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20/06/2023 | FRANCE | N°22TL20608

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 20 juin 2023, 22TL20608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement

sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une attestation de demande d'asile et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, au seul visa de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2104884 du 26 novembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2022, sous le n°22BX00608 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20608, et un mémoire, enregistré le 14 décembre 2022, Mme B... C..., représentée par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 26 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 28 juillet 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une attestation de demande d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle totale, à lui verser au seul visa de l'article L. 761-1.

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen ; le préfet s'est cru tenu par le rejet de sa demande d'asile ;

- elles sont affectées d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas pris en compte la situation de ses enfants mineurs ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les stipulations du paragraphe 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard du 9° de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Une mise en demeure a été adressée 21 octobre 2022 au préfet de la Haute-Garonne.

Par une ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été reportée au 6 janvier 2023.

Un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction a été produit par le préfet de la Haute-Garonne et n'a pas été communiqué.

Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- et les observations de Me Bachet, représentant Mme B... C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante algérienne née le 9 février 1979 à Oran (Algérie), est entrée en France le 17 octobre 2019. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile le 31 janvier 2020. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 3 novembre 2020, confirmée par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 28 mai 2021. Mme B... C... a également sollicité, le 12 janvier 2021, son admission au séjour pour raisons de santé. Le 28 juillet 2021, le préfet de la Haute-Garonne a édicté à son encontre un arrêté portant refus de séjour, obligation quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Par un jugement du 26 novembre 2021, dont Mme B... C... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2021.

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

2. Mme B... C... reprend en appel et sans critiquer utilement les réponses apportées par le premier juge, les moyens tirés du défaut de motivation des décisions contestées, du défaut d'examen et du vice de procédure en l'absence de prise en compte de la situation de ses enfants mineurs. Dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 4, 5 et 6 du jugement contesté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

3. Aux termes des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 16 mars 2021, que l'état de santé de Mme B... C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cette appréciation, Mme B... C... se prévaut d'un certificat médical établi par un médecin psychiatre le 15 janvier 2021 et de ce qu'un de ses médicaments n'est pas disponible en Algérie dans le dosage prescrit et qu'un autre ne figure pas sur la liste des médicaments disponibles. Il ressort du certificat médical produit par la requérante que celle-ci présente une psychose chronique dissociative et qu'elle doit bénéficier d'un suivi psychiatrique et d'un traitement médicamenteux dans un cadre de vie suffisamment stable pour assurer l'efficacité des soins qui lui sont nécessaires. Ce certificat mentionne que l'absence de soins ou bien l'insuffisance du cadre de vie et de prise en charge pourraient avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un renvoi intempestif en Algérie aurait également des conséquences potentiellement graves et qu'un statut administratif stable sur le territoire français doit lui être garanti pour qu'elle puisse se soigner correctement. Cependant, ce document, dans les termes dans lesquels il est rédigé, insuffisamment circonstancié sur la nature, la probabilité et le délai présumé de survenance des conséquences alléguées, n'apparaît pas, à lui seul, suffisant, pour infirmer les conclusions du collège de médecins. Dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations précitées et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C... est arrivée récemment sur le territoire français le 17 octobre 2019, accompagnée de ses deux premiers enfants, pour y solliciter son admission au séjour au titre de l'asile. Si elle a donné naissance à son dernier fils en France, ses trois enfants possèdent la nationalité algérienne. La requérante ne se prévaut d'aucune autre attache sur le territoire national, alors qu'elle n'est pas dépourvue de liens personnels en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans et où réside sa fille aînée majeure. Par ailleurs, elle n'établit ni les conséquences exceptionnellement graves d'un défaut de prise en charge, ni que ses troubles pourraient être aggravés du seul fait d'un retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions et alors que Mme B... C... ne peut utilement invoquer les risques encourus en Algérie, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels la décision a été prise. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées. Pour les mêmes raisons, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ou de ses conséquences.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

9. Pour les motifs mentionnés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L.611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

10. Pour les motifs mentionnés au point 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

11. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge au point 17 du jugement querellé.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ou de la mesure d'éloignement.

13. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge au point 20 du jugement querellé.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 28 juillet 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Bachet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL20608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20608
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-06-20;22tl20608 ?
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