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21/07/2022 | FRANCE | N°18TL05380

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 18TL05380


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du préfet de la Lozère en date du 29 avril 2016 refusant de lui délivrer les permis de construire quatre aérogénérateurs de 180 mètres de hauteur en bout de pale et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lachamp, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par jugement n° 1603278 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes

a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les arrêtés du préfet de la Lozère en date du 29 avril 2016 refusant de lui délivrer les permis de construire quatre aérogénérateurs de 180 mètres de hauteur en bout de pale et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Lachamp, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par jugement n° 1603278 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2018 sous le n° 18MA05380 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis sous le n° 18TL05380 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 8 novembre 2019, la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14, représentée par Me Versini-Campinchi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 29 avril 2016 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Lozère de lui délivrer les permis de construire sollicités ou de réexaminer ses demandes dans le délai d'un mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le préfet de la Lozère a commis une erreur dans l'appréciation de l'atteinte portée aux paysages naturels, les lieux avoisinants ne présentant pas un intérêt paysager au sens de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, le projet n'induisant notamment pas un effet d'écrasement ou un accroissement du mitage du paysage.

Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle indique s'en rapporter aux écritures en défense produites en première instance par le préfet de la Lozère.

Par un mémoire en intervention enregistré le 4 octobre 2019, l'association Les Robins des bois de la Margeride, représentée par Me Jakubowicz-Ambiaux, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à intervenir ;

- les moyens soulevés par la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 ne sont pas fondés.

L'instruction a fait l'objet d'une clôture immédiate par ordonnance du 22 janvier 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Versini-Campinchi, représentant la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14.

Une note en délibéré, présentée pour la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14, a été enregistrée le 18 juillet 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux arrêtés du 29 avril 2016, le préfet de la Lozère a refusé, en se fondant sur l'atteinte aux paysages naturels, de délivrer à la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 les permis de construire quatre aérogénérateurs de 180 mètres en bout de pale et un poste de livraison au lieu-dit La Limouzette sur le territoire de la commune de Lachamp. Cette société fait appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur l'intervention de l'association Les Robins des Bois de la Margeride :

2. L'association Les Robins des Bois de la Margeride, qui a notamment pour objet statutaire la défense et la mise en valeur du patrimoine environnemental et architectural des monts de la Margeride, a intérêt au maintien des arrêtés contestés. Par suite, son intervention en défense doit être admise.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme dans sa version en vigueur au 1er janvier 2016 : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

4. Il ressort des pièces du dossier que le secteur d'implantation envisagé à Lachamp, à environ 7 kilomètres au nord-est de Marvejols, sur le rebord sud du plateau de la Margeride, est situé à une altitude de plus de 1 000 mètres, dans une zone naturelle de prairies, de bocage et de bois, dissimulant des micro reliefs et offrant un vaste panorama s'étendant jusqu'aux montagnes de la Margeride, aux monts d'Aubrac et aux Avant-Causses du Lot. Elle présente ainsi un intérêt paysager à préserver.

5. Il ressort également des pièces du dossier que les quatre éoliennes projetées, d'une hauteur de 180 mètres en bout de pales, seront implantées à une altitude comprise entre 1 046 et 1 076 mètres, en dominant notamment le village de Lachamp et les hameaux de Champagnac, L'Espinas et Montchiroux, situés à environ 2 à 3 kilomètres et en provoquant un effet d'écrasement pour leurs habitants. Elles domineront aussi les châteaux inscrits parmi les monuments historiques de la Grange et de Cougoussac, distants d'environ 3 kilomètres, en créant des co-visibilités avec ce dernier. Compte tenu de leur hauteur particulièrement importante et de leur couleur blanche, elles seront également visibles à grande distance de sites sensibles ou touristiques comme le parc du Gévaudan et le Roc de Peyre, situés à environ 6 kilomètres, ainsi que les Trucs de Greze, du Midi, de Saint-Bonnet et de Fortunio et les pics de Mus et de Muret, tous situés à environ 10 à 14 kilomètres. La dénaturation du paysage par des éléments verticaux industriels en résultant sera aggravée par un phénomène de saturation dû à l'impact visuel cumulé des cinq autres parcs éoliens déjà existants ou autorisés distants de 4 à 20 kilomètres. Ce phénomène de saturation sera d'autant plus prégnant que le nouveau projet ne s'inscrit pas dans le prolongement du parc éolien le plus proche de Lou Paou 2 et qu'il adopte une distance entre chaque éolienne différente de celle des autres parcs, cette distance étant en outre irrégulière, l'une des quatre éoliennes se détachant des trois autres. Dans ces conditions, et alors même que d'autres parcs éoliens sont déjà visibles et que le Truc de Fortunio supporte lui-même une antenne télévisuelle de 105 mètres, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Lozère aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que le projet porterait atteinte à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et paysages naturels.

6. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de l'association Les Robins des Bois de la Margeride est admise.

Article 2 : La requête de la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vents d'Oc centrale d'énergie renouvelable 14, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la ministre de la transition énergétique et à l'association Les Robins des Bois de la Margeride.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président de chambre,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

M. Fabien

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, chacun en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18TL05380


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18TL05380
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Energie.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale - Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS JAKUBOWICZ MALLET-GUY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-21;18tl05380 ?
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