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06/10/2022 | FRANCE | N°22TL20632

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 06 octobre 2022, 22TL20632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106736 du 21 janvier 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête e

nregistrée le 25 février 2022, sous le n° 22BX00632 au greffe de la cour administrative d'appel de Bo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106736 du 21 janvier 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 25 février 2022, sous le n° 22BX00632 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n°22TL20632 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 23 mai 2022, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2022 et de prononcer une mesure d'instruction afin que M. A... sollicite de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la production du rapport du médecin instructeur à l'origine de l'avis du collège de médecins de cet office ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le magistrat désigné n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- M. A... n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 mai 2022 et le 3 juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) de rejeter la requête présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été signée par une personne n'ayant pas compétence à cet effet ;

- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2022.

II°) Par une requête enregistrée le 25 février 2022, sous le n° 22BX00633 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n°22TL20633 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2106736 du 21 janvier 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, M. A..., représenté par Me Laspalles, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas susceptibles de satisfaire les conditions requises à l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 3 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 20 juin 2022

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien, né le 15 décembre 1989 à Cechi (Côte d'Ivoire), indique être entré sur le territoire français le 16 mai 2019 et a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 23 mai 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande le 29 septembre 2020 et la Cour nationale du droit d'asile a confirmé ce rejet par une décision du 31 mai 2021. Le 28 février 2020, alors que sa demande d'asile n'avait pas encore reçu de réponse, M. A... a sollicité son admission au séjour pour motif humanitaire en raison de son état de santé. Par un arrêté du 10 novembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 21 janvier 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et en demande le sursis à exécution. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 août 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse. Ces conclusions sont en conséquence sans objet.

Sur la régularité du jugement :

3. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévu à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

4. Le préfet de la Haute-Garonne soutient qu'en l'absence de production par M. A... du rapport médical du médecin instructeur devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant d'ordonner une expertise médicale. Toutefois, M. A..., qui a levé le secret médical, a produit dans la présente instance les certificats médicaux dont il s'est prévalu devant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et intégration. Ainsi, et alors d'ailleurs que l'avis de ce collège rendu le 21 octobre 2021 indique que M. A... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse n'a pas méconnu le principe du contradictoire en se bornant à prendre en compte les éléments produits par M. A..., dans le respect des règles relatives au secret médical, lesquels ont été communiqués au préfet de la Haute-Garonne. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En vertu de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration rendu le 21 octobre 2021 indique que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. A... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire, vers lequel il peut par ailleurs voyager sans risque. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits par M. A... établis entre le 11 mars 2020 et le 8 décembre 2021, que d'une part, le syndrome de stress post-traumatique dont il souffre est en relation avec les événements traumatiques dont il a été victime en Côte d'Ivoire avant son entrée sur le territoire français en 2019 et d'autre part, le retour dans son pays d'origine est susceptible d'entraîner une aggravation de son état de santé dès lors que son état de grande vulnérabilité psychique est en relation directe avec les violences subies dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le retour dans son pays d'origine de M. A..., qui a d'ailleurs été hospitalisé plusieurs fois en soins psychiatriques après des tentatives d'autolyse en relation avec son vécu traumatique, doit être regardé comme étant susceptible d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et alors même que les substances médicamenteuses nécessaires à la prise en charge de son état de santé sont disponibles en Côte d'Ivoire, le traitement médical pluridisciplinaire nécessité par l'état de santé de M. A..., lequel ne se limite pas à l'administration de médicaments, ne peut être regardé comme disponible de façon effective et appropriée en Côte d'Ivoire. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense et d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté attaqué.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

8. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. "

9. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

10. Sous réserve de la renonciation de Me Laspalles à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 200 euros à Me Laspalles en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. A....

Article 2 : La requête n°22TL20632 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL20633 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 4 : L'Etat versera à Me Laspalles une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. Chabert

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

Nos 22TL20632, 22TL20633


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20632
Date de la décision : 06/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : LASPALLES;LASPALLES;LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-10-06;22tl20632 ?
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