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04/10/2022 | FRANCE | N°22TL20915

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 04 octobre 2022, 22TL20915


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102837 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2022, Mme E..., repré

sentée par Me Gonand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2102837 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2022, Mme E..., représentée par Me Gonand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

- il est entaché d'incompétence de son signataire ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation personnelle.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er août 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022 à 12 heures.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 14 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme A... F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 14 février 1948, est entrée en France le 3 mars 2017 munie d'un visa de court séjour valable du 3 mars au 31 août 2017. L'intéressée a séjourné en France sous couvert d'un certificat de résidence algérien, valable du 4 avril 2018 au 4 avril 2019, délivré en qualité d'étranger malade, dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du préfet du Gard du 15 juillet 2019. Le 12 juillet 2021, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Mme E... relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. B... D..., sous-préfet d'Alès, qui disposait d'une délégation de signature de la préfète du Gard, par un arrêté n° 30-2021-03-08-002 du 8 mars 2021, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture du Gard n° 30-2021-014, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département en cas d'absence ou d'empêchement de M. Frédéric Loiseau, secrétaire général. Dès lors que la police des étrangers ne figure pas au nombre des matières exceptées de cette délégation de signature et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le secrétaire général de la préfecture du Gard n'aurait été ni absent ni empêché, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que l'autorité préfectorale, qui n'était pas tenue de reprendre de manière exhaustive la situation de Mme E..., a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. Mme E... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis le 3 mars 2017 en produisant, notamment, des documents afférents à sa prise en charge médicale et indique avoir transféré l'intégralité de ses intérêts privés et familiaux en France où elle vit auprès de sa fille, de nationalité française et ses trois-petits enfants, tous de nationalité française. Elle mentionne, en outre, que son état de santé nécessite une assistance quotidienne par une tierce personne que seule sa fille est en mesure de lui apporter dès lors qu'elle est veuve et que ses quatre autres enfants, qui résident en Algérie, ne peuvent pas ou ne souhaitent pas la prendre en charge, pour des raisons personnelles ou matérielles. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de la seule prise en charge médicale dont elle bénéficie en France, de l'assistance apportée par sa fille et d'attestations émanant de ses enfants résidant en Algérie, établies pour les circonstances de la cause et rédigées en des termes très généraux, Mme E... ne produit aucun élément précis et circonstancié permettant de caractériser l'intensité et la stabilité des liens personnels et familiaux qu'elle a développés en France au regard de ceux conservés dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 69 ans et où résident quatre de ses cinq enfants ainsi que la majorité de ses petits-enfants. En outre, il ne ressort des pièces du dossier ni que l'intéressée serait isolée en cas de retour en Algérie ni qu'elle ne serait pas en mesure d'y bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée alors, d'une part, que par un avis du 7 juin 2019, le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque et, d'autre part, qu'elle se maintient irrégulièrement en France en dépit d'une mesure d'éloignement assortissant une précédente décision de refus de de titre de séjour en qualité d'étranger malade édictée par un arrêté du préfet du Gard du 15 juillet 2019 dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1902681 du 19 novembre 2019. Dans ces conditions, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme E..., la préfète du Gard n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé ni davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ". Aux termes de l'article R. 611-2 de ce code : " L'avis mentionné à l'article R. 611-1 est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : / 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; / 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Dans ce cadre, et dès lors qu'elle dispose d'éléments d'informations suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elle prévoit des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et l'intégration ou le médecin de l'Office pour avis dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Mme E... indique souffrir d'un diabète de type 2 dans un contexte d'insuffisance rénale chronique à l'origine d'un début de rétinopathie diabétique, d'une hypo-parathyroïdie consécutive à une chirurgie de la thyroïde et d'une gonarthrose. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appelante aurait porté à la connaissance de l'autorité préfectorale, dans des termes suffisamment précis, des éléments susceptibles d'établir que son état de santé nécessiterait, depuis l'avis précité du collège des médecins de l'OFII du 7 juin 2019, une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, pas plus qu'elle ne produit des éléments précis et circonstanciés de nature à établir qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'intéressée se bornant à faire état, en des termes généraux, des difficultés à accéder à un traitement en cas d'éloignement et à produire des documents médicaux relatifs à la lourdeur de ses soins et à son état d'invalidité. Par suite, la préfète du Gard n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant Mme E... à quitter le territoire français.

9. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'emporte la décision en litige sur la situation personnelle de Mme E... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 5 du présent arrêt.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2021 par lequel la préfète du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

N. El F...Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20915


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20915
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-04;22tl20915 ?
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