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06/07/2023 | FRANCE | N°20TL23927

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 06 juillet 2023, 20TL23927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1803359, la commune de Lavernose-Lacasse a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 mai 2018 fixant à 227 834 euros le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018 et d'enjoindre au ministre, à titre principal, de lui reverser la somme de 48 371 euros ou, à titre subsidiaire, de recalculer le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'a

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1803359, la commune de Lavernose-Lacasse a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 mai 2018 fixant à 227 834 euros le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018 et d'enjoindre au ministre, à titre principal, de lui reverser la somme de 48 371 euros ou, à titre subsidiaire, de recalculer le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018 indépendamment du montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribué au titre de l'année 2016.

Par une requête enregistrée sous le n° 1804954, la commune de Lavernose-Lacasse a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande préalable d'indemnisation et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 63 279 euros en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des dotations forfaitaires qui lui ont été attribuées en 2016, 2017 et 2018, assortie des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1803359, 1804954 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes de la commune de Lavernose-Lacasse.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020, sous le n° 20BX03927 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL23927 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la commune de Lavernose-Lacasse, représentée par Me Briand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 31 mai 2018 fixant le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018, en tant que ce montant est fixé à 227 834 euros et que cette dotation cristallise la baisse de la dotation qui lui a été attribuée au titre de l'année 2016 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui reverser la somme de 48 371 euros ou, à titre subsidiaire, de recalculer le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018 indépendamment du montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribué au titre de l'année 2016 ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande indemnitaire préalable ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 63 279 euros en réparation du préjudice subi du fait de la minoration des dotations forfaitaires qui lui ont été attribuées en 2016, 2017 et 2018, assortie des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en précisant, à l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales, la notion de recettes réelles de fonctionnement, le pouvoir règlementaire a excédé sa compétence et empiété sur le domaine de la loi ;

- les dispositions de l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales sont illégales dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du même code, qui excluent les recettes exceptionnelles du calcul de la minoration de la dotation forfaitaire ;

- la décision d'attribution de la dotation forfaitaire au titre de l'année 2016 est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors que la recette de 1 145 865 euros, comptabilisée en 2014 et correspondant au reversement d'un excédent de fonctionnement du budget annexe du lotissement communal, a la nature d'une recette exceptionnelle au sens de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales et n'aurait pas dû être prise en compte pour le calcul de la minoration de la dotation forfaitaire ;

- dès lors que le montant de la dotation forfaitaire attribuée au titre d'une année est déterminé compte tenu du montant perçu l'année précédente au titre de cette dotation, l'illégalité de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2016 entache d'illégalité la dotation qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018 ;

- ces erreurs dans le calcul des dotations forfaitaires au titre de 2016, 2017 et 2018 sont fautives et lui ont causé un préjudice financier évalué à 21 093 euros pour chaque année.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de Lavernose-Lacasse.

Par ordonnance du 29 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 18 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 34 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2015-502 du 30 avril 2015 ;

- le décret n° 2016-423 du 8 avril 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Sylvie Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 31 mai 2018, le ministre de l'intérieur a attribué à la commune de Lavernose-Lacasse (Haute-Garonne) une dotation forfaitaire d'un montant de 227 834 euros. Par une première demande, la commune a saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'obtenir l'annulation de cet arrêté en ce qu'il fixe le montant de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2018, et qu'il soit enjoint au ministre de lui reverser une somme de 48 371 euros ou, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint de recalculer le montant de cette dotation. Par ailleurs, la commune de Lavernose-Lacasse a adressé le 1er août 2018 une demande indemnitaire au préfet de la Haute-Garonne aux fins d'obtenir une indemnité d'un montant de 63 279 euros en réparation des préjudices résultant de la faute qui aurait été, selon elle, commise dans le calcul de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2016 et, par voie de conséquence, dans celui des dotations forfaitaires attribuées au titre des années 2017 et 2018. Par une seconde demande, la commune de Lavernose-Lacasse a saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'obtenir l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande indemnitaire et la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 63 279 euros, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts. La commune de Lavernose-Lacasse relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales : " Une dotation globale de fonctionnement est instituée en faveur des communes et de certains de leurs groupements. Elle se compose d'une dotation forfaitaire et d'une dotation d'aménagement ".

3. Aux termes du III de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " A compter de 2015, la dotation forfaitaire de chaque commune est égale au montant perçu l'année précédente au titre de cette dotation. (...) / En 2015, la dotation forfaitaire à prendre en compte pour l'application du premier alinéa du présent III est égale au montant perçu en 2014 au titre de cette dotation en application des I et II du présent article, diminué du montant de la minoration prévu à l'article L. 2334-7-3 pour 2014 calculé sans tenir compte des recettes exceptionnelles constatées dans les derniers comptes de gestion disponibles au 1er janvier 2014. (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " En 2014, le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant de 588 millions d'euros. En 2015, cette dotation est minorée de 1 450 millions d'euros. En 2016, cette dotation est minorée de 1 450 millions d'euros. En 2017, cette dotation est minorée de 725 millions d'euros. Cette minoration est répartie entre les communes au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, minorées (...) des recettes exceptionnelles (...) telles que constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles. (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Pour l'application de l'article L. 2334-7-3, les recettes réelles de fonctionnement s'entendent de l'ensemble des produits de fonctionnement de l'exercice entraînant des mouvements réels, tels que constatés dans les comptes de gestion. Ils sont constitués des produits comptabilisés dans les comptes de produits, majorés des montants figurant dans les comptes d'atténuations de charges et minorés des montants comptabilisés dans les comptes retraçant les atténuations de produits, les mises à disposition de personnel facturées à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à ses communes membres, les reprises sur amortissement et provisions, les produits des cessions d'immobilisations, les différences sur réalisations négatives reprises au compte de résultat, la quote-part des subventions d'investissement transférée au compte de résultat, les transferts de charge, les travaux en régie, les produits exceptionnels sur opérations de gestion, les mandats annulés ou atteints par la prescription quadriennale, les subventions exceptionnelles, les autres produits exceptionnels, les variations de stock et, pour les communes des départements d'outre-mer à compter de 2016, les montants perçus au titre de l'octroi de mer ".

6. En premier lieu, la commune de Lavernose-Lacasse excipe de l'illégalité des dispositions de l'article 1er du décret du 30 avril 2015 et de celles de l'article 3 du décret du 8 avril 2016, en tant qu'elles ont modifié les dispositions de l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales. Elle soutient que ces dispositions ont été prises en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution aux termes duquel : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux : (...) / - de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; (...) ". Toutefois, en précisant la notion de recettes réelles de fonctionnement du budget principal telles que constatées dans les comptes de gestion, au sens et pour l'application de l'article L. 2334-7-3 du même code, le Premier ministre a exercé la compétence qu'il tient de l'article 21 de la Constitution pour assurer l'exécution des lois et n'a pas empiété sur le domaine de la loi défini à l'article 34 de la Constitution.

7. En deuxième lieu, l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que les recettes réelles de fonctionnement du budget général, au sens de l'article L. 2334-7-3 du même code, s'entendent de l'ensemble des produits de fonctionnement de l'exercice entraînant des mouvements réels, tels que constatés dans les comptes de gestion. A cet effet, l'article R. 2334-3-2 précise que les produits de fonctionnement sont minorés, notamment, des montants comptabilisés dans les comptes retraçant les produits exceptionnels sur opérations de gestion, les mandats annulés ou atteints par la prescription quadriennale, les subventions exceptionnelles, les autres produits exceptionnels. D'une part, la circonstance que les items pris en compte pour minorer les produits de fonctionnement figurent dans l'instruction budgétaire et comptable applicable aux communes dite " M14 " est sans incidence pour apprécier la légalité de l'article R. 2334-3-2 au regard de l'article L. 2334-7-3. D'autre part et contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de cet article que la notion de dépenses exceptionnelles, lesquelles sont exclues pour le calcul de la minoration, devrait être entendue comme comprenant les recettes de gestion courante de la section de fonctionnement du budget général d'une commune qui proviennent du reversement d'un excédent de gestion provenant d'un budget annexe. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article R. 2334-3-2 méconnaît l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

8. En troisième lieu, la commune de Lavernose-Lacasse soutient que la somme de 1 145 865 euros correspondant au reversement d'un excédent de fonctionnement du budget annexe " lotissement communal ", qu'elle a perçue au cours de l'année 2014, n'aurait pas dû être prise en compte dans les recettes réelles de fonctionnement du budget principal pour le calcul de la minoration de sa dotation forfaitaire, dès lors que cette somme a la nature d'une recette exceptionnelle. Cette erreur aurait entraîné, par voie de conséquence, une erreur dans la détermination de la dotation forfaitaire attribuée au titre de l'année 2018.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation établie le 6 avril 2016 par le comptable public assignataire de la commune de Lavernose-Lacasse, que la recette de 1 145 865 euros correspondant au reversement d'un excédent de fonctionnement du budget annexe " lotissement communal " a été régulièrement comptabilisée au compte 7551 " Excédent des budgets annexes à caractère administratif " du budget principal de la commune au titre de 2014. D'une part, ce compte, qui est un compte de produits de gestion courante de la section de fonctionnement du budget de la commune, n'est pas au nombre de ceux énumérés à l'article R. 2334-3-2 du code général des collectivités territoriales dont les montants viennent en minoration des produits comptabilisés dans les comptes de produits, pour aboutir à la détermination des recettes réelles de fonctionnement dont il est tenu compte pour la détermination de la minoration prévue à l'article L. 2334-7-3 de ce code. D'autre part, la commune n'établit ni même n'allègue que cette somme n'aurait pas le caractère d'une recette réelle. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait dans la détermination de la minoration de la dotation forfaitaire au titre de l'année 2016 et, par voie de conséquence, dans celle de la minoration de la dotation forfaitaire au titre de l'année 2018 doivent être écartés.

10. En dernier lieu, la commune de Lavernose-Lacasse n'est, par voie de conséquence, pas fondée à soutenir que la détermination de la minoration de la dotation forfaitaire qui lui a été attribuée au titre de l'année 2016 et, par voie de conséquence, celle des dotations attribuées au titre des années 2017 et 2018 seraient constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lavernose-Lacasse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais liés au litige :

12. les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser à la commune de Lavernose-Lacasse.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Lavernose-Lacasse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lavernose-Lacasse et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°20TL23927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20TL23927
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Finances communales - Recettes - Dotations - Dotation globale de fonctionnement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-06;20tl23927 ?
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