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12/04/2022 | FRANCE | N°20TL01015

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 12 avril 2022, 20TL01015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 19 octobre 2017 rejetant sa demande de détachement dans le corps des agents techniques de l'environnement ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800677 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 19 octobre 2017 rejetant sa demande de détachement dans le corps des agents techniques de l'environnement ainsi que la décision rejetant implicitement son recours gracieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800677 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2020, et un mémoire enregistré le 10 mai 2021 sous le n°20MA01015 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL01015, M. B..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, agissant par Me Lemoine, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) avant dire droit, d'ordonner une expertise psychotechnique ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 décembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 19 octobre 2017 rejetant sa demande de détachement dans le corps des techniciens de l'environnement et le rejet implicite de son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête de première instance a été introduite dans les délais de recours contentieux, son recours gracieux a en effet été réceptionné le 13 novembre 2017 ce qui a eu pour effet de prolonger le point de départ du délai de recours contentieux ;

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu leur office en procédant à la substitution de la base légale qui fondait la décision du 19 octobre 2017, sans s'être assurés que cette substitution ne le privait pas d'une garantie, alors que l'absence de motivation de la décision du 19 octobre 2017 et le fait qu'il n'ait pas été destinataire des résultats d'un test psychotechnique l'ont privé d'une telle garantie ;

- ils n'ont pas motivé les raisons pour lesquelles l'auteur de la décision était en situation de compétence liée ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la décision n'avait pas à être motivée ;

En ce qui concerne le bien-fondé :

- l'auteur de la décision n'était pas en compétence liée ;

- la base légale de la décision est erronée, l'article 8 du décret du 5 juillet 2001 ayant été abrogé au 3 août 2016 ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été soumise au respect du principe du contradictoire ;

- l'examen psychotechnique n'a pas été réalisé de manière impartiale ;

- il a été réalisé dans des conditions irrégulières ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses capacités à exercer la fonction.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les conclusions de la requête de première instance dirigées contre la décision du 19 octobre 2017 et celle rejetant le recours gracieux sont irrecevables car tardives et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 mai 2021 à 12 heures.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n°2001-585 du 5 juillet 2001;

- le décret n° 2016-1084 du 3 août 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lemoine réprésentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir effectué une première carrière en qualité de militaire, M. B... a exercé des fonctions d'agent technique forestier au service des espaces naturels de la commune de Nîmes (Gard). Il a ensuite sollicité un détachement dans le corps des agents techniques de l'environnement, mais sa demande a été rejetée le 19 octobre 2017 par la ministre de la transition écologique et solidaire, de même qu'a été implicitement rejeté le recours gracieux qu'il a formé le 12 novembre 2017 contre cette décision. M. B... relève appel du jugement n° 1800677 du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges ont indiqué au point 4 de leur jugement les raisons pour lesquelles les conditions pour procéder à une substitution de base légale étaient remplies. Ils n'ont pas, ce faisant, méconnu leur office. Si M. B... soutient que la substitution de base légale à laquelle ont procédé les premiers juges l'aurait privé d'une garantie, ce moyen, qui relève du bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.

3. En deuxième lieu, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en indiquant aux points 5 et 6 les motifs de droit et de fait pour lesquels ils estimaient que l'autorité administrative était en situation de compétence liée pour refuser la demande de M. B... et les conséquences qu'ils en tiraient sur l'opérance des moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de la méconnaissance du principe du contradictoire. L'erreur qu'ils auraient commise en estimant que la ministre était en situation de compétence liée et ses conséquences sur l'opérance des moyens tirés des vices de procédure, ont trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.

4. Par suite, les moyens tirés de ce que ce jugement serait irrégulier ne peuvent qu'être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 du décret du 5 juillet 2001 susvisé, dans sa version applicable du 6 juillet 2001 au 3 mai 2007 : " Les agents techniques recrutés en application du 1° [concours externe] et du 2° [concours interne] de l'article 6 du présent décret et qui ont satisfait aux épreuves d'un examen psychotechnique sont nommés agents techniques stagiaires par arrêté du ministre chargé de l'environnement et accomplissent un stage d'une année effectué pour partie en centre de formation.(...). L'examen psychotechnique mentionné à l'alinéa précédent est destiné à déceler les inaptitudes éventuelles à exercer des missions de police et à porter une arme. Il est réalisé par l'un des organismes habilités à cet effet par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. ". Le même article dispose, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-655 du 30 avril 2007 : " I. Les agents techniques recrutés en application du 1° et du 2° de l'article 6 sont nommés agents techniques stagiaires par arrêté du ministre chargé de l'environnement. / II. La nomination est subordonnée à un test psychotechnique, destiné à vérifier l'aptitude à exercer des missions de police et à porter une arme. Ce test est réalisé par l'un des organismes habilités à cet effet par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. ".

6. En deuxième lieu, aux termes du cinquième alinéa de l'article 6 du même décret dans sa version modifiée par le décret n° 2016-1084 du 3 août 2016, applicable à compter du 1er janvier 2017 : " (...) La nomination est subordonnée à un test psychotechnique destiné à vérifier l'aptitude à exercer des missions de police et à porter une arme. Ce test est réalisé par l'un des organismes habilités à cet effet par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. ". Aux termes de l'article 14 du même décret dans sa version modifiée par le décret n° 2016-1084 du 3 août 2016, applicable à compter du 1er janvier 2017 : " Pour être détachés ou directement intégrés dans le corps des agents techniques de l'environnement, les candidats doivent également remplir les conditions prévues aux quatrième et cinquième alinéas de l'article 6 (...) ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 6 que la nomination d'un candidat à un détachement ou une intégration directe dans le corps des agents techniques de l'environnement est subordonnée à son aptitude à exercer des missions de police et porter une arme, laquelle est appréciée au vu des résultats d'un test psychotechnique réalisé par un organisme habilité par arrêté du ministre chargé de la fonction publique. L'administration ne peut ainsi que refuser de procéder à la nomination d'un candidat au détachement dont les résultats au test psychotechnique révèlent une inaptitude à l'exercice des fonctions de technicien de l'environnement.

8. La ministre de la transition écologique a refusé le détachement de M. B... dans le corps des agents techniques de l'environnement au motif que l'intéressé n'a pas satisfait à l'" examen " psychotechnique destiné à vérifier l'aptitude à exercer des missions de police et porter une arme, qui conditionne la nomination en qualité de technicien stagiaire en application de l'article 8 du décret 2001-585 du 5 juillet 2001. Or il est constant que cet article a été abrogé à compter du 1er janvier 2017 par l'article 24 du décret 2016-1084 du 3 août 2016. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

9. En l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les dispositions combinées des articles 6 et 14 du décret du 5 juillet 2001 telles qu'applicables au 1er janvier 2017. Ces dispositions sont de portée équivalente à celles de l'article 8 abrogées à la date du 1er janvier 2017, qui subordonnaient de la même manière la nomination dans le corps des agents technique à l'aptitude du candidat à exercer des missions de police et porter une arme, au résultat d'un test psychotechnique effectué par un organisme habilité par arrêté du ministre chargé de la fonction publique, et non plus d'un examen psychotechnique comme dans sa version antérieure à 2007. Si l'arrêté du 31 janvier 2018 fixant la nature et le programme des épreuves des concours externe et interne pour le recrutement des agents techniques de l'environnement, au demeurant postérieur à la décision litigieuse, prévoit que les résultats de ces tests sont communiqués aux membres du jury en vue de l'épreuve d'entretien, cette communication apporte un éclairage pour les seuls candidats qui ont obtenu un avis favorable au test, un avis défavorable ne permettant pas de figurer sur la liste des candidats admissibles. Cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver M. B... d'une garantie et l'administration disposait dans les deux cas du même pouvoir d'appréciation. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut ainsi qu'être écarté.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, l'administration ne peut que refuser de procéder à la nomination d'un candidat au détachement dans le corps des agents techniques dont les résultats du test psychotechnique révèlent une inaptitude à l'exercice des fonctions de technicien de l'environnement. Pour contester les résultats de ce test, le candidat peut se prévaloir de sa pertinence ou de ses modalités de réalisation mais ne peut utilement se prévaloir d'éléments étrangers à cette procédure dont des comptes rendus d'examens médicaux réalisés à son initiative.

11. Pour contester les résultats défavorables du test qu'il a subi, M. B... soutient que le psychologue a adopté une attitude partiale lors de l'entretien. Toutefois, ni le bilan psychologique établi le 30 octobre 2017 par un psychologue clinicien expert près de la cour d'appel de Nîmes, ni l'attestation rédigée le 26 octobre 2017 à la suite d'un examen effectué par un autre psychologue clinicien ou le compte rendu d'examen psychologique individuel réalisé le 31 octobre 2017 par un psychothérapeute expert auprès de la cour d'appel, ne sont de nature à établir que le psychologue aurait fait preuve de partialité à son égard, pas plus que la circonstance que le psychologue qui a réalisé le test aurait indiqué que la présence de M. B... à l'examen n'était pas équitable, qui n'est pas établie par les pièces du dossier, ou celle selon laquelle sa sélection au sein des fusiliers commando marine ou ses différentes expériences professionnelles n'auraient pas été abordées.

12. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M B... a été invité, par convocation du 4 aout 2017, à se présenter le 13 septembre 2017 au ministère de la transition écologique et solidaire pour y subir sur place l'épreuve de test psychotechnique. Contrairement à ce qu'indique l'appelant, ce test n'a pas été réalisé par visioconférence. Si M. B... a par la suite été convoqué pour un entretien par visioconférence avec un psychologue, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet entretien aurait été de nature à modifier les résultats défavorables du test qui, ainsi qu'il a été dit, impliquent que sa candidature, de même que celle des candidats dans une situation identique à la sienne, ne pouvait être retenue. Il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier que des candidats qui auraient obtenu des résultats défavorables au test psychotechnique auraient finalement été retenus. Par suite, M B..., n'est pas fondé à soutenir que le test psychotechnique aurait été réalisé dans des conditions irrégulières.

13. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, et notamment des bilans et études psychologiques transmis par M. B... et réalisés à sa demande dont l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, que les résultats du test psychotechnique seraient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Compte tenu de ce qui précède et dès lors que les résultats au test psychotechnique n'avaient pas permis de s'assurer de son aptitude à exercer des missions de police et à porter une arme, la ministre de la transition écologique et solidaire ne s'est pas méprise sur l'étendue de sa compétence en s'estimant tenue de rejeter la demande de M. B....

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, et sans qu'il soit besoin non plus d'examiner la recevabilité de la requête de première instance de M. B..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20TL01015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL01015
Date de la décision : 12/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Détachement et mise hors cadre. - Détachement. - Conditions du détachement.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-04-12;20tl01015 ?
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