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25/05/2023 | FRANCE | N°22TL22220

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 mai 2023, 22TL22220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204646 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022 sous le n° 22TL22220, le préfet de la Haute-Garonne demande

à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204646 du 17 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022 sous le n° 22TL22220, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- la requête est recevable ;

- à la date de son arrêté, la situation personnelle et familiale de M. B... ne justifiait pas que l'arrêté du 28 juillet 2022 soit annulé et, en tout état de cause, elle ne le justifie toujours pas.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, M. B..., représenté par Me Bachet, demande de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale dès lors que le préfet de la Haute-Garonne a omis d'examiner sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît ces stipulations et ces dispositions.

Par ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2023.

M. B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

II. Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022 sous le n° 22TL22222, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n°2204646 du 17 octobre 2022 par le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que les moyens d'annulation sur lesquels est fondée sa requête au fond présentent un caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2023, M. B..., représenté par Me Bachet, demande de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés et qu'en outre, d'autres moyens que ceux retenus par le tribunal administratif de Toulouse justifient l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2022.

Par ordonnance du 27 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2023.

M. B... a bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez ;

- et les observations de Me Bachet, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 27 mars 1992, est entré en France selon ses déclarations le 3 juillet 2020. Il a sollicité son admission au titre de l'asile le 21 juillet 2020. Le 11 octobre 2021, sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Cette décision a été confirmée le 6 mai 2022 par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet de la Haute-Garonne, par un arrêté du 28 juillet 2022, a obligé M. B... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la requête n° 22TL22220, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement du 17 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté au motif qu'il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par la requête n° 22TL22222, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 22TL22220 et n° 22TL22222 présentées par le préfet de la Haute-Garonne étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse ayant accordé l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 19 avril 2023, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit admis provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur la requête n° 22TL22220 :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Il ressort des pièces du dossier, et comme l'a relevé à bon droit le premier juge, que le fils de M. B..., A..., né le 4 septembre 2017, est placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance de Mende depuis mars 2021. M. B... a entrepris des démarches en avril 2022 auprès du juge des enfants afin d'obtenir un droit de visite qu'il a obtenu le 28 juin 2022 accompagné d'un droit de correspondance, au motif qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de pouvoir reprendre progressivement contact avec son père. Il ressort donc des pièces du dossier que M. B... démontrait effectivement, à la date de l'arrêté contesté, son intention de maintenir et développer les liens avec son fils, qui a vocation à demeurer en France puisque sa mère a le statut de réfugié. Ainsi, dès lors que la mesure d'éloignement aurait pour effet de séparer le jeune A... de son père, elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant et porte une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne a, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 28 juillet 2022 au motif qu'il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la requête n° 22TL22222 :

8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2204646 du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 22TL22222 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées à celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros devant lui être versée directement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête n°22TL22220 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22TL22222 tendant au sursis à exécution du jugement n° 2204646 du 17 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bachet la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... et à Me Noémi Bachet.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

Le président-rapporteur,

A. Barthez

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau

N. LafonLe greffier,

F. Kinach

Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL22220, 22TL22222 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22220
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-05-25;22tl22220 ?
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