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20/07/2023 | FRANCE | N°21TL01527

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juillet 2023, 21TL01527


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oban Holding APS a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution d'une somme de 571 378 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'exercice clos en 2014 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900894 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021 sous le n° 21MA01527

au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01527 au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Oban Holding APS a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution d'une somme de 571 378 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'exercice clos en 2014 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1900894 du 1er mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2021 sous le n° 21MA01527 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01527 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et trois mémoires complémentaires enregistrés le 10 août 2022, le 22 février 2023 et le 28 avril 2023, la société Oban Holding APS, représentée par Me Lagneaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, assortie des intérêts moratoires, d'une somme de 571 378 euros dont elle s'estimait titulaire au titre de l'exercice clos en 2014 en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, qui ne précise pas les raisons pour lesquelles, d'une part, la détention d'un immeuble à son actif ne relevait pas d'une activité lucrative, d'autre part, le droit à restitution prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts n'était pas applicable, enfin, la situation de double imposition n'était pas démontrée, est insuffisamment motivé ;

- l'opération ne relevait pas du prélèvement prévu à l'article 244 bis du code général des impôts, qui concerne les bénéfices qualifiés de profits immobiliers au sens de l'article 35 du même code ;

- elle se livrait en France à l'exploitation d'une activité économique passible de l'impôt sur les sociétés ;

- elle remplit les conditions prévues au V de l'article 244 bis A du code général des impôts ou à l'article 244 bis du même code pour obtenir la restitution de l'excédent de prélèvement, alors même qu'elle a obtenu un dégrèvement de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 ;

- elle a subi une double imposition au titre de l'exercice clos en 2014 en raison du prélèvement réalisé sur la plus-value immobilière et de l'imposition de son résultat courant, prenant en compte cette plus-value en tant que résultat exceptionnel ;

- la doctrine référencée BOI-RFPI-PVINR-10-10 n° 80 prévoit que, lorsque l'immeuble cédé est inscrit à l'actif du bilan fiscal de la cédante sans être affecté à l'activité d'exploitation, le prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts est dû sans préjudice de l'imposition de la plus-value selon le régime des plus-values professionnelles.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 21 février 2022, le 11 janvier 2023, le 16 mars 2023 et le 9 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Oban Holding APS.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Oban Holding APS, société de droit danois ayant pour objet le négoce de biens immobiliers, a vendu, le 18 décembre 2014, deux biens immobiliers situés 120 rue Marcel Dassault à Castelnau-le-Lez (Hérault), qu'elle avait acquis en un seul lot le 24 août 2007. Les profits réalisés à cette occasion ont donné lieu au paiement, le 15 janvier 2015, conformément à ses déclarations, d'une somme totale de 848 556 euros au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts. Par ailleurs, la société Oban Holding APS a déposé, au titre de son exercice clos en 2014, une déclaration de résultats faisant apparaître un bénéfice de 831 535 euros donnant lieu à un impôt sur les sociétés de 277 178 euros. Estimant que le prélèvement acquitté s'imputait sur ce montant, la société a ensuite présenté, en application des dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts, une demande de remboursement d'une somme de 571 378 euros correspondant à la différence entre le montant du prélèvement et celui de l'impôt sur les sociétés. Cette réclamation ayant été rejetée par l'administration fiscale, la société a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution de cette somme. Elle fait appel du jugement du 1er mars 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé sur jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. - Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) / 3° Personnes qui procèdent à la cession d'un terrain divisé en lots destinés à être construits lorsque le terrain a été acquis à cet effet (...) ". L'article 244 bis du même code, dans sa rédaction applicable à la date des cessions, dispose que : " Les profits mentionnés à l'article 35 donnent lieu à la perception d'un prélèvement de 33,1/3 % lorsqu'ils sont réalisés par des contribuables ou par des sociétés, quelle qu'en soit la forme, qui n'ont pas d'établissement en France. (...) / Il s'impute sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le cédant au titre de l'année de réalisation des profits. Pour les personnes morales et organismes résidents d'un Etat de l'Union européenne ou d'un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en matière d'échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A, l'excédent du prélèvement sur l'impôt dû est restitué (...) ". Aux termes enfin de l'article 244 bis A du même code, dans sa rédaction applicable à la date des cessions : " I.-1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. (...) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : (...) b) Les personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme, dont le siège social est situé hors de France (...) / 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens (...) / V.- Le prélèvement mentionné au I (...) s'impute, le cas échéant, sur le montant de l'impôt sur les sociétés dû par le contribuable à raison de cette plus-value au titre de l'année de sa réalisation. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué aux personnes morales résidentes d'un Etat de l'Union européenne ou d'un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en matière d'échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales et n'étant pas non coopératif au sens de l'article 238-0 A ".

3. L'application des dispositions précitées des articles 35 et 244 bis du code général des impôts est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. Une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition par la société des immeubles ultérieurement revendus. La condition d'habitude s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que l'acte d'acquisition du 24 août 2007 précisait que la société Oban Holding APS demandait à bénéficier du régime spécial des achats effectués en vue de la revente, permettant une exonération des droits et taxes de mutation en vertu de l'article 1115 du code général des impôts, et s'engageait à revendre le bien acquis au plus tard le 3 septembre 2008. Ces éléments permettent de considérer que cette société, qui a été immatriculée le 16 octobre 2006 au registre du commerce et des sociétés danois avec un objet consistant à " mener des activités d'investissements financiers, incluant d'une façon non exhaustive l'achat, la possession, la location, la gestion et la vente de biens immobiliers ", a procédé à l'acquisition du bien en cause dans une intention spéculative. Les circonstances que le bien en cause a été inscrit postérieurement dans sa comptabilité comme une immobilisation et non comme un élément de son stock et que les cessions ont ensuite été comptabilisées comme des opérations exceptionnelles ne sont pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Oban Holding APS a divisé le bien immobilier acquis le 24 août 2007, composé d'un bâtiment à usage d'entrepôt sur un terrain de 12 741 mètres carrés, en sept lots le 20 novembre 2014, après avoir obtenu, le 8 août 2013, un permis de construire valant autorisation de démolir. Les deux ventes du 18 décembre 2014 concernaient quatre de ces lots. L'administration relève par ailleurs que la société a réalisé, sous le régime de marchand de biens, une troisième vente, le 2 décembre 2016, pour des parcelles similaires. Dans l'ensemble de ces conditions, les cessions consenties en 2014 par la société requérante, alors même qu'elles sont intervenues plusieurs années après l'acquisition du bien correspondant, ont revêtu un caractère habituel.

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la société Oban Holding APS, bien que n'ayant acquis qu'un seul immeuble en France, se livrait à une activité de marchand de biens entrant dans le champ des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts. Par suite, alors qu'il n'est pas contesté que cette société n'avait en France aucun établissement auquel auraient été rattachés les immeubles en cause, les profits réalisés à l'occasion des cessions du 18 décembre 2014 relevaient du prélèvement prévu à l'article 244 bis du code général des impôts et non des dispositions de l'article 244 bis A du même code, revendiquées par la société requérante.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / (...) / 2. Sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas l'une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ".

8. A supposer même que la société Oban Holding APS ne puisse être regardée comme soumise à l'impôt sur les sociétés du seul fait de sa forme sociale, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'elle s'est livrée en France, au cours de son exercice clos en 2014, à une activité entrant dans le champ des dispositions du I de l'article 35 du code général des impôts. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant eu une activité commerciale et donc lucrative, la rendant passible de l'impôt sur les sociétés en France en vertu de l'article 206 du code général des impôts.

9. En troisième lieu, il résulte de la déclaration de résultats déposée le 24 juillet 2015 que la société Oban Holding APS a réalisé un bénéfice de 831 535 euros au titre de l'exercice clos en 2014, année de réalisation des profits résultant des cessions réalisées le 18 décembre 2014. Il n'est pas contesté qu'un tel bénéfice implique une cotisation d'impôt sur les sociétés s'élevant à la somme de 277 178 euros. La société Oban Holding APS était donc redevable de cette somme au titre de l'exercice correspondant. Dans ces conditions, la société requérante, dont le prélèvement acquitté sur les profits s'est élevé à 848 556 euros, établit l'existence d'un excédent de 571 378 euros. Dès lors qu'elle est résidente d'un Etat de l'Union européenne et alors même qu'elle a bénéficié d'un dégrèvement de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014, elle est en droit de demander la restitution de cet excédent sur le fondement des dispositions précitées de l'article 244 bis du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, y compris celui relatif à la régularité du jugement, que la société Oban Holding APS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société Oban Holding APS sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er mars 2021 est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la société Oban Holding APS la restitution de la somme de 571 378 euros.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Oban Holding APS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Oban Holding APS et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL01527 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL01527
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables - Énumération des personnes et activités.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : GL CONSEILS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;21tl01527 ?
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