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21/09/2023 | FRANCE | N°22TL21240

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 21 septembre 2023, 22TL21240


Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté n° 2020-31-1927 du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme E... I... épouse H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté n° 2020-31-1928 du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a

rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français d...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté n° 2020-31-1927 du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Mme E... I... épouse H... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté n° 2020-31-1928 du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement nos 2101503, 2101573 du 18 mars 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les deux demandes ainsi présentées.

Procédures devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22TL21240 les 31 mai 2022, 26 août 2022, 11 octobre 2022, 8 novembre 2022 et 17 janvier 2023, M. C... H..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-31-1927 du 24 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Toulouse n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 15 octobre 2020 s'agissant de son état de santé et, d'autre part, de l'existence de risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le tribunal administratif de Toulouse n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle et familiale et a commis une erreur d'appréciation sur ce point ;

- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen individualisé suffisant de sa situation personnelle ; il n'a par ailleurs pas respecté le délai de trois mois imparti par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 14 janvier 2020 ;

- la procédure suivie est irrégulière dès lors qu'il n'a pas eu communication du rapport médical et de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; l'administration a méconnu son droit d'être entendu en ne lui transmettant pas ces pièces avant l'édiction de l'arrêté ; ledit avis n'est pas revêtu de la signature de l'un des trois médecins ; il n'est pas établi que les auteurs du rapport et de l'avis aient été désignés comme médecins de l'office ; l'avis n'est pas complet et ne permet pas de connaître les informations prises en compte pour apprécier les possibilités de soins en Algérie ;

- le préfet s'est placé en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs d'appréciation dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge en France, que l'ensemble de ses intérêts personnels et familiaux se situent dans ce pays, qu'il y justifie d'une intégration sociale et professionnelle et que l'intérêt supérieur de ses enfants implique le maintien de la cellule familiale en France en application de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023.

Par une décision du 18 mai 2022, M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II - Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 22TL21241 les 31 mai 2022, 26 août 2022, 11 octobre 2022, 9 novembre 2022 et 17 janvier 2023, Mme E... I... épouse H..., représentée par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-31-1928 du 24 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 300 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal administratif de Toulouse n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 15 octobre 2020 s'agissant de l'état de santé de son époux et, d'autre part, de l'existence de risques en cas de retour dans son pays d'origine ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le tribunal administratif de Toulouse n'a pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle et familiale et a commis une erreur d'appréciation sur ce point ;

- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen individualisé suffisant de sa situation personnelle ; il n'a notamment pas examiné sa demande de titre de séjour au titre de l'activité professionnelle ; il n'a par ailleurs pas respecté le délai de trois mois imparti par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans son arrêt du 14 janvier 2020 ;

- la procédure suivie est irrégulière dès lors que son époux n'a pas eu communication du rapport médical et de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; l'administration a méconnu le droit de son époux d'être entendu en ne lui transmettant pas ces pièces ; ledit avis n'est pas revêtu de la signature de l'un des trois médecins ; il n'est pas établi que les auteurs du rapport et de l'avis aient été désignés comme médecins de l'office ; l'avis n'est pas complet et ne permet pas de connaître les informations prises en compte pour apprécier les possibilités de soins en Algérie ;

- le préfet s'est placé en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreurs d'appréciation dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge en France, que l'ensemble de ses intérêts personnels et familiaux se situent dans ce pays, qu'il y justifie d'une intégration sociale et professionnelle et que l'intérêt supérieur de ses enfants implique le maintien de la cellule familiale en France en application de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'autorité préfectorale n'a pas procédé à un examen des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2023.

Par une décision du 18 mai 2022, Mme I... épouse H... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, signé le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport B... Jazeron, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., ressortissant algérien, né le 28 septembre 1969, est entré en France le 15 juin 2018 sous couvert d'un visa de court séjour et y a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 décembre 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 29 mai 2019. Mme I... épouse H... avait rejoint son mari sur le territoire français le 19 septembre 2018 sous couvert d'un visa de court séjour, avec leurs trois enfants mineurs. Par deux arrêtés pris le 21 mars 2019, le préfet de la Haute-Garonne a obligé les intéressés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, mais, par un arrêt du 14 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a prononcé l'annulation de ces arrêtés et enjoint au préfet de réexaminer leur situation dans un délai de trois mois. Le 7 juillet suivant, les époux H... se sont vu remettre des dossiers de demande de réexamen. Les intéressés ont alors sollicité un titre de séjour, le premier en qualité d'étranger malade et la seconde au titre de la vie privée et familiale en qualité d'accompagnante d'étranger malade. Par deux arrêtés édictés le 4 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme H... ont contesté ces arrêtés devant le tribunal administratif de Toulouse, lequel a rejeté leurs demandes en annulation, après les avoir jointes, par un jugement du 18 mars 2022. Par leurs requêtes respectives nos 22TL21240 et 22TL21241, M. et Mme H... relèvent appel de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement litigieux que le tribunal administratif de Toulouse a répondu, au point 5, au moyen soulevé par les requérants tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 15 octobre 2020 et, au point 18, au moyen tiré de l'existence de risques en cas de retour dans leur pays d'origine. Les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties à l'appui de ces moyens et ont exposé avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles ils ont estimé que lesdits moyens n'étaient pas fondés. En conséquence, le jugement contesté n'est pas entaché des irrégularités invoquées par les appelants.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Les requérants contestent le bien-fondé du jugement du 18 mars 2022 en soutenant notamment que le tribunal administratif n'a pas procédé à un examen suffisant de leur situation personnelle et familiale et qu'il a commis une erreur d'appréciation sur ce point. Les moyens soulevés en ce sens relèvent cependant du contrôle du juge de cassation et non du contrôle du juge d'appel, auquel il appartient seulement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur la légalité des deux arrêtés préfectoraux édictés le 24 décembre 2020.

4. En premier lieu, par un arrêté du 15 décembre 2020 publié le jour même, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme J... F..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer les décisions portant refus de séjour et les mesures d'éloignement. Par suite et sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'absence ou l'empêchement du préfet dès lors que la délégation en cause n'est pas subordonnée à une telle circonstance, Mme F... a pu régulièrement signer les arrêtés en litige au nom du préfet. Il en résulte que les moyens tirés de l'incompétence de la signataire des arrêtés doivent être écartés comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, les arrêtés contestés visent les dispositions et les stipulations dont ils font application et mentionnent l'ensemble des circonstances de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour prendre les décisions en litige. Ils exposent notamment avec une précision suffisante les principaux éléments relatifs à la situation personnelle et familiale des requérants. Par voie de conséquence, les décisions critiquées sont suffisamment motivées.

6. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation des arrêtés attaqués, ni des autres pièces des dossiers, que le préfet de la Haute-Garonne ne se serait pas livré à un examen individualisé suffisant de la situation B... et Mme H... avant de prendre les décisions en litige. En particulier, contrairement à ce qui est soutenu, il ressort des termes mêmes des arrêtés préfectoraux contestés que le droit au séjour des intéressés a été également examiné au titre de l'activité professionnelle, au regard notamment des promesses de recrutement dont ils s'étaient prévalus à l'appui de leurs demandes de réexamen. Enfin, la circonstance que l'administration n'a pas procédé au réexamen de la situation des appelants dans le délai de trois mois assortissant l'injonction prononcée par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 14 janvier 2020 n'est pas susceptible d'influer sur la légalité des arrêtés critiqués dans la présente instance.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

8. En outre, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, applicable à l'instruction des demandes de titre de séjour présentées par les ressortissants algériens pour raisons médicales : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Et selon l'article R. 313-2 " du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

9. Il ressort des pièces des dossiers que, pour prendre les arrêtés en litige, le préfet de la Haute-Garonne s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 15 octobre 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration concernant l'état de santé B... H.... Par cet avis, le collège de médecins a estimé que, si l'état de santé de l'appelant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Algérie au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé dans ce pays.

10. D'une part, aucun texte ni aucun principe n'impose à l'autorité administrative de transmettre à l'étranger le rapport médical et l'avis du collège de médecins de l'office avant de se prononcer sur son droit au séjour en France. M. H... ne peut donc utilement invoquer la violation de son droit d'être entendu au motif que ces pièces ne lui ont pas été communiquées préalablement à l'édiction de l'arrêté préfectoral. D'autre part, l'administration a produit en première instance la copie de l'avis émis par le collège le 15 octobre 2020 sur l'état de santé de l'intéressé. Il ressort de l'analyse de ce document qu'il est bien revêtu de la signature des trois médecins composant le collège et qu'il comporte l'ensemble des mentions exigées par l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 susvisé. Le collège n'était pas tenu d'indiquer dans cet avis l'ensemble des informations prises en compte pour apprécier la disponibilité et l'accessibilité des soins en Algérie. Enfin, les appelants n'avancent aucun élément de nature à faire douter de la régularité de la désignation des auteurs du rapport et de l'avis en qualité de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions en litige auraient été prises à l'issue d'une procédure irrégulière doivent être écartés.

11. En cinquième lieu, il ne ressort ni des termes des arrêtés attaqués, ni des autres pièces des dossiers, que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la situation B... H.... Par conséquent, les moyens invoqués en ce sens doivent être écartés.

12. En sixième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait de nature à faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé susceptible de justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations citées au point 7. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé de l'intéressé justifie la délivrance du titre de séjour, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

13. Il ressort des pièces médicales versées au dossier de première instance par les requérants que M. H... est suivi depuis son arrivée en France pour un diabète compliqué par des pathologies oculaires, notamment une rétinopathie bilatérale non proliférante et une maculopathie oedémateuse de l'œil gauche. Les certificats établis par des médecins généralistes les 24 et 26 mai 2018 n'apportent aucun élément précis sur le traitement nécessité par l'état de santé de l'intéressé. Si le certificat rédigé par un autre médecin généraliste le 23 juillet 2019 indique que M. H... bénéficie d'un traitement par insuline nommé Xultophy, lequel ne serait pas disponible en Algérie, les appelants ne contestent pas que d'autres traitements par insuline sont accessibles dans ce pays et ne soutiennent pas qu'ils ne seraient pas adaptés à la pathologie de l'intéressé. En outre, si le certificat établi par un ophtalmologiste le 9 août 2019 préconise de traiter les troubles oculaires B... H... par des injections intravitréennes à raison d'une injection tous les deux mois pendant un an, il ne précise pas qu'un tel traitement serait impossible en Algérie. Rien ne permet par ailleurs de démontrer que les injections se sont poursuivies au-delà de la période d'un an, alors que le compte-rendu d'angiographie réalisé le 2 décembre 2020 évoque une rétinopathie modérée et une absence d'œdème maculaire. Enfin, les requérants n'établissent pas que M. H... ne pourrait pas accéder à la prise en charge requise pour des raisons financières, alors que l'Algérie dispose d'un système de couverture sociale. Par suite, les pièces produites par les requérants ne permettent de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration quant à la possibilité pour M. H... de bénéficier de soins adaptés à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du point 7 de l'article 6 de l'accord-franco-algérien rappelées au point 7.

14. En septième lieu, aux termes du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) ".

15. M. et Mme H... n'étaient présents que depuis deux ans et demi en France à la date des décisions en litige. Ils s'y maintiennent en situation irrégulière depuis l'expiration de leurs visas de court séjour et le rejet définitif de la demande d'asile de l'appelant. M. H... ne justifie pas entretenir des liens particuliers avec son frère, sa sœur et son neveu présents sur le territoire national, alors que les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches hors de France, notamment en Algérie où ils ont vécu jusqu'en 2018 et où réside la mère de l'appelante et en Turquie où se trouvent leurs deux enfants majeurs. Si M. et Mme H... s'investissent dans la vie associative et participent à des activités caritatives, ils ne justifient pas d'une intégration professionnelle réelle en se bornant à produire des promesses d'embauche en qualité d'ouvrier pour l'un et de coiffeuse pour l'autre, ainsi que d'un contrat de travail d'une durée de quatre mois assuré par l'appelante à la fin de l'année 2019. Enfin, la circonstance que la fille aînée des requérants, devenus majeure, a été admise au séjour en qualité d'étudiante à titre dérogatoire le 23 décembre 2022 reste sans incidence sur la légalité des arrêtés en litige, laquelle s'apprécie à la date de leur édiction. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les arrêtés contestés ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit des époux H... et de leurs enfants au respect de leur vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien citées au point 14.

16. En huitième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais également à celles qui ont pour effet d'affecter leur situation d'une manière suffisamment directe et certaine.

17. Les pièces produites au soutien des présentes requêtes témoignent du sérieux et de l'assiduité des trois enfants mineurs B... et Mme H... dans leur scolarité en France et de l'investissement des appelants dans la vie scolaire de leurs enfants. Rien ne permet toutefois de supposer que les jeunes A..., D... et G... ne pourraient pas poursuivre une scolarité normale en cas de retour avec leurs parents dans leur pays d'origine où ils ont vécu l'essentiel de leur enfance jusqu'à leur arrivée en France en 2018. Ainsi, les décisions préfectorales en litige ne portent pas atteinte à l'intérêt supérieur des enfants des requérants et ne méconnaissent dès lors pas les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

18. En neuvième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

19. M. et Mme H... soutiennent qu'ils seraient exposés à des menaces dans leur pays d'origine en raison de l'appartenance de l'appelant à un mouvement politique militant pour l'indépendance de la Kabylie. Ils n'apportent cependant aucun élément de nature à corroborer leurs craintes, alors que la demande d'asile présentée par l'intéressé a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 24 décembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par les appelants et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Les conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés aux litiges :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second aliéna de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes réclamées par les requérants au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes B... et Mme H... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H..., à Mme E... I... épouse H..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sadek.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

Nos 22TL21240, 22TL21241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21240
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SADEK;SADEK;SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-21;22tl21240 ?
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