en Italie, la lettre circulaire du 5 décembre 2022 qu'il invoque, par laquelle le ministère italien de l'intérieur demande une " suspension temporaire " de la plupart des transferts à destination de l'Italie, pour des motifs techniques apparus soudainement liés à l'indisponibilité des centres d'accueil dans ce pays, ne saurait, par elle-même, établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait, plusieurs mois après cette lettre-circulaire, de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie de telles défaillances. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'invoque aucune situation particulière de vulnérabilité, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du même règlement. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé son arrêté du 31 aout 2023 prononçant le transfert de M. B... aux autorités italiennes au motif qu'il méconnaissait les dispositions et stipulations précitées.

6. Il appartient, toutefois, à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-00059 du 23 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 75-2023-056 du 23 janvier 2023, le préfet de police a donné à Mme D... C..., attachée d'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de la décision litigieuse. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

9. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de M. B..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes et que celles-ci, saisies le 2 août 2023 d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18 (1) b) de ce règlement, ont implicitement accepté leur responsabilité le 17 août 2023, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et enfin qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus.

10. En troisième lieu, en vertu de l'article 29, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les informations qui, en application du paragraphe 1 de ces articles, doivent être fournies aux personnes concernées dans une langue qu'elles comprennent ou dont on peut raisonnablement penser qu'elles la comprennent, figurent dans des brochures communes rédigées par la Commission.

11. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que M. B... s'est vu remettre, lors de l'entretien individuel du 13 juillet 2023, la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " ainsi que la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces documents, rédigés en anglais, langue que l'intéressé a lui-même déclaré comprendre, et qui ont été établis conformément aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, comprennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions mentionnées au point 11. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 13 juillet 2023, d'un entretien individuel mené par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile de la préfecture de police qui, compte tenu des mentions portées sur le compte rendu de l'entretien signé par M. B..., du tampon de la préfecture apposé sur ce compte rendu et de la teneur de l'entretien, et en l'absence de tout élément qui conduirait à remettre en doute sa qualification, doit être regardé comme étant une personne qualifiée en vertu du droit national au sens des dispositions citées au point précédent. Cet entretien a été réalisé avec l'assistance d'un interprète de langue anglaise de l'association ISM interprétariat, organisme agréé. Par ailleurs, le requérant ne saurait sérieusement soutenir que la mention, au pied de l'arrêté litigieux, " vous êtes informé que vous pouvez présenter des observations, avertir un conseil ou une personne de votre choix " révèlerait qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir ses observations préalablement à l'édiction de l'arrêté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En cinquième lieu, compte tenu de la procédure spéciale mise en place par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui prévoit notamment, à son article 5, le droit à un entretien individuel préalable à l'édiction de l'arrêté de transfert, le moyen invoqué par M. B... tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant.

15. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 23 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un Etat membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre Etat membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 [...] 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'Etat membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale [...] ". Aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionné au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

16. D'autre part, le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les Etats membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " Dublinet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les Etats, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque Etat dispose d'un unique " point d'accès national ", responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et qui délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Aux termes de l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement [...]. / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

17. Il résulte des dispositions du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau " Dublinet ", par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de prise en charge est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier " Eurodac " et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

18. Contrairement à ce que soutient M. B..., la preuve de la demande de reprise en charge adressée par la préfecture de police aux autorités italiennes est rapportée par le préfet de police, qui a produit en première instance la copie d'un courrier électronique daté du 2 août 2023 accusant réception d'une demande formulée au moyen de l'application " Dublinet ". Une décision implicite d'acceptation a été prise le 17 août 2023. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police n'apporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes et de leur accord pour le transfert.

19. En septième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 26 de ce même règlement : " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies et délais de recours disponibles (...) et à la mise en œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable ".

20. D'une part, si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte les informations utiles quant aux voies et délais de recours et précise que l'intéressée doit se présenter aux autorités chargées du contrôle aux frontières de l'Etat membre responsable, pour l'examen de sa demande d'asile. Par suite, alors que les dispositions citées au point précédent n'imposent pas la mention systématique des informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter mais précisent uniquement que ces informations sont indiquées " si nécessaire ", le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit, en tout état de cause, être écarté.

21. En huitième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou encore de l'article 17 du même règlement doivent être écartés pour les mêmes motifs.

22. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté de transfert du 31 août 2023 lui a enjoint de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi qu'une attestation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2321288 du 17 octobre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Vinot, présidente de chambre,

M. Marjanovic, président assesseur,

M. Dubois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2024.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04816
Date de la décision : 26/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : ANGLADE & PAFUNDI A.A.R.P.I

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-26;23pa04816 ?
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