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05/07/2022 | FRANCE | N°21TL02647

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 05 juillet 2022, 21TL02647


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n°1903160, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le maire de Nîmes l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de cinq jours à titre de sanction disciplinaire ;

- sous le n° 1900756, d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le maire de Nîmes l'a suspendu de ses fonctions à compter du 10 décembre 2018 ainsi que l'arrêté du 11 janvier 2019 rectifiant celui du 7 novembre 2018.

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ar des jugements n° 1903160 et n°1900756 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rej...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- sous le n°1903160, d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le maire de Nîmes l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de cinq jours à titre de sanction disciplinaire ;

- sous le n° 1900756, d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le maire de Nîmes l'a suspendu de ses fonctions à compter du 10 décembre 2018 ainsi que l'arrêté du 11 janvier 2019 rectifiant celui du 7 novembre 2018.

Par des jugements n° 1903160 et n°1900756 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 29 janvier 2022, sous le n°21MA02646, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02646, M. A... D..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1903160 du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 juillet 2019 par lequel le maire de Nîmes l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de cinq jours à titre de sanction disciplinaire :

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- son dossier disciplinaire était incomplet lors de l'entretien qui s'est tenu le 14 mars 2019 avec la direction des ressources humaines ; le témoignage du responsable de l'atelier, qui serait intervenu en fin d'altercation, ne figurait pas au dossier ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; les deux agents dont le témoignage a été recueilli avaient préalablement lu le rapport rédigé par leur hiérarchie de sorte que leurs témoignages ne peuvent être retenus à l'appui de la sanction ; son supérieur hiérarchique n'a pas été témoin de l'altercation et n'a pas entendu les propos tenus ; l'enregistrement de la fin de l'altercation qu'il a transmis au service des ressources humaines n'a pas été examiné ;

- la commune a souhaité retenir des faits similaires qui se seraient produits en 2018 alors qu'il était affecté au ..., lesquels n'ont pas fait l'objet de poursuite disciplinaire ;

- la règle de non bis in idem a été méconnue, les faits de 2018 qui lui sont reprochés n'étant pas susceptibles d'être invoqués pour justifier le quantum de la sanction ;

- la sanction qui lui est infligée présente un caractère disproportionné.

Par des mémoires en défense enregistrés le 19 novembre 2021 et le 15 mars 2022, la commune de Nîmes, représentée par la Selarl Maillot avocats et associés agissant par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2022 à 12 heures.

II. Par une requête enregistrée le 5 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 29 janvier 2022, sous le n°21MA02647, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL02647, M. A... D..., représenté par la SCP Lemoine Clabeaut, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1900756 du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2018 par lequel le maire de Nîmes l'a suspendu de ses fonctions à compter du 10 décembre 2018 ainsi que l'arrêté rectificatif du 11 janvier 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son dossier disciplinaire était incomplet lors de l'entretien qui s'est tenu le 14 mars 2019 avec la direction des ressources humaines ; le témoignage du responsable de l'atelier, qui serait intervenu en fin d'altercation, ne figurait pas au dossier ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; les deux agents dont le témoignage a été recueilli avaient préalablement lu le rapport rédigé par leur hiérarchie de sorte que leurs témoignages ne peuvent être retenus à l'appui de la sanction ; son supérieur hiérarchique n'a pas été témoin de l'altercation et n'a pas entendu les propos tenus ; l'enregistrement de la fin de l'altercation qu'il a transmis au service des ressources humaines n'a pas été examiné ;

- l'arrêté ne comporte aucune limite de durée alors qu'une mesure de suspension ne peut dépasser quatre mois.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2021, la commune de Nîmes, représentée par la Selarl Maillot avocats et associés agissant par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D... d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... B..., premère conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lemoine pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., agent de maîtrise principal, a été suspendu de ses fonctions du 10 décembre 2018 au 9 avril 2019 par un arrêté date du 7 novembre 2018, date rectifiée comme étant celle du 7 décembre 2018 par arrêté modificatif du 11 janvier 2019 du maire de Nîmes. Puis par arrêté du 24 juillet 2019, la même autorité l'a exclu de ses fonctions pour une durée de cinq jours à titre de sanction disciplinaire. M. D... relève appel des jugements du 6 mai 2021 par lesquels le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Les requêtes n°21TL02646 et n°21TL02647 concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements contestés :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de suspension :

2. Une mesure de suspension de fonctions ne peut être prononcée à l'encontre d'un fonctionnaire que lorsque les faits imputables à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité et que l'éloignement de l'intéressé se justifie au regard de l'intérêt du service. Eu égard à la nature conservatoire d'une mesure de suspension et à la nécessité d'apprécier, à la date à laquelle cet acte a été pris, la condition tenant au caractère vraisemblable des faits, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de statuer au vu des informations dont disposait effectivement l'autorité administrative au jour de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier que pour édicter la décision de suspension litigieuse, le maire de Nîmes s'est fondé sur le rapport du 3 décembre 2018 du supérieur hiérarchique de M. D..., lequel retranscrivait les évènements qui se sont produits le 20 novembre 2018 tels qu'ils lui ont été rapportés par le collègue de travail pris à partie par M. D..., mais aussi par les deux autres collègues présents au moment de l'altercation, dont il ressortait que l'intéressé a vivement interpellé son collègue de travail dans l'atelier de ... lui proposant de se battre et l'a menacé de mort annonçant qu'il pourrait lui tirer une balle dans la tête. La circonstance que le témoignage du chef d'atelier ne figurait pas dans le dossier disciplinaire lors de l'entretien du 14 décembre 2018, alors que ce témoignage n'est pas visé par le rapport du 3 décembre 2018, ou celle supplémentaire, que les deux agents témoins de l'altercation aient lu, préalablement au recueil écrit de son témoignage pour l'un et à son courriel de confirmation pour l'autre, le rapport administratif rédigé par leur supérieur hiérarchique lequel retranscrivait les évènements qui se sont produits le 20 novembre 2018 tels qu'ils lui ont été rapportés, qui sont postérieurs à la décision de suspension, sont à cet égard sans incidence. Ces faits, précis et circonstanciés présentaient, à la date du 7 décembre 2018 à laquelle la suspension a été prononcée par le maire de Nîmes, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier qu'une telle mesure soit prise dans l'intérêt du service. Dès lors, c'est sans entacher sa décision d'erreur de fait ou d'erreur d'appréciation, que le maire de Nîmes l'a suspendu de ses fonctions.

4. Enfin, à l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté ne mentionne pas que la durée de la suspension ne saurait excéder quatre mois, M. D... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif au point 6 du jugement. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

5. Il résulte de ce qui précède que M D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 1900756, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté le suspendant de ses fonctions.

En ce qui concerne la légalité de la sanction disciplinaire :

6. L'arrêté du 24 juillet 2019 vise les textes dont il fait application et indique de manière suffisamment précise les griefs retenus à l'encontre de M D..., qui a ainsi pu connaître, à sa seule lecture, les motifs de l'exclusion temporaire de cinq jours prononcée à son encontre Contrairement à ce qu'affirme l'intéressé, il ne reprend pas en des termes identiques l'arrêté du 7 novembre 2018 le suspendant de ses fonctions et n'est pas stéréotypé. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté.

7. M. D... a été informé, le 25 février 2019, de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, des faits qui lui sont reprochés, de la possibilité d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. S'il soutient en appel que lors de l'entretien disciplinaire qui s'est tenu le 14 mars 2019 avec la directrice des ressources humaines, son dossier disciplinaire ne comportait pas le témoignage du chef d'atelier réalisé deux jours auparavant, il est constant qu'il en a alors eu connaissance et qu'une remise en main propre de ce document lui a été proposée. M. D... a par ailleurs été informé que ce témoignage serait intégré à son dossier disciplinaire. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'en se fondant sur une pièce dont il n'aurait pas eu connaissance, la sanction serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.

8. M. D... a été exclu de ses fonctions pour une durée de cinq jours à titre de sanction disciplinaire au motif que, le 20 novembre 2018, il a vivement interpellé son collègue de travail dans l'atelier de ... lui proposant de se battre et l'a menacé de mort annonçant qu'il pourrait lui tirer une balle dans la tête. Contrairement à ce qu'indique M D..., il ne résulte ni des termes de l'arrêté attaqué, ni des pièces du dossier, que la commune se soit appuyée sur des faits précédents qui se seraient produits alors qu'il était affecté au ... et n'ayant pas donné lieu à sanction, pour regarder ceux ayant motivé la sanction du 24 juillet 2019 comme établis. La sanction a été prise à la suite du rapport rédigé par le supérieur hiérarchique de M. D... et après une enquête administrative menée par la direction des ressources humaines. Elle repose sur le témoignage du collègue de travail interpellé par M. D..., ainsi que celui d'un autre collègue présent au moment de l'altercation et la confirmation par courriel de ces éléments par une troisième fonctionnaire également présente au moment des faits. La circonstance que ces deux agents aient lu, préalablement au recueil écrit de son témoignage pour l'un et de son courriel de confirmation pour l'autre, le rapport administratif rédigé par leur supérieur hiérarchique lequel retranscrivait les évènements qui se sont produits le 20 novembre 2018 tels qu'ils lui ont été rapportés, et qu'ils aient, entre autre, indiqué confirmer les éléments mentionnés dans ce rapport, n'est pas de nature à faire regarder les évènements rapportés comme n'étant pas établis. Si l'intéressé soutient également qu'il a transmis à la direction des ressources humaines préalablement à l'entretien du 14 mars 2019 un enregistrement audio de la fin de l'altercation qui n'a été ni ouvert ni écouté, il ne soutient, ni n'établit, que son contenu serait de nature à infirmer la matérialité des faits qui lui sont reprochés, qui doivent être regardés, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, comme établis. Eu égard à la nature des propos tenus par M. D... et à son comportement violent, l'exclusion temporaire de fonction pour une durée de cinq jours prononcée à titre de sanction disciplinaire n'est pas disproportionnée au regard de la faute commise.

9. Le maire de Nîmes ne s'est pas appuyé sur des faits précédents pour prononcer par l'arrêté contesté l'exclusion temporaire de M. D... pour une durée de cinq jours. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe " non bis in idem ", qui interdit de sanctionner deux fois un agent public à raison des mêmes faits, doit être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que M D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n°1903160, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les conclusions de M. D... présentées sur ce fondement à l'encontre de la commune de Nîmes, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, soient accueillies. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Nîmes et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.

Article 2 : M. D... versera à la commune de Nîmes une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

C. B...

La présidente,

A. Geslan-Demaret

Le greffier,

M-M Maillat

La République mande et ordonne à la préfète du Gard, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 21TL02646 et 21TL02647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL02647
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Suspension.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Céline ARQUIÉ
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-05;21tl02647 ?
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