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19/09/2023 | FRANCE | N°22TL21478

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 19 septembre 2023, 22TL21478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de six mois.

Par un jugement n° 2106524 du 30 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa dema

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, au g...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de six mois.

Par un jugement n° 2106524 du 30 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, au greffe de la cour administrative de Toulouse, M. B..., représenté par Me Durand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé

Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2023 à 12 heures.

Par une décision du 10 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 14 février 1998, est entré sur le territoire français le 6 août 2019. Le 13 septembre 2019, il a introduit une demande d'asile qui a fait l'objet d'une décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides en date du 19 octobre 2020, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une ordonnance du 20 juillet 2021. Par un arrêté en date du 19 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 30 décembre 2021 dont M. B... relève appel, rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". L'article R. 611-1 du même code dispose : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ". L'article R. 611-2 ajoute que cet avis " est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu : 1° D'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier ; 2° Des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne aurait eu connaissance des pathologies dont M. B... se dit affecté. Il ne ressort notamment pas de ces pièces qu'antérieurement à l'édiction de l'arrêté en litige, l'intéressé aurait fait état de ses problèmes de santé, dont il ne s'est prévalu que devant le premier juge. Il ne justifie donc pas avoir porté à la connaissance du préfet de la Haute-Garonne des éléments relatifs à son état de santé pouvant être qualifiés de sérieux et justifiant la mise en œuvre de la procédure prévue pour faire constater l'état de santé d'un étranger qui sollicite le bénéfice de la protection prévue par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Au demeurant, ni la seule pièce médicale présentant une date antérieure à la décision attaquée faisant état d'une pathologie digestive, ni les certificats médicaux postérieurs à cette décision ne se prononcent de manière circonstanciée sur l'indisponibilité du traitement médicamenteux prescrit à l'appelant dans son pays d'origine. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision d'un vice de procédure pour ne pas avoir saisi pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. En second lieu, M. B... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. En l'absence de critique utile du jugement attaqué sur ces points, ces moyens peuvent être écartés par adoption des motifs pertinemment retenus par la première juge.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, en l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait dépourvue de base légale doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à compter du 1er mai 2021 : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, M. B... n'établit pas qu'il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine. S'il fait également valoir qu'il a fui le Nigéria pour échapper aux menaces pesant sur sa vie et sur sa liberté, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite et alors que, au demeurant, la demande d'asile de l'intéressé a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2023.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21478
Date de la décision : 19/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-19;22tl21478 ?
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