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26/01/2023 | FRANCE | N°21TL21460

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 26 janvier 2023, 21TL21460


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., l'association " Les enfants de demain " et M. H... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 20 juillet 2016 A... lesquelles l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a mis en demeure les responsables légaux des élèves fréquentant l'école primaire Al Badr d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais, ensemble la décision du 29 août 2016 rejetant le reco

urs gracieux formé le 30 juillet 2016 contre les décisions du 20 juillet 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E..., l'association " Les enfants de demain " et M. H... F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions du 20 juillet 2016 A... lesquelles l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a mis en demeure les responsables légaux des élèves fréquentant l'école primaire Al Badr d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais, ensemble la décision du 29 août 2016 rejetant le recours gracieux formé le 30 juillet 2016 contre les décisions du 20 juillet 2016.

A... un jugement n° 1604837 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

A... un arrêt n° 17BX03127 du 30 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et les décisions du directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne des 20 juillet et 29 août 2016.

A... une décision n° 434919 du 2 avril 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 2019 et lui a renvoyé l'affaire. Cette requête a été réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 21BX01460, puis attribuée à la cour administrative d'appel de Toulouse A... une ordonnance du 11 avril 2022 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat et enregistrée sous le n° 21TL21460.

Procédure devant la cour :

A... une requête et deux mémoires, enregistrés le 18 septembre 2017 et les 15 juin et 20 décembre 2018, et un mémoire récapitulatif enregistré le 6 février 2022, M. E..., l'association " Les enfants de demain " et M. F..., représentés A... Me Benech, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 juillet 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du 20 juillet 2016 A... lesquelles l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a mis en demeure les responsables légaux des élèves fréquentant l'école primaire Al Badr d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais, ensemble les décisions du 29 août 2016 rejetant leurs recours gracieux formés le 30 juillet 2016 contre les décisions du 20 juillet 2016.

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- le jugement du tribunal administratif de Toulouse est entaché d'irrégularité pour avoir considéré que l'administration se trouvait en situation de compétence liée pour mettre les parents en demeure d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement ; en effet, l'article L.442-2 du code de l'éducation ne crée pas une situation de compétence liée pour l'administration dès lors que l'alinéa 6 de cet article impose, pour pouvoir mettre les parents en demeure d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement, d'apprécier si au regard de l'alinéa 5 du même article, le directeur de l'établissement a mis en œuvre les mesures qui lui ont été demandées à la suite du contrôle qui a eu lieu de l'établissement, notamment quant au fait de dispenser un enseignement conforme au socle commun ; l'absence de compétence liée dans laquelle se trouve l'administration est confirmée A... la circulaire n° 2015-115 du 17 juillet 2015 relative à l'ouverture et au fonctionnement des établissements d'enseignement privés hors contrat ;

- le code de l'éducation doit être interprété comme n'imposant l'envoi d'une mise en demeure aux parents que dans l'hypothèse où l'école est fermée A... décision judiciaire ; la possibilité d'adresser une mise en demeure aux parents avant décision judiciaire de fermeture reviendrait à préjuger des décisions qui seraient prises A... le juge pénal et porterait atteinte à la présomption d'innocence qui est protégée A... les stipulations du 2 de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 2 de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- l'administration ne pouvait être regardée en l'espèce comme se trouvant en situation de compétence liée dès lors que deux des quatre conditions posées A... l'article L.442-2 du code de l'éducation permettant de mettre en demeure les parents d'inscrire leur enfant dans un autre établissement, n'étaient en tout état de cause pas réunies faute d'une part pour le directeur de l'établissement d'avoir été, contrairement à ce qu'exige la décision QPC n° 2018-710 du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel, destinataire d'une mise en demeure précise et circonstanciée de fournir ses explications ou d'améliorer sa situation, et faute d'avoir refusé d'améliorer la situation de l'établissement et de dispenser un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire ; en effet, le courrier du 7 mai 2015, qui se présente comme l'envoi du " compte rendu de visite " constitue un courrier et non une véritable mise en demeure ;

- ce courrier ne mentionne pas la nature exacte des carences relevées, n'explique pas les prétendus manques et ne comporte pas de délai de régularisation précis ; il ne répond donc pas aux exigences du Conseil constitutionnel ; A... ailleurs ce courrier n'indique pas le délai dans lequel pourrait intervenir la mise en demeure, ne fait pas état des sanctions éventuelles en cas d'absence de mise en conformité et n'évoque pas le risque de mise en demeure des parents ;

- A... ailleurs il s'est écoulé un délai d'un an entre la prétendue " notification des résultats du contrôle " et la mise en demeure adressée aux parents et l'autorité académique a dès lors présumé du contenu de l'enseignement de l'année écoulée alors que le contrôle portait sur l'année antérieure ;

- le courrier du 7 mai 2015 ne comportait pas le rapport d'inspection en pièce jointe ; la nature de ce courrier n'est pas explicite dès lors qu'il est présenté comme un " compte-rendu de visite " et non comme une mise en demeure ; ce courrier est particulièrement imprécis quant à la nature exacte des carences relevées, n'exposant pas ce que le directeur aurait dû faire pour répondre aux critiques de l'inspecteur d'académie et ne comporte pas de délai de régularisation précis ;

- ce courrier ne répond pas à l'exigence du Conseil constitutionnel imposant d'exposer de manière précise et circonstanciée les mesures nécessaires pour que l'enseignement dispensé soit mis en conformité avec l'objet de l'instruction obligatoire ; les sanctions auxquelles ce courrier fait référence sont erronées, l'article 227-17 du code pénal relatif à l'abandon de famille, n'étant pas applicable à leur situation ;

- s'ils avaient eu connaissance du caractère de mise en demeure du courrier du 7 mai 2015 et de ses conséquences pour les parents d'élèves, les représentants de l'école Al Badr auraient pris en compte différemment ce courrier ; ils ont donc été privés d'une garantie ;

- la procédure contradictoire de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée que ce soit envers les dirigeants de l'école Al Badr ou avec les parents d'élèves alors que cette procédure était obligatoire dès lors que la mise en demeure de scolariser son enfant dans un établissement scolaire restreint la liberté d'enseignement des parents et donc restreint l'exercice d'une liberté publique au sens du 1° de l'article L.121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les parents d'élèves n'ont pas A... ailleurs eu accès au dossier, ce qui leur aurait permis de contester les griefs de l'éducation nationale ; ne sont pas joints les résultats du contrôle ni un document attestant de la saisine du procureur de la République et indiquant les motifs de cette saisine ;

- l'administration n'a pas respecté les règles qu'elle s'était elle-même imposées, quant au déroulement des inspections destinées à vérifier le respect du socle commun, faute d'avoir appliqué le " Guide de l'inspection tranquille " ; il est démontré que l'école Al Badr respecte les dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article L 442-2 du code de l'éducation ; la condition de détention des diplômes A... les enseignants est respectée, et les annexes des articles D.122-1 à D.122-3 du code de l'éducation qui définissent le socle commun de connaissances sont en l'espèce respectées ; ils produisent à cet égard le projet pédagogique de l'année scolaire 2015-2016 qui présente les objectifs de l'établissement et de nombreuses annexes techniques relatives aux programmes ; l'association " les enfants de demain " et le directeur de l'école Al Badr rappellent dans ce projet pédagogique les principes qu'ils défendent, conformes à ce que les parents attendent d'un établissement confessionnel musulman ; ce projet qui emprunte les méthodes des écoles Montessori ou A... exemple la méthode Singapour pour les mathématiques, s'il se rapproche de celui de l'enseignement public sur des questions comme l'implication des parents, la différenciation pédagogique ou le recours aux nouvelles technologies, en diffère sur d'autres aspects, les responsables de l'école Al Badr faisant usage de leur liberté d'enseigner dans le respect du socle commun de connaissances ;

- A... ailleurs concernant la question de la dispense d'un enseignement conforme au socle commun, sont produits au dossier deux constats d'huissier ainsi qu'une série de photographies faisant état du contenu des cahiers des élèves, de la configuration des classes et des outils pédagogiques mis en place ;

- concernant, s'agissant de l'école maternelle, l'usage des fichiers, les enseignants y recourent pour structurer l'enseignement mais ils utilisent aussi de nombreux autres supports ; la critique tenant au défaut de " planification des apprentissages " est infondée ; pour ce qui est des " devoirs à la maison ", c'est également un choix assumé de l'établissement ; A... ailleurs contrairement à ce qui lui est reproché, l'école traite bien de la matière " Créneaux de découverte du monde et de motricité " ;

- en ce qui concerne l'enseignement en cours préparatoire, contrairement à ce qu'indique le rapport de visite des 10 et 14 décembre 2015, l'enseignante était bien présente et a assuré la classe ; en ce qui concerne la préparation de son enseignement, elle avait laissé ses supports de cours à son domicile, n'ayant pas été avertie du contrôle inopiné qui allait être effectué ; le constat d'huissier du 20 juin 2016 atteste A... les livres et cahiers produits, du travail qui a été effectué ; des emplois du temps de cours préparatoire existent et sont affichés notamment dans la salle des professeurs ;

- pour le cours élémentaire de 1ère année, le constat d'huissier du 20 juin 2016, établit l'existence des cahiers ; l'absence d'enseignement en " sciences, technologie, histoire et géographie ", est démentie A... le constat d'huissier ; A... ailleurs, l'enseignement " moral et civique ", n'est pas réduit à l'enseignement islamique contrairement à ce qu'affirme le rapport de visite, les règles de conduite étant affichées sur les murs de la classe ainsi que les règles de vie à l'école ; contrairement à ce qui est opposé A... l'administration, des activités sportives existent ; pour ce qui est de l'enseignement en CM1 et CM2, contrairement aux affirmations des inspecteurs, les élèves ont eu des enseignements d'histoire, de science et d'éducation civique ;

- pour ce qui est des griefs généraux qui sont adressés aux appelants, contrairement à ce qui leur est reproché concernant l'absence d'évaluation dans certaines disciplines, des bulletins scolaires sont utilisés dans différentes matières ;

- pour ce qui est de l'importance du temps consacré à l'étude du coran, l'enseignement confessionnel est un choix pédagogique assumé de l'école pédagogique, ce qui touche à la liberté de l'enseignement ; l'enseignement du coran est facultatif et l'enseignement de l'arabe et du coran, représente un enseignement de 7 heures A... semaine dont environ la moitié du temps pour le coran ; l'enseignement du coran n'occupe donc pas une place prépondérante contrairement à ce qui leur est reproché ;

- pour ce qui est des griefs relatifs à la carence dans l'enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'enseignement artistique, cette affirmation est démentie A... les documents constatés A... l'huissier, faisant notamment état des manuels d'histoire travaillés ;

- concernant la compétence 6 relative aux " notions de vivre en société et de préparer sa vie de citoyen ", plusieurs livres relatifs à l'instruction civique sont utilisés ; l'école de plus, organise de nombreux évènements et sorties afin de préparer les enfants à bien vivre ensemble A... l'appropriation progressive des règles de la vie collective ;

- plusieurs anciens élèves de l'école Al Badr ont fait l'objet d'un contrôle A... l'inspection académique et les rapports de contrôle sont unanimes sur les capacités des élèves et démontrent que l'enseignement qu'ils ont reçu préalablement à l'école Al Badr leur a permis d'acquérir les compétences du socle commun.

Le ministre de l'éducation nationale A... des mémoires en défense, enregistrés les 14 mai, 13 juin, 20 juillet 2018, et le recteur de l'académie de Toulouse A... un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2022 concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que la requête d'appel est irrecevable faute pour l'association " Les enfants de demain " d'avoir intérêt pour agir et de son président d'avoir qualité pour agir, et de M. F... d'avoir intérêt pour agir, et que, subsidiairement, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

A... un mémoire distinct enregistré le 17 mai 2021, M. B... E..., l'association " Les enfants de demain " et M. H... F... ont demandé à ce que la cour transmette au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la constitution de l'article L 442-2 du code de l'éducation dans sa version applicable à la date du 20 juillet 2016 des décisions attaquées.

A... une ordonnance du 26 juillet 2021, la présidente de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité ainsi présentée A... les requérants.

La clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat le 7 avril 2022 en application des articles R 611-11-1 et R 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté A... le recteur de l'académie de Toulouse a été enregistré le 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Mme G..., représentant le recteur de l'académie de Toulouse.

Une note en délibéré présentée A... le recteur de l'académie de Toulouse a été enregistrée le 12 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... a déclaré, au cours de l'année 2013, l'ouverture d'un établissement privé d'enseignement du premier degré (classe maternelle et primaire) hors contrat dénommé " groupe scolaire privé Al Badr ", situé 35 rue Gauguin à Toulouse. A la suite d'un premier contrôle, diligenté A... les services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne, le 17 juin 2014, un deuxième contrôle a été opéré, le 7 avril 2015, à la suite duquel le directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a adressé, le 7 mai suivant, au directeur de l'école, une lettre l'informant, notamment, des carences constatées. A la suite d'un troisième contrôle, effectué le 12 avril 2016, le directeur académique des services de l'éducation nationale a mis en demeure, le 20 juillet 2016, les familles d'enfants scolarisés dans cette école de les inscrire dans un autre établissement puis, le 29 août 2016, a rejeté les recours gracieux formés contre ces mises en demeure. L'association " Les enfants de demain " et MM. E... et F... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des décisions du directeur académique des services de l'éducation nationale de Haute-Garonne des 20 juillet et 29 août 2016. A... un jugement n° 1604837 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande. A... un arrêt n° 17BX03127 du 30 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement et les décisions du directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne des 20 juillet et 29 août 2016. A... une décision n° 434919 du 2 avril 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juillet 2019 et lui a renvoyé l'affaire, qui a été attribuée à la cour administrative d'appel de Toulouse A... une ordonnance du 11 avril 2022 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Sur les fins de non-recevoir :

2. La demande devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que la requête d'appel ont été présentées A... M. B... E... qui justifie en sa qualité de parent d'un élève, B... Ibrahim, scolarisé dans l'école privée Al Badr, destinataire d'une mise en demeure du 20 juillet 2016 d'inscrire son enfant dans une autre école, d'un intérêt suffisant lui donnant qualité à agir. A... ailleurs et en tout état de cause, l'association " Les enfants de demain ", et M. H... F..., respectivement gestionnaire de l'école Al Badr et directeur de l'établissement à la date des décisions attaquées, justifient également d'un intérêt suffisant pour agir. L'association " Les enfants de demain " a également justifié de la délibération de son assemblée générale en date du 1er septembre 2016 autorisant son président, M. D... C..., à ester en son nom en justice. Dans ces conditions, les fins de non-recevoir opposées en défense doivent être écartées.

Sur le bien-fondé du jugement et des décisions attaquées :

3. Aux termes de l'article L. 131-1-1 du code de l'éducation : " Le droit de l'enfant à l'instruction a pour objet de lui garantir, d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté. / Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement ". Aux termes de son article L. 131-2 : " L'instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles A... les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix ". Aux termes de l'article L. 442-2 du même code : " Le contrôle de l'État sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'État A... contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale. L'autorité de l'État compétente en matière d'éducation peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s'assurer que l'enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises A... l'article L. 131-1-1 et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l'éducation tel que celui-ci est défini A... l'article L. 111-1. Ce contrôle a lieu dans l'établissement d'enseignement privé dont relèvent ces classes hors contrat. Les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l'établissement avec l'indication du délai dans lequel il sera mis en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation et des sanctions dont il serait l'objet dans le cas contraire. En cas de refus de sa part d'améliorer la situation et notamment de dispenser, malgré la mise en demeure de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini A... les articles L. 131-1-1 et L. 131-10, l'autorité académique avise le procureur de la République des faits susceptibles de constituer une infraction pénale. Dans cette hypothèse, les parents des élèves concernés sont mis en demeure d'inscrire leur enfant dans un autre établissement ".

4. A... ailleurs, aux termes de l'article 227-17-1 du code pénal : " Le fait, A... les parents d'un enfant ou toute personne exerçant à son égard l'autorité parentale ou une autorité de fait de façon continue, de ne pas l'inscrire dans un établissement d'enseignement, sans excuse valable, en dépit d'une mise en demeure de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende./ Le fait, A... un directeur d'établissement privé accueillant des classes hors contrat, de n'avoir pas pris, malgré la mise en demeure de l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation, les dispositions nécessaires pour que l'enseignement qui y est dispensé soit conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, tel que celui-ci est défini A... l'article L. 131-1-1 et L. 131-10 du code de l'éducation, et de n'avoir pas procédé à la fermeture de ces classes est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. En outre, le tribunal peut ordonner à l'encontre de celui-ci l'interdiction de diriger ou d'enseigner ainsi que la fermeture de l'établissement. ".

5. Il ressort des dispositions précitées de l'article L.442-2 du code de l'éducation que, pour que le courrier adressé au chef d'établissement, puisse être regardé comme valant régulièrement mise en demeure, il doit spécifier qu'il constitue une telle mise en demeure, avoir été précédé de la notification au directeur de l'établissement des résultats d'un contrôle, et avoir été précédé de l'indication préalable d'un délai à l'issue duquel il est demandé au chef d'établissement A... la mise en demeure de fournir ses explications ou d'améliorer la situation. La régularité de la mise en demeure adressée au chef d'établissement conditionne la légalité des mises en demeure adressées aux parents d'élèves. En revanche, l'issue de la procédure pénale est sans incidence sur la légalité de la procédure administrative qui est distincte.

6. En l'espèce, le courrier adressé le 7 mai 2015 au directeur de l'école Al Badr, ne peut être regardé comme valant mise en demeure au sens des dispositions précitées de l'article L 442-2 du code de l'éducation. En effet, ce courrier se présente seulement comme la transmission d'un compte rendu de visite de l'établissement ayant eu lieu le 7 avril 2015. Si ce courrier fait état de carences dans l'enseignement de certaines disciplines et annonce l'intervention d'un nouveau contrôle, il ne spécifie pas qu'il constitue une mise en demeure, ne demande pas à l'issue d'un délai préalablement fixé, au directeur de l'établissement de fournir ses explications ou d'améliorer la situation, ni n'indique hors la saisine du procureur de la République sur le fondement de l'article 227-17 du code de procédure pénale, les sanctions qui pourraient être prononcées.

7. Dans ces conditions, et alors qu'en tout état de cause, il est constant qu'aucun courrier valant mise en demeure répondant aux conditions posées A... l'article L 442-2 du code de l'éducation, n'a été adressé au directeur de l'établissement avant l'intervention des décisions du 20 juillet 2016 A... lesquelles l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a mis en demeure les parents d'élèves d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement que l'école Al Badr, les appelants sont fondés à soutenir, A... la voie de l'exception, que les décisions du 20 juillet 2016 sont entachées d'illégalité pour reposer sur une mise en demeure qui aurait été adressée le 7 mai 2015 au directeur de l'école Al Badr.

8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué du 4 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande en annulation des décisions du 20 juillet 2016 A... lesquelles l'inspecteur d'académie-directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne a mis en demeure les responsables légaux des élèves fréquentant l'école primaire Al Badr d'inscrire leurs enfants dans un autre établissement dans les plus brefs délais et de la décision du 29 août 2016 rejetant le recours gracieux formé le 30 juillet 2016 contre les décisions du 20 juillet 2016 et à demander l'annulation desdites décisions.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées A... M. B... E..., M. H... F..., et l'association " Les enfants de demain ", tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1604837 du 4 juillet 2017 est annulé.

Article 2 : Les décisions du directeur académique des services de l'éducation nationale de la Haute-Garonne des 20 juillet et 29 août 2016 sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à M. H... F..., à l'association " Les enfants de demain ", et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Blin, présidente-assesseure.

Rendu public A... mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21TL21460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL21460
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-07 Enseignement et recherche. - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. - Établissements d'enseignement privés.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BENECH

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-01-26;21tl21460 ?
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