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29/04/2024 | FRANCE | N°22PA05558

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 29 avril 2024, 22PA05558


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une demande, enregistrée sous le n° 2011919/3-3, la société Max Mara a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi lui a infligé la pénalité financière prévue à l'article L. 2242-9 du code du travail et le titre de perception du 15 avril 2019 mettant à sa charge la somme de 72 452 euros et, à titre subsidiaire, de r

amener la pénalité à la somme maximale de 31 704 euros.



Par une demande, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande, enregistrée sous le n° 2011919/3-3, la société Max Mara a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi lui a infligé la pénalité financière prévue à l'article L. 2242-9 du code du travail et le titre de perception du 15 avril 2019 mettant à sa charge la somme de 72 452 euros et, à titre subsidiaire, de ramener la pénalité à la somme maximale de 31 704 euros.

Par une demande, enregistrée sous le n° 2016606/3-3, la société Max Mara a réitéré les conclusions de sa demande n° 2011919 et a demandé, en outre, au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par la ministre du travail née le 6 février 2020 et la décision confirmative de ce rejet prise le 10 août 2020.

Par un jugement n° 2011919, 2016606/3-3 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 décembre 2022, la société Max Mara, représentée par Me Ellenberger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2017 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et le titre de perception émis le 15 avril 2019 d'un montant de 72 452 euros et, à titre subsidiaire, de ramener le montant de la pénalité financière au montant maximal de 31 704 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que ses demandes présentées devant le tribunal ne sont pas tardives ; le délai raisonnable d'un an pour présenter son recours juridictionnel retenu par les premiers juges n'est prévu par aucune disposition ; les recours administratifs qu'elle a formés pendant ce délai l'ont prorogé ;

- les dispositions des articles L. 2242-1, L. 2242-3 et L. 2242-8 du code du travail sur lesquelles est fondée la pénalité de 72 452 euros en litige ne lui sont pas applicables en l'absence de constitution de sections syndicales d'organisations représentatives au sein de l'entreprise ; elle n'était pas tenue d'adopter un plan d'action destiné à assurer l'égalité femme-homme ;

- ayant commis une faute en lui infligeant la pénalité en litige, l'administration ne peut se prévaloir d'une éventuelle forclusion pour se soustraire aux conséquences de sa propre erreur ;

- l'administration ne répondant pas, dans son mémoire, à son argumentation, elle doit être regardée comme en reconnaissant le bien-fondé ;

- à titre subsidiaire, elle a informé l'inspecteur du travail dès le 15 décembre 2016 qu'elle avait déposé un plan d'action destiné à assurer l'égalité femme-homme à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; le nombre de domaines d'action de ce plan respectait les exigences légales ; les dispositions de l'article L. 2222-3 du code du travail ne lui sont pas applicables, en l'absence de délégués syndicaux et de représentants du personnel au sein de l'entreprise ;

- en tout état de cause, elle a modifié son plan d'action égalité femme-homme rendant ainsi injustifiée la pénalité financière qui lui a été infligée, conformément à la circulaire du 28 octobre 2011 ; les nouvelles critiques formulées par l'inspecteur du travail à l'encontre de ce plan ne peuvent être retenues du fait de leur caractère nouveau ; le plan d'action a finalement été validé par un courrier du 27 septembre 2021 confirmant ainsi sa bonne foi ;

- à titre infiniment subsidiaire, le montant de la pénalité excède le montant maximum autorisé qui est en l'espèce de 31 704 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 mai 2017, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a infligé à la société Max Mara, spécialisée dans le prêt-à-porter féminin, la pénalité alors prévue à l'article L. 2242-9 du même code, jusqu'à la réception d'un accord collectif ou, à défaut un plan d'action conforme à la loi en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le 15 avril 2019, la direction générale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris a émis à l'encontre de la société Max Mara un titre de perception d'un montant de 72 452 euros correspondant à cette pénalité financière. Par un courrier en date du 4 juillet 2019, la société a formé, auprès de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris, une réclamation préalable contre ce titre de perception, réclamation qui a été implicitement rejetée. Par un courrier en date du 2 décembre 2019, elle a saisi la ministre du travail d'un recours hiérarchique contre la décision implicite rejetant sa réclamation préalable. Par un courrier du 10 août 2020, la ministre du travail a informé la société Max Mara qu'une décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du 2 décembre 2019 était née le 6 février 2020. Elle a également par une décision expresse du même jour, confirmé le rejet de ce recours hiérarchique. Par un jugement du 2 novembre 2022, dont la société Max Mara relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2017, du titre de perception émis le 15 avril 2019 ainsi que des décisions de rejet de son recours hiérarchique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 mai 2017 :

2. Il ressort du point 4 du jugement attaqué que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail tirée de la tardiveté des conclusions à fin d'annulation de la décision du 16 mai 2017 de la DIRECCTE d'Ile-de-France infligeant à la société Max Mara la pénalité prévue à l'article L. 2242-9 du code du travail au motif que cette décision comportait la mention des voies et délais de recours, qu'elle avait été contestée dans le cadre d'un recours gracieux formé le 30 mai 2017, qui avait été rejeté par une décision du 21 juillet 2017 notifiée à la société le 25 juillet suivant, laquelle comportait également les voies et délais de recours et qui, n'ayant pas été contestée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois, était devenue définitive et ne pouvait plus être contestée. Si la société requérante reprend devant la cour ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2017 de la DIRECCTE d'Ile-de-France, elle ne formule toutefois aucune critique à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2017 pour tardiveté. Dans ces conditions, ses conclusions d'appel tendant aux mêmes fins ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation du titre de perception émis le 15 avril 2019 :

3. Aux termes de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " En cas de contestation d'un titre de perception, avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit adresser cette contestation, appuyée de toutes pièces ou justifications utiles, au comptable chargé du recouvrement de l'ordre de recouvrer./ Le droit de contestation d'un titre de perception se prescrit dans les deux mois suivant la notification du titre ou, à défaut, du premier acte de poursuite qui procède du titre en cause. / Le comptable compétent accuse réception de la contestation en précisant sa date de réception ainsi que les délais et voies de recours. Il la transmet à l'ordonnateur à l'origine du titre qui dispose d'un délai pour statuer de six mois à compter de la date de réception de la contestation par le comptable. A défaut d'une décision notifiée dans ce délai, la contestation est considérée comme rejetée. /La décision rendue par l'administration en application de l'alinéa précédent peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de cette décision ou, à défaut de cette notification, dans un délai de deux mois à compter de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent ".

4. Aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 comporte les mentions suivantes : 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; 2° La désignation, l'adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargé du dossier ; 3° Le cas échéant, les informations mentionnées à l'article L. 114-5, dans les conditions prévues par cet article. Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. Dans le second cas, il mentionne la possibilité offerte au demandeur de se voir délivrer l'attestation prévue à l'article L. 232-3 ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'un accusé de réception comportant les mentions prévues par ces dernières dispositions, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à son destinataire.

5. Il ressort de la lecture du titre de perception émis le 15 avril 2019 à l'encontre de la société Max Mara, dont la date de notification n'est pas formellement établie par l'instruction, qu'il comportait la mention des voies et délais de recours. Il résulte de l'instruction que la société Max Mara a formé la réclamation préalable obligatoire prévue par l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 auprès de la direction régionale des finances publiques le 4 juillet 2019. Aucune décision statuant sur cette réclamation n'ayant été notifiée à la société requérante dans le délai de six mois fixé par cet article, une décision implicite de rejet est née le 5 janvier 2020. Il ne résulte pas de l'instruction que la réclamation préalable de la société Max Mara a fait l'objet d'un accusé de réception portant les mentions requises et l'informant des conditions de naissance d'une décision implicite. Dès lors, le délai de recours contentieux contre la décision implicite rejetant cette réclamation ne peut lui être opposé, ainsi qu'il a été dit au point 4. Par ailleurs, la société requérante ne peut être regardée comme ayant eu connaissance de cette décision implicite de rejet dès le 2 décembre 2019, date de son recours hiérarchique, la décision en cause n'étant pas encore née. Par un courrier du 10 août 2020, la ministre du travail a informé la société Max Mara qu'une décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du 2 décembre 2019 était née le 6 février 2020. Par une décision du même jour, elle a confirmé le rejet de ce recours hiérarchique. Dans ces conditions, les conclusions de la société Max Mara à fin d'annulation du titre de perception émis le 15 avril 2019 enregistrées au greffe du tribunal les 5 août et 9 octobre 2020 ne peuvent être regardées comme tardives. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par la société Max Mara, celle-ci est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a considéré à tort que ses conclusions à fin d'annulation du titre de perception étaient irrecevables. Il s'ensuit que le jugement du tribunal administratif de Paris doit être annulé dans cette mesure.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis le 15 avril 2019 présentées par la société Max Mara devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre de perception émis le 15 avril 2019 :

En ce qui concerne l'obligation, pour la société Max Mara, d'établir un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes :

7. Aux termes de l'article L. 2242-1 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce : " Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage : (...) 2° Chaque année, une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail ; (...) ". Aux termes de l'article L. 2242-5 du même code dans sa version applicable en l'espèce : " La négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise porte sur : (...) 4° Le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes. Cette négociation peut avoir lieu au niveau des établissements ou des groupes d'établissements distincts ". Aux termes de l'article L. 2242-8 du même code dans sa version applicable en l'espèce : " La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur : (...) 2° Les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d'accès à l'emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d'emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois. Cette négociation s'appuie sur les données mentionnées au 1° bis de l'article L. 2323-8. (...) / En l'absence d'accord prévoyant les mesures prévues au présent 2°, l'employeur établit un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Après avoir évalué les objectifs fixés et les mesures prises au cours de l'année écoulée, ce plan d'action, fondé sur des critères clairs, précis et opérationnels, détermine les objectifs de progression prévus pour l'année à venir, définit les actions qualitatives et quantitatives permettant de les atteindre et évalue leur coût. Ce plan d'action est déposé auprès de l'autorité administrative. Une synthèse de ce plan d'action, comprenant au minimum des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l'employeur par voie d'affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d'exercice de l'activité de l'entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un. /En l'absence d'accord prévoyant les mesures prévues au présent 2°, la négociation annuelle sur les salaires effectifs prévue au 1° de l'article L. 2242-5 porte également sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes ; (...) ".

8. Aux termes de l'article L. 2242-9 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce : " Les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle portant sur les objectifs et les mesures mentionnées au 2° de l'article L. 2242-8 ou, à défaut d'accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d'action mentionné au même 2°. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord et du plan d'action sont fixées par décret. Dans les entreprises d'au moins 300 salariés, ce défaut d'accord est attesté par un procès-verbal de désaccord. / Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa du présent article est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l'entreprise n'est pas couverte par l'accord ou le plan d'action mentionné au premier alinéa du présent article. Le montant est fixé par l'autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au même premier alinéa./ Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale ".

9. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité, à la charge de l'employeur, lorsqu'elles n'ont pas satisfait à l'obligation à laquelle elles sont tenues, soit de conclure un accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au terme de la négociation annuelle qu'elles doivent engager lorsque l'entreprise comprend une ou des sections syndicales d'organisations représentatives, soit d'établir un plan d'action annuel destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes lorsqu'aucun accord n'a été conclu à l'issue de cette négociation ou lorsque l'entreprise n'est pas tenue de mener une telle négociation en raison de l'absence de constitution de section syndicale d'organisations représentatives.

10. Il ressort des termes de la décision du 16 mai 2017 que pour infliger la pénalité financière prévue par l'article L. 2242-9 du code du travail, la DIRECCTE d'Ile-de-France s'est fondée sur l'absence de transmission par la société Max Mara d'un accord collectif ou, à défaut, d'un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en dépit de la mise en demeure qui lui avait été notifiée le 21 octobre 2016. Il est constant que la société Max Mara ne dispose pas de délégation syndicale. Cette circonstance justifie nécessairement l'impossibilité de mener, au sein de l'entreprise, une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et par suite, d'adopter un accord collectif portant sur les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de la société Max Mara. Toutefois, en l'absence d'un tel accord collectif, et quand bien cette absence résulte de l'inexistence de section syndicale d'organisations représentatives, la société Max Mara était tenue, en application des dispositions de l'article L. 2242-8 du code du travail, d'établir un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise.

11. La société requérante soutient, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 1143-1 du code du travail et sur le point 1.2 de l'instruction n° DGT/DPSIT/RT3/2017/124 du 4 avril 2017 relative à la mise en œuvre du dispositif de pénalité financière et à la mise en place d'une procédure dite de " rescrit " en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, que l'instauration d'un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne présente qu'un caractère facultatif.

12. D'une part, l'article L. 1143-1 du code travail dispose : " Pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les mesures visant à établir l'égalité des chances prévues à l'article L. 1142-4 peuvent faire l'objet d'un plan pour l'égalité professionnelle négocié dans l'entreprise ". Aux termes de l'article L. 1142-4 du même code : " Les dispositions des articles L. 1142-1 et L. 1142-3 ne font pas obstacle à l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes. (...) ". Il résulte de ces dispositions que ce sont les mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes, qui sont facultatives et qui peuvent être ou non intégrées au plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes de l'entreprise.

13. D'autre part, le point 1.2 intitulé " L'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action " de l'instruction de la DGT du 4 avril 2017 invoquée par la société requérante prévoit qu'" en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le dialogue social prime sur la démarche unilatérale de l'employeur, et celui-ci doit en premier lieu ouvrir la négociation collective sur le sujet. Ce n'est qu'à défaut d'accord que l'employeur pourra établir unilatéralement un plan d'action en la matière. / A noter toutefois que seule la négociation d'un accord avec un délégué syndical doit être engagée en préalable à l'élaboration d'un plan d'action unilatéral : la négociation en l'absence de délégué syndical avec un élu (mandaté ou non) ou un salarié mandaté est une possibilité offerte à l'employeur, jamais une obligation. (...) Le plan d'action peut par ailleurs être conçu au niveau de l'entreprise puis décliné et adapté dans chacun des établissements. En cas d'échec de la négociation, l'entreprise à établissements multiples ne sera pas redevable de la pénalité si chacun de ses établissements est doté d'un plan d'action, qu'il soit propre à chacun d'eux ou défini au niveau de l'entreprise ". Il résulte de ces énonciations qu'en absence d'un accord collectif, l'employeur est bien tenu d'établir unilatéralement un plan destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise. La société requérante ne peut donc, en toute hypothèse, invoquer ces énonciations pour soutenir qu'elle échapperait à cette obligation.

14. Il résulte des points 7 à 13 que la DIRECCTE d'Ile-de-France n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la société Max Mara, bien que dépourvue de représentation syndicale, était soumise à l'obligation d'établir un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

En ce qui concerne la conformité du plan établi par la société :

15. Aux termes de l'article R. 2242-2 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce : " L'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action prévu au 2° de l'article L. 2242-8 fixe les objectifs de progression et les actions permettant de les atteindre portant sur au moins trois des domaines d'action mentionnés au 1° bis de l'article L. 2323-8 pour les entreprises de moins de 300 salariés et sur au moins quatre des domaines mentionnés au 1° bis de l'article L. 2323-8 pour les entreprises de 300 salariés et plus. Ces objectifs et ces actions sont accompagnés d'indicateurs chiffrés. / La rémunération effective est obligatoirement comprise dans les domaines d'action retenus par l'accord collectif ou, à défaut, le plan d'action mentionnés au premier alinéa ". Aux termes de l'article L. 2323-8 du même code dans sa version applicable à l'espèce : " Une base de données économiques et sociales, mise régulièrement à jour, rassemble un ensemble d'informations que l'employeur met à disposition du comité d'entreprise et, à défaut, des délégués du personnel ainsi que du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. (...) Les informations contenues dans la base de données portent sur les thèmes suivants : (...)1° bis Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de l'entreprise : diagnostic et analyse de la situation comparée des femmes et des hommes pour chacune des catégories professionnelles de l'entreprise en matière d'embauche, de formation, de promotion professionnelle, de qualification, de classification, de conditions de travail, de sécurité et de santé au travail, de rémunération effective et d'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, analyse des écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de l'âge, de la qualification et de l'ancienneté, évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l'entreprise, part des femmes et des hommes dans le conseil d'administration (...) ".

16. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la mise en demeure reçue le 21 octobre 2016, la société Max Mara a adressé à l'inspection du travail le 26 décembre 2016 un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il ressort de ce plan d'action versé au dossier que les actions ne portaient que sur deux domaines, le recrutement et les mesures visant à concilier vie familiale et vie professionnelle et que s'agissant du domaine de la rémunération, l'employeur s'est borné à mentionner que " dans le cadre de ces objectifs généraux, l'entreprise veillera tout particulièrement à assurer l'équivalence des rémunérations entre les femmes et les hommes " sans prévoir d'actions spécifiques en matière d'égalité de rémunération. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, son plan d'action ne peut être regardé comme comportant des actions en matière de rémunération. Il ressort des dispositions précitées de l'article R. 2242-2 du code du travail que le domaine d'action de la rémunération doit être obligatoirement traité par le plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son plan d'action respectait les exigences réglementaires. Par suite, la DIRECCTE d'Ile-de-France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la société Max Mara n'a pas respecté les obligations lui incombant en matière de mise en œuvre d'un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

17. Il ressort des dispositions de l'article L. 2242-8 du code du travail dans sa version applicable en l'espèce et citées au point 7 que le plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est un plan annuel. Par suite, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur de droit en relevant, le 12 avril 2017, que le plan d'action de la société Max Mara était entaché d'illégalité car établi pour une durée supérieure à un an.

18. Il résulte des points 7 à 17 que la DIRECCTE d'Ile-de-France n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en estimant que la société Max Mara ne respectait pas ses obligations en matière de mise en œuvre d'un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en prenant la décision du 16 mai 2017 de lui infliger la pénalité financière prévue à l'article L. 2242-5-1 du code du travail.

En ce qui concerne le montant de la pénalité :

19. Aux termes de l'article R. 2242-7 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce : " La pénalité mentionnée à l'article L. 2242-9 est calculée sur la base des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou du premier alinéa de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime versés pour chaque mois entier à compter du terme de la mise en demeure mentionnée à l'article R. 2242-3. Elle est due jusqu'à la réception par l'inspection du travail de l'accord relatif à l'égalité professionnelle ou du plan d'action mentionnés au 2° de l'article L. 2242-8 ".

20. Postérieurement à la décision du 16 mai 2017, la société Max Mara a modifié son plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à trois reprises le 29 juin 2017, le 21 novembre 2018 et le 25 février 2019. Par des décisions respectivement prises le 18 juillet 2017, le 19 décembre 2018 et le 3 avril 2019, l'inspecteur du travail a considéré que ce plan d'action n'était toujours pas conforme aux obligations légales pesant sur la société dès lors qu'il ne comportait pas les objectifs de progression accompagnés d'actions et d'indicateurs chiffrés et qu'il avait vocation à viser les effectifs de salariés des filières administratives et commerciales de la société et excluait le personnel de vente à la clientèle. Dans ces conditions, le 3 avril 2019, l'inspecteur du travail a informé la DIRECCTE de ces manquements en vue du maintien de la pénalité financière. Il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 27 septembre 2021 de l'inspectrice du travail, que la société Max Mara n'a été couverte par un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes conforme aux dispositions de l'article R. 2242-2 du code du travail, qu'à compter du 27 juillet 2021.

21. La société requérante soutient que les manquements qui lui ont été opposés par la DIRECCTE d'Ile-de-France dans sa décision du 16 mai 2017 ont été régularisés par le plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes qu'elle a présenté le 29 juin 2017 et que dans ces conditions, conformément notamment à la circulaire du 28 octobre 2011 relative à la mise en œuvre du dispositif de pénalité financière en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, cette régularisation entraîne l'annulation de la pénalité financière. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ce n'est qu'à compter du 27 juillet 2021, c'est-à-dire plus de quatre ans après la mise en demeure de l'administration reçue le 21 octobre 2016 de mettre en œuvre un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, que la société requérante a enfin mis en place un plan d'action conforme à l'ensemble de ses obligations. Dans ces conditions, la société Max Mara n'est pas fondée à soutenir que son plan d'action aurait été régularisé dès juin 2017. Il résulte des dispositions de l'article R. 2242-7 du code du travail citées au point 19 que la pénalité est due jusqu'à la réception par l'inspection du travail du plan d'action. Il s'ensuit que la société requérante était redevable de la pénalité à la date de l'émission du titre de perception le 15 avril 2019. En tout état de cause, selon les termes de la circulaire du 28 octobre 2011, ce n'est que lorsque l'entreprise a régularisé sa situation avant ou à l'échéance du délai de six mois à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée, que la pénalité financière n'est pas appliquée. Il s'ensuit que la DIRECCTE d'Ile-de-France n'a commis aucune erreur de droit en maintenant la pénalité financière infligée à la société Max Mara.

22. Aux termes de l'article R. 2242-8 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi adresse à l'employeur qui n'a pas rempli les obligations en matière d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes définies à l'article L. 2242-9, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une notification motivée du taux de la pénalité qui lui est appliqué, dans le délai d'un mois à compter de la date d'expiration de la mise en demeure prévue à l'article R. 2242-3, et lui demande de communiquer en retour le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité conformément à l'article R. 2242-7 dans le délai d'un mois. A défaut, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale par mois compris dans la période mentionnée à l'article R. 2242-7./ Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi établit un titre de perception et le transmet au trésorier-payeur général qui en assure le recouvrement comme en matière de créance étrangère à l'impôt et au domaine ".

23. La société requérante soutient que le montant de sa masse salariale étant de 6 340 933 euros, le montant de la pénalité ne pouvait pas être supérieur à 31 704 euros. Toutefois, elle n'établit pas le montant de sa masse salariale. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que le montant des gains et rémunérations servant de base au calcul de la pénalité n'ayant pas été communiqué à l'administration, la pénalité infligée à la société Max Mara a été calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la sécurité sociale en application de l'article R. 2242-8 du code du travail. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne saurait utilement revendiquer le bénéfice de dispositions qui n'étaient pas applicables à la situation dans laquelle elle s'était placée, n'est pas fondée à solliciter une réduction du montant de la pénalité qui lui a été infligée.

24. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation du titre perception émis le 15 avril 2019 doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Max Mara au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2011919, 2016606/3-3 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation du titre de perception du 15 avril 2019 présentées par la société Max Mara.

Article 2 : Les conclusions de la société Max Mara présentés devant le tribunal administratif de Paris tendant à l'annulation du titre de perception du 15 avril 2019 et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Max Mara et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05558 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05558
Date de la décision : 29/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ELLENBERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-29;22pa05558 ?
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