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26/01/2023 | FRANCE | N°20TL03346

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 26 janvier 2023, 20TL03346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Médical Implants a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 novembre 2015.

Par un jugement n° 1801274 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Médical Implants a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 novembre 2015.

Par un jugement n° 1801274 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020 sous le n° 20MA03346 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03346 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 28 avril 2021, la société Médical Implants, représentée par Me Deleu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 novembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère fictif des prestations d'agent commercial réalisées par la société Mezynter ;

- à titre subsidiaire, aucun de ses propres salariés n'a été rémunéré au titre des ventes qu'elle a réalisées ;

- les pénalités pour manœuvres frauduleuses ne peuvent être fondées ni sur le caractère fictif des prestations réalisées par la société Mezynter, ni sur une volonté prétendue de contourner une réglementation non fiscale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 17 mai 2021.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Médical Implants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Babin pour la société Médical Implants.

Considérant ce qui suit :

1. La société Médical Implants fait appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2013 au 30 novembre 2015. Ces impositions procèdent en particulier de la remise en cause, à l'issue de la vérification de comptabilité de son activité d'achat et de vente de matériel médical, notamment de prothèses orthopédiques, de la réalité des prestations d'agent commercial qui lui ont été facturées par la société Mezynter.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.

3. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. Il résulte de l'instruction que les sociétés Médical Implants et Mezynter ont signé, le 2 janvier 2008, un contrat d'agent commercial, assorti de deux avenants conclus le 2 octobre 2013 et le 1er décembre 2014, prévoyant la facturation par cette dernière d'une commission sur les ventes réalisées par son entremise auprès de plusieurs chirurgiens de cliniques privées. La société Médical Implants a produit les factures de commissions émises à son nom et remises en cause par le service.

5. L'administration a indiqué, en premier lieu, que la société Mezynter a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 1er février 2003 avec une activité déclarée de " commerce de détail d'articles médicaux et orthopédiques en magasin spécialisé " et non d'agent commercial, laquelle nécessite en outre une immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, qui fait défaut à cette société. Au cours des années 2013 à 2015, la société Mezynter ne disposait d'aucun salarié et d'aucun moyen d'exploitation pour réaliser des prestations d'agent commercial dans le domaine des articles médicaux et orthopédiques, à l'exception de son gérant de fait, devenu gérant de droit à compter du 5 février 2014, qui occupait également des fonctions commerciales à temps complet au sein de la société Medical Implants. Cette dernière ne contredit pas efficacement l'administration, en affirmant que l'activité d'agent commercial ne nécessite aucun moyen particulier à l'exception d'un " carnet d'adresses " et que la société Mezynter réalisait des prestations pour cinq autres sociétés, dès lors que ces prestations ne représentaient que 7 % de son chiffre d'affaires.

6. Le service a noté, en deuxième lieu, que la société Médical Implants disposait de trois salariés occupant des fonctions commerciales et qu'elle avait comptabilisé, dans ses charges des exercices clos en 2013 et 2014, les frais de déplacement de ces salariés auprès des mêmes clients que ceux mentionnés dans le contrat et les avenants conclus avec la société Mezynter. La requérante ne remet pas en cause ces constatations en se bornant à soutenir qu'il s'agissait de salariés technico-commerciaux chargés seulement de missions d'assistance technique, alors que leurs contrats de travail prévoyaient également l'exercice de fonctions commerciales. Il en est de même de la circonstance que l'un de ces salariés, chef d'équipe en charge des relations avec les clients et les fournisseurs, également gérant de la société Mezynter, ne possèderait pas les diplômes nécessaires à l'activité d'infirmier technico-commercial et ne percevait qu'une rémunération fixe, sans commission. Enfin, l'administration souligne que le montant des ventes par chirurgien comptabilisées par la société Médical Implants est systématiquement identique à celui qui a servi de base de calcul aux commissions versées à la société Mezynter, alors pourtant qu'elle a parallèlement comptabilisé des charges propres à l'égard des mêmes clients.

7. L'administration a constaté, en troisième lieu, que les sociétés Médical Implants et Mezynter étaient dirigées à compter du 5 février 2014 par le même gérant. Celui-ci détenait 95 % du capital de la première et ses deux fils étaient les associés de la seconde. Enfin, les deux sociétés étaient domiciliées à son adresse personnelle.

8. L'administration a relevé, en quatrième lieu, que la société Médical Implants ne produisait aucune pièce de nature à identifier les références d'articles vendus par l'entremise de la société Mezynter et à établir les dates des visites organisées auprès des clients. Elle souligne, en particulier, que le libellé des factures émises par cette société était sommaire et ne précisait pas la nature exacte des prestations réalisées. La requérante, qui ne produit pas les bons de commande qu'elle évoque, ne peut sérieusement soutenir que les particularités des missions d'agent commercial ou les usages en matière de vente de matériel médical feraient obstacle à l'établissement de tels justificatifs. Elle n'est pas davantage en mesure d'établir, en se bornant à produire un tableau non probant faisant le lien entre la vente de prétendus nouveaux produits et les factures correspondantes, que les prestations de la société Mezynter lui auraient apporté de nouveaux clients ou auraient permis la vente de produits différents de ceux qui faisaient l'objet d'un développement commercial par ses propres salariés.

9. Dans ces conditions, l'ensemble des circonstances relevées par l'administration, et alors que la société Médical Implants ne produit aucun commencement de preuve de la réalité des prestations, y compris en soutenant à titre subsidiaire qu'aucun de ses salariés n'a été rémunéré sur les ventes en cause, constituent des éléments suffisants permettant d'établir que les factures ne correspondent pas à des opérations réelles. Par suite, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve du caractère fictif de ces factures. C'est dès lors à bon droit qu'elle en a rapporté les montants aux résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante.

Sur les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ".

11. L'administration a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, qui procèdent du caractère fictif des factures émises par la société Mezynter et comptabilisées par la société Médical Implants au cours des années 2013 à 2015, de la majoration de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses. Il résulte de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que le caractère fictif de ces factures est avéré. Eu égard à l'importance des montants facturés et à la nature de ces procédés, que ne pouvait ignorer le dirigeant commun de ces deux sociétés, par ailleurs en charge des relations commerciales de la société Médical Implants, le service doit être regardé comme établissant que cette dernière a entendu éluder l'impôt en créant, lors de la souscription de ses déclarations, des apparences de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. La vérificatrice a en outre relevé que ces procédés ont permis à la société Médical Implants de se soustraire aux règles de publicité prévues par la loi, applicables aux avantages consentis par les industriels aux professionnels de la santé et non aux frais de réception comptabilisés par la société Mezynter, compte tenu de sa qualité d'agent commercial. Elle a pu légalement faire référence au contournement de ces règles de publicité, alors même qu'elles ne relèvent pas de la législation fiscale, pour fonder la majoration contestée, dès lors que ce procédé révèle une intention de présenter le dispositif mis en place par la société Médical Implants sous la forme d'opérations parfaitement régulières de nature à égarer l'administration. Dans ces conditions, le service a donc pu, à bon droit, assortir les impositions en cause de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts en cas de manœuvres frauduleuses.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Médical Implants n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Médical Implants est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Médical Implants et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

N. A...

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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