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29/12/2022 | FRANCE | N°20TL20338

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 29 décembre 2022, 20TL20338


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1800161 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020 sous le n° 20BX00338 au greffe de la cour administrative d'app

el de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL20338 au greffe de la cour administrative d'appel de Tou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1800161 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020 sous le n° 20BX00338 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL20338 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. C..., représenté par Me Gasquet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la méthode de reconstitution du bénéfice industriel et commercial de l'entreprise F.I. Auto, imposé entre ses mains, a abouti à une exagération des bases d'imposition dès lors qu'elle n'a pas pris en compte les rémunérations et les charges sociales ;

- il n'était pas imposable en France au titre de la période considérée dès lors qu'il n'y avait pas son domicile fiscal en application du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ;

- il était résident fiscal australien au sens de la convention franco-australienne du 20 juin 2006, d'autant qu'il a payé des impositions en Australie ;

- les revenus imposés relèvent du champ d'application de l'article 20 de la convention franco-australienne, prévoyant l'imposition dans l'Etat de résidence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. C....

Par ordonnance du 20 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 20 juin 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... fait appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 et 2014. Ces impositions procèdent de l'évaluation d'office des bénéfices réalisés par la société F.I. Auto, dont il était le gérant et l'unique associé du 1er mai 2013 au 1er mars 2014, à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité de négoce de véhicules neufs et d'occasion sur internet.

Sur les conclusions en décharge :

En ce qui concerne le principe de l'imposition en France :

2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) Il en est de même, sous les mêmes conditions : (...) 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique (...) ". Les sociétés ainsi régies par l'article 8 du code général des impôts ont une personnalité distincte de celle de leurs membres et exercent une activité qui leur est propre. Dès lors que cette activité est exercée en France, les bénéfices réalisés par ces sociétés y sont en principe imposables entre les mains de leurs membres, y compris de ceux qui résident hors de France, à proportion des droits qu'ils détiennent dans la société.

3. Les bénéfices dégagés par la société F.I. Auto, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée qui, n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, relevait des dispositions de l'article 8 du code général des impôts et exerçait son activité en France, y étaient imposables entre les mains de M. C... en vertu de la loi fiscale française. Dès lors, au regard de cette loi, le moyen tiré de ce que M. C... n'était pas domicilié en France au sens des articles 4 A et 4 B du code général des impôts au cours des années 2013 et 2014 est en tout état de cause inopérant pour contester le principe de l'imposition en France des bénéfices de cette société.

4. Il incombe toutefois au juge de l'impôt de rechercher si une convention internationale relative aux doubles impositions fait obstacle à l'imposition en France de revenus qui y sont imposables en application du droit interne. En l'absence, dans la convention applicable au litige, de stipulations relatives aux revenus réalisés ou perçus par une société relevant du régime des sociétés de personnes, prévu notamment par les dispositions de l'article 8 du code général des impôts, il lui appartient de faire application de la convention à cette société qui, eu égard à son régime rappelé ci-dessus, est susceptible d'être regardée comme résidente de France et de vérifier qu'aucune de ses stipulations ne s'oppose à l'imposition en France de ces revenus. Si tel est le cas, il lui revient également de vérifier qu'aucune stipulation de la convention ne s'oppose à ce que l'impôt dû en France à raison de ces revenus soit réclamé aux associés. En l'absence d'une telle stipulation, l'associé non résident de cette société ne peut se prévaloir ni des stipulations de la convention relative aux divers revenus qu'elle mentionne, ni de celles de l'article précisant le régime d'imposition des autres revenus, dès lors que l'ensemble de ces stipulations ne sont applicables qu'aux revenus réalisés en propre par la société et non à ceux sur lesquels l'associé non résident est imposé au prorata de sa participation au capital de cette société.

5. Aux termes de l'article 4 de la convention fiscale franco-australienne du 20 juin 2006 : " 1. Pour l'application de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne : a) dans le cas de l'Australie, une personne qui est résidente d'Australie pour l'application de l'impôt australien ; b) dans le cas de la France, une personne qui est domiciliée en France pour l'application de l'impôt français. (...) 2. Une personne n'est pas un résident d'un Etat contractant aux fins de la présente Convention si cette personne n'est assujettie à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat. (...) 4. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est un résident des deux Etats contractants, elle est considérée comme un résident seulement de l'Etat où son siège de direction effective est situé (...) ". Selon l'article 7 de la même convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé (...) ". Aux termes enfin de l'article 20 de la même convention : " 1. Les éléments de revenu d'un résident d'un Etat contractant, d'où qu'ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet Etat. 2. Les dispositions du paragraphe 1 ne s'appliquent pas aux revenus, autres que les revenus provenant de biens immobiliers tels qu'ils sont définis au paragraphe 2 de l'article 6, réalisés par un résident d'un Etat contractant qui exerce dans l'autre Etat contractant une activité d'entreprise par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé et dont le droit ou le bien générateur des revenus se rattache effectivement à cet établissement. Dans ce cas, les dispositions de l'article 7 sont applicables. 3. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, les éléments de revenu d'un résident d'un Etat contractant qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention provenant de sources situées dans l'autre Etat contractant sont aussi imposables dans l'autre Etat contractant ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la société F.I. Auto, qui exerçait son activité en France, où était situé le siège de sa direction effective, était domiciliée seulement en France pour l'application de l'impôt français. Par suite, elle doit être regardée comme résidente de France au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-australienne. En application de l'article 7 de cette convention, ses bénéfices n'étaient donc imposables qu'en France. M. C... ne peut, par ailleurs, se prévaloir ni des stipulations de la convention franco-australienne relatives aux divers revenus qu'elle mentionne, ni de son article 20, précisant le régime d'imposition des autres revenus, dès lors que l'ensemble de ces stipulations ne sont applicables qu'aux revenus réalisés en propre par la société et non à ceux sur lesquels l'associé non résident est imposé au prorata de sa participation au capital de cette société. Enfin, aucune stipulation de cette convention ne s'oppose à ce que l'impôt dû en France à raison des revenus de la société F.I. Auto soit réclamé à son unique associé, à supposer même qu'il ne soit pas résident fiscal français.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C..., alors même qu'il aurait été résident fiscal australien au sens de l'article 4 de la convention fiscale franco-australienne au cours des années 2013 et 2014, n'est pas fondé à soutenir que les bénéfices de la société F.I. Auto, dont il est l'unique associé, ne pouvaient être imposés en France.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". L'article L. 68 du même livre dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ". Selon l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes enfin de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".

9. La société F.I. Auto n'ayant pas souscrit de déclaration de résultat au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 1er mars 2014, malgré l'envoi d'une mise en demeure, l'administration fiscale a eu recours à la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales pour déterminer son bénéfice industriel et commercial. En vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, le requérant supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées.

10. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées (...) ".

11. Pour évaluer les bénéfices réalisés par la société F.I. Auto, le service vérificateur a reconstitué les acquisitions de véhicules revendus à partir des relevés de compte bancaire obtenus dans le cadre d'un droit de communication exercé auprès d'établissements de crédit, des résultats des demandes d'assistance administrative internationale réalisées auprès des autorités allemandes et espagnoles et des ventes de véhicules déclarées lors des formalités de quitus. Ne disposant d'aucun justificatif apporté par la société F.I. Auto, le service a retenu des charges à hauteur d'un ratio représentant, pour chacun des exercices vérifiés, 91,29 % et 89,02 % du chiffre d'affaires reconstitué, déterminé à partir de la part moyenne des charges d'exploitation, hors rémunérations et charges sociales, supportées par trois entreprises œuvrant dans le même secteur d'activité dans le même département et dont le volume d'activité était comparable. M. C..., qui ne justifie pas que la société a eu recours à de la main d'œuvre salariée, n'apporte aucun élément démontrant que l'administration aurait dû prendre en compte des rémunérations et des charges sociales dans le cadre des reconstitutions qu'elle a opérées. Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des bases d'impositions arrêtées par le service.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2022.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL20338 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL20338
Date de la décision : 29/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables - Sociétés de personnes.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : CABINET CAMILLE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-12-29;20tl20338 ?
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