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20/07/2023 | FRANCE | N°22TL20865

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 20 juillet 2023, 22TL20865


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003694 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022,

Mme A... épouse B..., représentée par Me Gueye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003694 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2022, Mme A... épouse B..., représentée par Me Gueye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision n'a pas été précédée de l'examen de la direction du travail et de la formation professionnelle ;

- cette décision n'a pas été précédée de l'avis de la commission du titre de séjour ;

- cette décision méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de fondement légal ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 8 mars 2023, Mme A... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Dakar le 1er août 1995 ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Restino, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B..., de nationalité sénégalaise et née le 15 janvier 1968 au Sénégal, déclare être entrée sur le territoire français en 2009. Elle a sollicité, le 11 juin 2019, son admission exceptionnelle au séjour. Elle relève appel du jugement du 1er mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2020 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal a répondu et l'a fait de manière suffisante, aux points 2 et 19 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 22 juin 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée vise les textes sur lesquelles elle se fonde, notamment les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle mentionne également les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de la requérante pris en compte. Ainsi, la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté ni des pièces du dossier que le préfet de Tarn-et-Garonne n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de la requérante.

5. En troisième lieu, il est constant que la requérante a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale et en qualité de salarié, en se fondant notamment sur le paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, qui renvoie aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposaient au préfet de soumettre la demande la requérante à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Par suite, le moyen doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles visés par ces dispositions auxquels il envisage néanmoins de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent. Par ailleurs, aux termes du second alinéa de l'article L. 313-14 du même code, alors en vigueur : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

7. Si la requérante soutient résider habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans en se prévalant notamment de plusieurs visas valables du 3 juillet au 10 octobre 2009, du 8 juillet au 1er octobre 2010, du 8 juillet au 8 octobre 2015 et du 26 juillet 2018 au 25 juillet 2022 ainsi que d'une demande d'autorisation de travail du 5 avril 2018, ces éléments ne sont pas suffisants pour justifier d'une résidence habituelle depuis plus de dix ans. Le préfet de Tarn-et-Garonne n'était donc pas tenu de saisir la commission du titre de séjour de la demande de la requérante. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : / - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Le premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

9. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14, lequel permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

10. D'une part, si la requérante se prévaut de la durée de sa présence sur le territoire français, sans toutefois en justifier ainsi qu'il a été exposé au point 7, et de son intégration sociale en faisant notamment valoir la relation amicale qu'elle entretient avec une ressortissante française, ces éléments ne constituent pas de motifs humanitaires exceptionnels pour l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, si elle soutient qu'elle est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'assistante de vie, et à supposer même que cet emploi puisse être assimilé au métier d' " employé de ménage à domicile " inscrit sur la liste figurant en annexe IV de l'accord franco-sénégalais, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'elle disposerait d'un niveau de qualification et d'expérience tel qu'elle puisse être regardée comme justifiant de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il ressort de son curriculum vitae qu'elle est titulaire d'un diplôme de technicien supérieur en transit, transport et logistique et qu'elle ne justifie avoir exercé des fonctions d'assistante de vie qu'à partir du 29 août 2018, au cours des mois de janvier à juin 2019, février 2020 et avril 2020, ce qui ne permet pas d'établir une expérience particulière dans ce domaine. Par suite, le préfet de Tarn-et-Garonne n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour pour soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale. Ce moyen doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si la requérante se prévaut de ce qu'elle aurait tissé des liens d'amitié et de confraternité à Toulouse en participant régulièrement aux différentes activités d'associations et qu'elle est intégrée professionnellement et socialement en France, elle ne l'établit pas. En outre, elle n'est pas dépourvue d'attaches privées et familiales au Sénégal, où résident notamment ses deux enfants âgés de seize et dix-neuf ans et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. Par suite, Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, pour les mêmes éléments de fait que ceux indiqués aux points 10 et 13, le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante doit également être écarté.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

16. Le présent jugement n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la requérante à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... épouse B... sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... épouse B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à Me Doro Gueye, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL20865


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20865
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : GUEYE DORO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-20;22tl20865 ?
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