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04/10/2022 | FRANCE | N°22TL20656

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 octobre 2022, 22TL20656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé à la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106008 du 22 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en

registrée le 27 février 2022, sous le n° 22BA00656, au greffe de la cour administrative d'appel d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé à la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106008 du 22 novembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2022, sous le n° 22BA00656, au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20656, Mme D..., représentée par Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 22 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ordonner le réexamen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- la magistrate désignée a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la France n'a pas suffisamment transposé les obligations mises à sa charge par les textes européens dont la date limite était le 16 avril 2013, et notamment l'obligation de venir en aide aux victimes de la traite imposée par l'article 11 de la directive 2011/36/UE du Parlement et du Conseil sur la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène.

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle qui révèle une erreur de droit en l'absence d'examen du risque encouru en cas de retour au Nigéria au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il ne fait pas état de ses deux enfants mineurs nés en France et de la demande de protection internationale présentée par le père des enfants faisant obstacle à l'éloignement de ce dernier ;

- il méconnaît son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'elle n'a pas été informée dans une langue qu'elle comprend de son obligation d'informer l'autorité préfectorale sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'il a pour effet de la séparer de ses enfants ou A... les séparer de leur père qui ayant demandé l'asile, ne peut être éloigné du territoire ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle n'a pas été informée du délai de réflexion prévu par ce texte ;

- il méconnaît les articles 12 et 13 de la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 ;

- la directive 2011/36/UE du Parlement et du Conseil sur la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène n'a pas été suffisamment transposée en droit interne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 27 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 11 août 2022 à 12 heures.

Par une décision du 27 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 ;

- la directive 2011/36/UE du Parlement et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante nigériane, née le 26 mai 1999 à Sobe (Nigéria), est entrée sur le territoire français le 8 décembre 2018. Sa demande d'asile présentée le 18 décembre 2018 a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 28 juillet 2021, notifiée le 30 août 2021. Par un arrêté du 21 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Saisie d'une requête tendant notamment à l'annulation de ces décisions, la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 22 novembre 2021 dont elle relève appel, rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme D... soutient que la magistrate désignée a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la France n'a pas suffisamment transposé les obligations mises à sa charge par les textes européens dont la limite était le 16 avril 2013, et notamment l'obligation de venir en aide aux victimes de la traite imposée par l'article 11 de la directive 2011/36/UE du Parlement et du Conseil sur la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène.

3. La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relative à la prévention de la traite des êtres humains et à la lutte contre ce phénomène, ainsi qu'à la protection des victimes établit, conformément à son article premier des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine de la traite des êtres humains et introduit également des dispositions communes visant à renforcer la prévention de cette infraction et la protection des victimes. En application de son article 11, elle prévoit l'adoption par les États membres des mesures nécessaires d'assistance et d'aide aux victimes tout au long de la procédure pénale afin de leur permettre d'exercer les droits qui leur sont conférés par la décision-cadre 2001/220/JAI et par la présente directive. Comme le rappelle son considérant 17, elle ne porte pas sur les conditions de séjour des victimes de la traite des êtres humains sur le territoire des États membres et ne peut, dès lors, être utilement invoquée dans le présent litige.

4. Le moyen tiré de l'insuffisante transposition en droit interne de la directive 2011/36/UE étant, par suite inopérant, le tribunal administratif a pu ne pas y répondre sans entacher son jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

5. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.

6. En deuxième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance par une autorité d'un État membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. En l'espèce, si Mme D... soutient qu'elle n'a pas été informée de la possibilité d'exposer des éléments sur sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendue doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté du 6 juillet 2021 que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à l'encontre de Mme D... sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant l'adoption de cette mesure d'éloignement lorsque l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 de ce code. Si Mme D... reproche au préfet de ne pas avoir examiné les risques qu'elle encourt en cas de retour au Nigéria, l'arrêté mentionne cependant qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, le préfet ne pouvait faire état dans sa décision du 21 septembre 2021 de la naissance de son fils le 26 novembre 2021, qui constitue une circonstance postérieure à son intervention. Enfin, si l'arrêté ne mentionne ni la présence en France de son autre fils mineur, né le 17 janvier 2020, ni celle de M. B..., son compagnon de nationalité nigériane et père de ces enfants, ces omissions sont cependant sans influence sur la légalité de l'arrêté dès lors que M. B... a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement à destination du Nigéria et que l'ensemble de la cellule familiale peut être reconstituée dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle qui révèle une erreur de droit, ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", aux termes de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

9. Si, ainsi que le fait valoir Mme D..., le bénéfice du doute doit être accordé au demandeur d'asile lorsqu'il s'agit d'apprécier la crédibilité de sa déclaration, il incombe néanmoins à ce demandeur de fournir des explications cohérentes de nature à ne pas faire douter de la véracité de son récit. Dans sa décision du 7 juillet 2021, la Cour nationale du droit d'asile a reconnu que les déclarations écrites et orales, ainsi que les pièces du dossier de Mme D... permettent de tenir pour établie son entrée dans un réseau de prostitution et qu'elle a été contrainte, par les membres de ce réseau de pratiquer la prostitution en Europe. Néanmoins, après avoir relevé que l'intéressée n'a pas été en mesure d'apporter des explications concrètes et cohérentes sur les conditions dans lesquelles elle aurait pu échapper au réseau, la Cour a estimé que les craintes énoncées par la requérante n'étaient pas fondées et a rejeté sa demande d'asile. En outre, elle ne verse au dossier qu'un article de presse d'ordre général relatif à la prostitution de ressortissantes nigérianes en Italie et un rapport de 2019 d'une organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme sur les conditions de prise en charge par le Nigéria des victimes de la traite et d'exploitation sexuelle retournées dans leur pays d'origine, qui ne permettent pas d'établir que l'intéressée encourrait un risque réel et actuel d'être soumise à des traitements inhumains ou dégradants au Nigéria. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que ses enfants seraient exposés à de tels traitements. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. L'arrêté obligeant Mme D... à quitter le territoire français à destination du Nigéria n'a ni pour objet ni pour effet de séparer ses fils de l'un de leurs parents dès lors que, comme il a été dit précédemment, leur père a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement de même date que celle prise à l'encontre de l'appelante et qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Nigéria, pays dont l'appelante et le père de ses enfants ont tous deux la nationalité. Par suite, l'arrêté attaqué ne portant pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, doit être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si Mme D... se prévaut de la relation de ses enfants mineurs avec leur père qui selon elle, ne peut être éloigné du territoire français, il ressort toutefois des pièces du dossier que le père des enfants, de nationalité nigériane, est en situation irrégulière en France et a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 21 septembre 2021. En outre, comme cela a été exposé précédemment, rien ne fait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au Nigéria où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée eu égard des buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Le service de police ou de gendarmerie qui dispose d'éléments permettant de considérer qu'un étranger, victime d'une des infractions constitutives de la traite des êtres humains ou du proxénétisme prévues et réprimées par les articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, est susceptible de porter plainte contre les auteurs de cette infraction ou de témoigner dans une procédure pénale contre une personne poursuivie pour une infraction identique, l'informe : 1° De la possibilité d'admission au séjour et du droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui lui sont ouverts par l'article L. 425-1 ; 2° Des mesures d'accueil, d'hébergement et de protection prévues aux articles R. 425-4 et R. 425-7 à R. 425-10 ; 3° Des droits mentionnés à l'article 53-1 du code de procédure pénale, notamment de la possibilité d'obtenir une aide juridique pour faire valoir ses droits. Le service de police ou de gendarmerie informe également l'étranger qu'il peut bénéficier d'un délai de réflexion de trente jours, dans les conditions prévues à l'article R. 425-2, pour choisir de bénéficier ou non de la possibilité d'admission au séjour mentionnée au 1°. Ces informations sont données dans une langue que l'étranger comprend et dans des conditions de confidentialité permettant de le mettre en confiance et d'assurer sa protection. Ces informations peuvent être fournies, complétées ou développées auprès des personnes intéressées par des organismes de droit privé à but non lucratif, spécialisés dans le soutien aux personnes prostituées ou victimes de la traite des êtres humains, dans l'aide aux migrants ou dans l'action sociale, désignés à cet effet par le ministre chargé de l'action sociale ". Ces dispositions chargent les services de police d'une mission d'information, à titre conservatoire et préalablement à toute qualification pénale, des victimes potentielles de faits de traite d'êtres humains. Ainsi, lorsque ces services ont des motifs raisonnables de considérer que l'étranger pourrait être reconnu victime de tels faits, il leur appartient d'informer ce dernier de ses droits en application de ces dispositions. En l'absence d'une telle information, l'étranger est fondé à se prévaloir du délai de réflexion pendant lequel aucune mesure de reconduite à la frontière ne peut être prise, ni exécutée, notamment dans l'hypothèse où il a effectivement porté plainte par la suite.

15. En l'espèce, comme cela a été dit au point 5, la Cour nationale du droit d'asile, dans sa décision du 7 juillet 2021, a remis en cause le parcours de sortie de la prostitution de Mme D.... Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été adopté en conséquence de la décision portant rejet de la demande d'asile sans interpellation préalable de l'appelante par les services de police ou la gendarmerie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article R. 425-1 de ce code, relatif à l'obligation d'information pesant sur ces services, doit être écarté.

16. En huitième lieu, les stipulations des articles 12 et 13 de la convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 relative à la lutte contre la traite des êtres humains renvoient à l'adoption de mesures complémentaires pour la définition des mesures d'assistance aux victimes de la traite des êtres humains. Dans ces conditions, les stipulations invoquées sont dépourvues d'effet direct, de sorte que leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée pour contester la légalité de l'arrêté contesté.

17. En dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 3 et 4, le moyen tiré de l'insuffisante transposition en droit interne de la directive 2011/36/UE qui est inopérant, ne peut, dès lors, être utilement invoqué dans le présent litige.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 21 septembre 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20656
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-04;22tl20656 ?
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