La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2022 | FRANCE | N°21TL03322

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 21 juin 2022, 21TL03322


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 16 octobre 2019 par laquelle le préfet de Vaucluse a prononcé la déchéance totale de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et lui a demandé le remboursement de la dotation jeune agriculteur d'un montant de 12 650 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904315

du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 16 octobre 2019 par laquelle le préfet de Vaucluse a prononcé la déchéance totale de ses droits aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et lui a demandé le remboursement de la dotation jeune agriculteur d'un montant de 12 650 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 600 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904315 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2019 du préfet de Vaucluse prononçant la déchéance des droits de M A... aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 5 août 2021 sous le n°21MA03322 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL03322, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1904315 du 8 juin 2021;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- le tribunal a retenu de manière erronée que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour prononcer la déchéance des droits aux aides à l'installation de M. A... ;

- l'article 4 du règlement CEE, Euratom n°2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés européennes prévoit que toute irrégularité doit entraîner, en règle générale, le retrait de l'avantage indûment obtenu et la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJUE, 5 juin 2012, Bonda, aff. C489/10) que toute violation d'une disposition du droit de l'Union résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou qui aurait pour effet de porter préjudice au budget général de l'Union ou à des budgets gérés par celle-ci est qualifiée d'irrégularité et donne lieu à l'application de mesures de sanctions administratives ;

- le contrôle administratif du plan de développement de l'exploitation a montré que M. A... a perçu une revenu professionnel global moyen supérieur à trois fois le montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance net sur les cinq ans de mise en œuvre du plan de développement de l'exploitation de sorte que les conditions prévues par l'article D.343-12 du code rural et de la pêche maritime n'étaient plus remplies, ce qui constitue une irrégularité au sens du règlement 2988/95 ;

- les dispositions de l'article D.343-18-1 du code rural et de la pêche maritime ne font exception à l'application de la déchéance que lorsque la situation de l'agriculteur bénéficiaire des aides à l'installation résulte d'un cas de force majeure, qui dans le domaine agricole doit être entendu dans le sens de circonstances étrangères à l'opérateur, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n'auraient pu être évitées malgré les diligences déployées ;

- le préfet ayant constaté cette irrégularité, dont l'origine ne se trouve pas dans un cas de force majeure, n'avait aucune marge de manœuvre pour mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par l'article D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime et devait en tirer, le cas échéant, les conséquences en prononçant la déchéance totale de l'aide ;

- la lettre 18 août 2019 de M. A... justifiant les anomalies constatées lors du contrôle administratif et notamment son revenu professionnel global moyen ne remet pas en cause le constat fait lors du contrôle et ne faisait état d'aucun cas de force majeure.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, M. B... A..., représenté par la SCP d'avocats Lemoine Clabeaut, conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative exerce son pouvoir d'appréciation et même, le cas échéant, exclut la répétition d'une aide indument versée en prenant en compte des critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de l'enrichissement sans cause, l'écoulement d'un délai ou un comportement de l'administration elle-même.

Par une ordonnance du 15 avril 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 10 mai 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

- le règlement (CE) n° 817/2004 du 29 avril 2004 portant modalités d'application du règlement (CE) n°2157/1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA ;

- le règlement (CE) n° 1974/2006 du 15 décembre 2006 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n°2016-1141 du 22 août 2016 ;

- l'arrêté du 13 janvier 2009 du ministre de l'agriculture et de la pêche relatif au contenu du plan de développement de l'exploitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lemoine, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 16 octobre 2019, le préfet de Vaucluse a prononcé la déchéance des droits de M. A... aux aides à l'installation des jeunes agriculteurs et lui a demandé de rembourser la " dotation jeune agriculteur " d'un montant de 12 650 euros qui lui avait été attribuée par arrêté du 29 mars 2013. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation relève appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision.

2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles D. 343-3, D. 343-12 et D. 343-18-2 du code rural et de la pêche maritime, dans leur version applicable en vertu de l'article 2 du décret 22 août 2016 susvisé, que lorsqu'il constate, au terme de la cinquième année suivant son installation, que la moyenne du revenu professionnel global du jeune agriculteur est supérieure à trois fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, net de prélèvements sociaux, le préfet n'est pas tenu de prononcer la déchéance des aides et doit apprécier les éléments dont fait état le bénéficiaire pour justifier du dépassement de ce seuil.

3. En deuxième lieu, les dispositions de l'article D.343-18-1 du code rural et de la pêche maritime, dans leur rédaction résultant du décret du 22 août 2016, imposant la déchéance totale ou partielle des aides " sauf lorsque la situation du bénéficiaire résulte d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles au sens du 2 de l'article 2 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune ", ne sont pas applicables aux décisions prises comme en l'espèce avant le 1er janvier 2015.

4. En troisième lieu, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 21 septembre 1983 Deutsche Milchkontor et autres (C-205/82 à C-215/82) et du 12 mai 1998 Steff-Houlberg Export et autres (C-366/95), les modalités de récupération d'une aide indûment versée sur le fondement d'un texte de l'Union européenne sont soumises aux règles de droit national, sous réserve que l'application de ces règles se fasse de façon non discriminatoire au regard des procédures visant à trancher des litiges nationaux du même type et qu'elle ne porte pas atteinte à l'application et à l'efficacité du droit de l'Union ou n'ait pas pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées. En particulier, le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale exclue la répétition d'une aide indûment versée en prenant en compte des critères tels que la protection de la confiance légitime, la disparition de l'enrichissement sans cause, l'écoulement d'un délai ou un comportement de l'administration elle-même, que celle-ci est en mesure d'éviter.

5. Il ne ressort pas des dispositions alors applicables du code rural et de la pêche maritime citées au point 2 que la règle de droit national ait pour effet de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la récupération des sommes octroyées et doive être écartée ou interprétée, afin que la pleine efficacité du droit de l'Union soit assurée. Par suite, le préfet n'était pas en compétence liée au motif que chaque Etat membre se trouve dans l'obligation de récupérer une aide indûment versée en application du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 qui prévoit notamment, à son article 4, que " 1. Toute irrégularité doit entraîner, en règle générale, le retrait de l'avantage indument obtenu ".

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 16 octobre 2019.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre de l'agriculture et de l'alimentation est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

C. Arquié

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL03322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03322
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-06-21;21tl03322 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award