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28/09/2023 | FRANCE | N°22TL21969

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 28 septembre 2023, 22TL21969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne à lui verser une provision de 71 560 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une maladie imputable au service.

Par une ordonnance n° 2203247 du 29 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

12 septembre 2022 sous le n° 22TL21969, Mme C..., représentée par Me George, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme A... C... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne à lui verser une provision de 71 560 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une maladie imputable au service.

Par une ordonnance n° 2203247 du 29 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2022 sous le n° 22TL21969, Mme C..., représentée par Me George, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 29 août 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de lui accorder, à titre principal, une provision d'un montant de 71 560 euros ou, à titre subsidiaire, d'un montant de 14 312 euros, à la charge du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne ;

3°) de condamner le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de provision en réparation de préjudices extrapatrimoniaux est justifiée par la reconnaissance de l'imputabilité au service de ses arrêts de travail entre le 31 août 2012 et le 5 novembre 2013 et le 26 novembre 2013 jusqu'à sa consolidation au 9 mars 2021 ;

- la créance est établie avec un degré de certitude suffisant pour demander une provision de 15 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période allant du 31 août 2012 au 9 mars 2021 et à une provision de 56 000 euros au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle permanente de 25 % retenu par la commission de réforme le 1er juillet 2021 ;

- le juge des référés a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître les droits acquis par la décision d'imputabilité au service du 9 décembre 2014 ;

- le juge des référés a commis une erreur d'appréciation ;

- le juge des référés aurait dû au moins accorder une provision d'un montant de 14 312 euros au regard du taux de déficit fonctionnel permanent de 5 % qu'il a implicitement reconnu comme une créance non sérieusement contestable.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2023, le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, représenté par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la créance revêt un caractère sérieusement contestable en ce qu'elle repose sur les seules allégations de la requérante et non sur des éléments du dossier ;

- il résulte des consultations psychiatriques qui se sont succédées entre 2013 et 2021 que la requérante est victime de rechutes dépressives, lesquels sont causées par la procédure contentieuse qu'elle a elle-même initiée et non par le seul accident imputable au service de 2012 ;

- Mme C... bénéficie depuis la date de son premier arrêt maladie, le 31 août 2012, d'un traitement brut mensuel de 2 451,49 euros ;

- elle a été indemnisée de ses préjudices extrapatrimoniaux par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 juillet 2021 revêtu de l'autorité de la chose jugée ; elle n'est pas fondée à demander une nouvelle indemnisation sur le fondement de ces mêmes préjudices, en vertu du principe non bis in idem.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., fonctionnaire employée par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, a été placée en congé maladie à compter du 31 août 2012. Elle a repris ses fonctions à mi-temps thérapeutique entre le 5 et 26 novembre 2013 puis a de nouveau été arrêtée pour raisons médicales. Son arrêt maladie initial a été reconnu comme un accident imputable au service par une décision du président de l'établissement public du 9 décembre 2014. La commission de réforme des agents des collectivités territoriales a estimé dans son avis du 1er juillet 2021 que la date de consolidation de cet accident devait être fixée au 9 mars 2021 et proposé de retenir un taux d'incapacité permanente partielle de 25 %. L'intéressée a été admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er février 2023 et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a décidé le 14 juin 2023 de lui attribuer une rente d'invalidité au taux de 25 % prenant effet le 1er février 223. Mme C... avait aussi saisi le tribunal administratif de Toulouse sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative d'une demande tendant à ce que le syndicat mixte soit condamné à lui verser une provision de 71 560 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident de service. Elle fait appel de l'ordonnance du 29 août 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Sur la fin de non-recevoir :

2. L'autorité de chose jugée attachée à une décision de justice rendue sur une demande indemnitaire porte sur l'ensemble des chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime, causés par le même fait générateur et dont elle supporte la charge financière, à l'exception de ceux qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, se sont aggravés ou ne se sont révélés dans toute leur ampleur que postérieurement à la première réclamation préalable de la victime ou de ceux qui ont été expressément réservés dans sa demande.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêt du 12 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le refus d'octroi de la protection fonctionnelle opposé à Mme C..., enjoint à l'établissement public de lui accorder ladite protection et a fait droit à sa demande d'indemnisation en raison du préjudice moral résultant du harcèlement moral dont elle avait été victime à hauteur de 6 000 euros. La demande de provision qui fait l'objet du présent appel porte sur les préjudices liés aux conséquences dommageables de l'accident de service. Les conclusions de l'appelante portent ainsi sur un objet distinct et sont sans incidence sur l'autorité de chose jugée dont est doté l'arrêt devenu définitif lu le 12 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne ne peut être accueillie.

Sur la demande de provision :

4. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

5. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 1, par un avis du 1er juillet 2021, la commission départementale de réforme a retenu une consolidation de l'état de santé de Mme C... au 9 mars 2021 et un taux d'incapacité permanente partielle de 25 % conformément à l'expertise médicale réalisée par le docteur D... du 9 mars 2021. Par un arrêté du 2 février 2023, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales a radié l'intéressée des cadres et l'a admise à la retraite pour invalidité puis par une décision du 14 juin 2023 lui a accordé le bénéfice d'une rente d'invalidité de 25 % en application de l'article 37 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales en raison de l'imputabilité au service de son état de santé. Contrairement à ce qu'oppose le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne, la requérante apporte ainsi bien la preuve d'un préjudice, non seulement par les nombreux rapports médicaux faisant état de la dégradation de son état de santé imputable au service mais aussi par l'évaluation du taux d'incapacité en résultant. Si le syndicat fait valoir que le syndrome anxiodépressif dont souffre l'appelante n'est pas uniquement lié au seul accident imputable au service mais résulte de la procédure contentieuse ultérieure qu'elle a elle-même initiée, il résulte des rapports d'expertise du docteur D... que Mme C... n'avait aucun état antérieur de troubles psychologiques avant les événements de 2012 et sa prise de poste, et que sa pathologie a été entièrement causée par la dégradation de ses conditions de travail. La circonstance également avancé en défense que dans un rapport du 22 octobre 2020, le docteur B... a fixé la date de consolidation de l'appelante au 31 août 2015 et le taux d'incapacité permanente partielle à 5 %, n'est pas susceptible de rendre sérieusement contestable l'obligation pesant sur l'administration dès lors que ces conclusions n'ont pas été retenues par la commission de réforme puis par la Caisse nationale de retraites des collectivités locales qui ont admis le taux de 25 %. Dans ces conditions, les préjudices invoqués par Mme C... sont en lien direct avec l'accident du service dont elle a été victime et l'obligation de réparation de ce préjudice par le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne n'est pas sérieusement contestable.

7. La circonstance invoquée en défense que la requérante ait perçu un plein traitement depuis le 31 août 2012 est sans incidence s'agissant de la réparation d'un préjudice lié à la détérioration de son état de santé imputable au service. Eu égard à la situation de la requérante, âgée de 42 ans à la date de consolidation, aux conséquences sur son état de santé évoquées dans le rapport d'expertise susmentionné et au taux de 25 % d'incapacité retenu par le médecin expert, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à cette incapacité en fixant sa réparation à hauteur de 40 000 euros. Mme C... a également été victime d'un déficit fonctionnel temporaire durant la période comprise entre le 31 août 2012 et le 9 mars 202. Il sera fait une juste appréciation du préjudice en lien eu égard aussi au rapport d'expertise du docteur D... en lui accordant la somme de 5 000 euros.

8 Il suit de là qu'en l'état de l'instruction la créance dont se prévaut Mme C... à l'encontre du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 45 000 euros. Il y a lieu de condamner cet établissement public à lui verser une provision de ce montant.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requérante présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne tendant à l'application du même article ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2203247 du 29 août 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : Le syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne est condamné à verser une somme de 45 000 euros à Mme C... à titre de provision, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... C... et au syndicat mixte des eaux et de l'assainissement de la Haute-Garonne Toulouse.

Fait à Toulouse, le 28 septembre 2023.

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°22TL21969 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 22TL21969
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GEORGE JULIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-09-28;22tl21969 ?
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