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07/05/2024 | FRANCE | N°24PA01832

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 07 mai 2024, 24PA01832


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 19 avril 2024, la Fédération BATI MAT TP CFTC, représentée par la SELARL Hestia, agissant par Me Bertrand, demande au juge des référés :



1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 19 février 2024 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés, jusqu'à ce qu'il soit statué au fon

d sur sa légalité ;



2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2024, la Fédération BATI MAT TP CFTC, représentée par la SELARL Hestia, agissant par Me Bertrand, demande au juge des référés :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 19 février 2024 par lequel la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la condition tenant à l'urgence est satisfaite dès lors que :

- cet arrêté a pour conséquence de la priver mécaniquement du financement qui devrait lui revenir, notamment s'agissant du financement du dialogue social au sein de cette branche et de la répartition de la collecte dont la CFTC doit pourtant, tout comme la CFE-CGC, pouvoir bénéficier ;

- le maintien de cet arrêté est de nature à créer un précédent s'agissant du mode de calcul de la représentativité de la CFE-CGC qui ne correspond en rien aux suffrages véritablement exprimés et qui sera source de confusion et d'incohérence dans le secteur du bâtiment ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée dès lors que :

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que les formalités de consultation du Haut Conseil du dialogue social ont été respectées ;

- les services du ministre du travail ayant opté pour une mesure de calcul qui a pour conséquence de survaloriser la représentation de la CFECGC BTP sans que cela ne corresponde véritablement aux suffrages valablement exprimés, la méthode de calcul est contestable.

Vu :

- la requête, enregistrée sous le n° 24PA01814 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Vu la décision du 2 janvier 2024 par laquelle la présidente de la cour a désigné Mme A... pour statuer en qualité de juge des référés et juge d'appel des référés.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". L'article L. 522-3 du même code dispose que : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. L'accord portant organisation de la négociation collective dans le bâtiment pour les salariés employés dans les entreprises occupant jusqu'à dix salariés, conclu le 25 janvier 1994 entre la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et cinq organisations syndicales représentatives des salariés de la branche d'activité concernée, a été étendu par un arrêté du 10 juin 1994. Un avenant du 4 mai 1995, étendu par un arrêté du 22 juillet 1995, organise un financement de la négociation collective dans le champ de l'accord. Par un avenant n° 4 du 25 juin 2018, la CAPEB et les organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés ont entendu modifier cet accord pour tirer les conséquences de l'arrêté du 20 juillet 2017 fixant la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans ce champ. Par un arrêt du 10 février 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé la suspension par la Cour d'appel de Paris de l'avenant n° 4, faute d'arrêté du ministre chargé du travail, pris en application de l'article L. 2122-11 ou de l'article L. 2121-2 du code du travail, déterminant les organisations représentatives dans le champ de cet accord pour permettre aux partenaires sociaux souhaitant négocier de s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation. Par un arrêt n° 21PA02251 du 21 juillet 2023, la cour a enjoint au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion de prendre, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cet arrêt, un arrêté déterminant la liste des organisations syndicales de salariés reconnues comme représentatives dans le périmètre des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés. Par l'arrêté du 19 février 2024, dont la suspension est demandée, la ministre du travail a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés,

4. Pour justifier de l'urgence à suspendre les effets de cet arrêté, la fédération requérante soutient qu'il a pour effet de la priver de la part du financement du dialogue social au sein de la branche qui devrait lui revenir. Toutefois, si l'adoption de l'arrêté du 19 février 2024 rend possible l'ouverture de négociations sur un nouvel avenant à l'accord du 25 janvier 1994, et notamment sur le financement de la négociation collective dans le champ de l'accord, la fédération ne donne aucune précision sur l'engagement ou l'état d'avancement de telles négociations. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme démontrant que l'arrêté dont la suspension est demandée implique, à brève échéance, les conséquences financières dont elle fait état. Si elle indique par ailleurs, qu'en sollicitant la prise de cet arrêté, la CAPEB avait notamment pour objectif de réduire le nombre des organisations syndicales représentatives et de pouvoir échapper à nombre de ses obligations dans le cadre des différents contentieux actuellement pendants devant différentes juridictions, et notamment devant le tribunal judiciaire de Paris, cette affirmation est dépourvue de toute précision permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé et ne saurait caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions citées au point 1. Si elle indique enfin que, alors que le mode de calcul de la représentativité de la CFE-CGC qui a été retenu ne correspondrait nullement, selon elle, aux suffrages véritablement exprimés, le maintien de cet arrêté serait de nature à créer un précédent à l'origine de confusion et d'incohérence dans le secteur du bâtiment, les éléments dont elle fait ainsi état ne caractérisent pas davantage l'urgence qui s'attacherait à la suspension des effets de l'arrêté qu'elle conteste.

5. Dans ces conditions, les éléments avancés ne permettent pas de regarder la condition relative à l'urgence, telle qu'exigée par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, comme étant satisfaite.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, qu'il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension présentées par la fédération BATI MAP TP CFTC par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative. Les conclusions qu'elle présente au titre des frais d'instance ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Fédération BATI MAT TP CFTC est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Fédération BATI MAT TP CFTC.

Copie en sera adressée, pour information, à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Fait à Paris, le 7 mai 2024.

La juge des référés,

A. A...

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01832 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Numéro d'arrêt : 24PA01832
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : HESTIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;24pa01832 ?
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