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24/01/2023 | FRANCE | N°20TL21779

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 24 janvier 2023, 20TL21779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 5 juillet 2018 de refus de reconnaissance d'imputabilité au service de son accident de travail, d'enjoindre à son employeur de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de sa déclaration d'accident de travail et de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du co

de de justice administrative.

Par un jugement n°1804061 du 2 avril 2020, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 5 juillet 2018 de refus de reconnaissance d'imputabilité au service de son accident de travail, d'enjoindre à son employeur de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de sa déclaration d'accident de travail et de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1804061 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 5 juillet 2018 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles a refusé d'admettre l'imputabilité au service de l'accident déclaré par Mme C..., enjoint à la directrice de l'établissement de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 janvier 2017 dans un délai de deux mois, mis à la charge de l'établissement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par cet établissement sur ce même fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai 2020 et 7 décembre 2021, sous le n°20BX01779 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL21779, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles, représenté par le cabinet Goutal, Alibert et associés, agissant par Me Aveline, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 avril 2020 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il ne comporte pas la signature des magistrats et tant qu'il n'est pas démontré que les mentions obligatoires prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative figurent sur la minute ;

- le jugement est mal fondé ; aucun accident ne s'est produit le 25 janvier 2017 ; l'entretien bref, qui s'est tenu à la demande de Mme C... et s'inscrivait dans le fonctionnement normal du service, ne peut recevoir cette qualification, quand bien même des remarques auraient été formulées sur sa manière de servir ; la personnalité et les difficultés personnelles de Mme C... sont à l'origine du syndrome dépressif dont elle se prévaut et qui préexistait au 25 janvier 2017.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 7 juillet 2021 et 23 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par Me Duverneuil, conclut à la confirmation du jugement contesté et de l'injonction de régulariser sa situation et, dans le dernier état de ses écritures, à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés, que l'entretien professionnel du 25 janvier 2017 constitue un accident de service, qu'aucune circonstance particulière n'est de nature à détacher sa décompensation psychologique de l'exercice de ses fonctions et que c'est à tort qu'il est soutenu qu'elle aurait eu une attitude agressive avant son effondrement psychologique dénotant un mal être personnel antérieur sans doute en lien avec son divorce, de nature à détacher son accident du service.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles.

Par une ordonnance du 1er juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 24 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Aveline représentant l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et les observations de Me Duverneuil représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., infirmière en soins généraux et spécialisés, a été recrutée en juin 2014 par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles situé à ... (Haute-Garonne), pour occuper l'emploi d'infirmière coordinatrice. Le 26 janvier 2017, à la suite d'un entretien qui avait eu lieu la veille avec sa directrice, Mme C... a adressé à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes un certificat médical d'accident de travail. Le 8 février suivant, elle a établi une déclaration d'accident de travail. Le 21 juin 2018, la commission de réforme hospitalière a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 janvier 2017. Par une décision du 5 juillet 2018, la directrice de l'établissement Les Fontenelles a toutefois refusé d'admettre cette imputabilité. Par un jugement du 2 avril 2020 dont l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a notamment annulé la décision du 5 juillet 2018 et enjoint à la directrice de l'établissement de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 janvier 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, susvisée dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) /Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales.(...) ".

3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Il ressort des pièces du dossier que, le 25 janvier 2017, après avoir eu un différend avec l'adjointe administrative des ressources humaines de l'établissement, Mme C... a eu un entretien professionnel avec Mme F..., directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles à l'issue duquel elle a pris rendez-vous avec son médecin traitant avant néanmoins d'assister à une cérémonie de vœux programmée. Le lendemain, son médecin traitant a établi un certificat médical d'accident de travail et de maladie professionnelle portant la mention " suite à un entretien professionnel le 25/01/2017 détresse psychique avec pleurs incoercibles et angoisses ". La déclaration d'accident de travail du 8 février suivant mentionne une " détresse psychique au cours d'un entretien professionnel avec la directrice, avec pleurs incoercibles ". Mme C... soutient que l'entretien du 25 janvier 2017 a été violent moralement à raison des propos et griefs tenus subitement à son encontre par la directrice de l'établissement, qui aurait alors adopté à son égard, de manière brutale et soudaine, une attitude blessante et dénigrante, lui faisant subir une violente remise en cause de la qualité de son travail et de ses compétences. Elle précise encore que Mme F... lui aurait proféré brutalement une série de griefs injustifiés à propos de plaintes de familles sur son comportement ou du fait que l'adjointe administrative des ressources humaines était fatiguée de son attitude ainsi que d'autres agents. Toutefois si le docteur A..., psychiatre agréé relève, dans son rapport établi le 15 juin 2018, que l'intéressée a été confrontée à une mise en cause de ses compétences professionnelles et de la qualité de son travail vécue " comme une injustice et ... comme une humiliation avec blessure narcissique " et si le compte- rendu d'expertise du 23 octobre 2017 du docteur D..., psychiatre, mentionne que l'entretien du 25 janvier a contribué à majorer l'anxiété existante et induit un profond sentiment de colère et d'incompréhension liés aux reproches jugés injustifiés, ni ces éléments, ni les autres pièces du dossier ne permettent d'établir que l'entretien professionnel du 25 janvier 2017 aurait donné lieu à un comportement ou à des propos de la directrice excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ne sont, en particulier, pas de nature à rapporter la preuve d'une maltraitance psychique de l'intéressée lors de l'entretien du 25 janvier 2017 des évènements postérieurs à celui-ci tels que la décision du 27 janvier 2017 de la directrice de mettre un terme au stage de la fille de Mme C... au sein de l'établissement, sa lettre du 20 février 2017 au médecin traitant lui reprochant d'avoir spéculé sur les causes des lésions et lui demandant d'adresser dans les plus brefs délais un certificat médical corrigé, un article de presse paru en septembre 2020 rapportant le témoignage d'une infirmière sur les humiliations et remarques quotidiennes de la directrice vis-à-vis du personnel en public et faisant état de deux plaintes pour harcèlement moral déposées contre elle ou encore des lettres de signalement d'anciens agents de l'établissement auprès de l'agence régionale de santé du mois d'octobre 2019. Ne sont pas davantage de nature à rapporter cette preuve le témoignage d'une ancienne employée sur un entretien avec la directrice au cours du mois de mars 2019 vécu comme violent sur le plan psychologique ou un compte-rendu de consultation faisant état de l'arrêt de travail d'un autre agent en septembre 2019 consécutif à un entretien tenu avec Mme F.... Par suite, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a qualifié l'entretien du 25 janvier 2017 d'accident de service et estimé que la décision de refus de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident était entachée d'erreur d'appréciation compte tenu du lien direct, confirmé par les expertises soumises à la commission de réforme, entre cet entretien et la pathologie de Mme C....

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par Mme C... en première instance :

6. D'une part, aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : (...) 2. Exerce, à l'égard des agents des collectivités locales relevant de la loi du 26 janvier 1984 susvisée et des agents des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, les attributions prévues respectivement à l'article 57 et aux articles 41 et 41-1 desdites lois... ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de réforme, dont il est constant qu'elle a apprécié l'imputabilité au service de l'événement du 25 janvier 2017 et émis un avis favorable à la reconnaissance de cette imputabilité, ne se serait pas livrée à un examen sérieux de la situation de Mme C.... Cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait intervenue en violation de la procédure consultative organisée par l'arrêté du 4 août 2004. La seule circonstance que l'administration n'ait, en définitive, pas suivi cet avis ne suffit pas à établir l'existence d'une procédure consultative de pure forme ou l'existence d'un détournement de ladite procédure.

8. D'autre part, la décision contestée repose notamment sur le motif tiré de ce que Mme C... n'établissait pas la survenance d'un événement susceptible de caractériser un accident. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que ce motif, qui suffisait à lui seul à justifier légalement la décision prise, n'est pas entaché d'erreur de fait.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision en date du 5 juillet 2018, enjoint à sa directrice de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 janvier 2017 et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Mme C... dirigées contre l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles à l'encontre de Mme C... sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°1804061 du tribunal administratif de Toulouse du 2 avril 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Les Fontenelles et à Mme E... B... épouse C....

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°20TL21779 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL21779
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET VACARIE et DUVERNEUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-24;20tl21779 ?
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