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05/10/2023 | FRANCE | N°22TL20629

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 22TL20629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100692 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100692 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 22BX00629 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL20629 le 24 février 2022, M. A..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué, pris en toute ses décisions, est entaché d'un défaut de motivation en fait ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il ne présente aucun risque de soustraction à la mesure d'éloignement ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 7ème alinéa de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 2 mars 1994, déclare être entré en France le 21 décembre 2017. Par décision du 10 septembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a rejeté sa demande d'asile. Cette décision a été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 30 décembre 2019. Par un arrêté du 4 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

2. L'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Il vise notamment les dispositions des articles L. 511-1 I 3°, L. 511-1 II 2° et 3° a), d), f) et g) et L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, précise que M. A... déclare être entré en France le 21 décembre 2017 démuni des documents et visas exigés par les textes et mentionne une décision de refus de séjour dont il a fait l'objet à la suite du rejet de sa demande d'asile et le fait qu'il soit célibataire et sans enfant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Si M. A... se prévaut de sa présence sur le territoire français depuis plus de trois ans, il est célibataire et sans enfant et ne démontre aucune insertion sociale ou professionnelle particulière dans la société française. Dans ces conditions, et alors qu'il a pu séjourner régulièrement en France le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

5. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, prévoit que : " (...) II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / g) Si l'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des Etats avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces Etats ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour ; / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, en date du 22 octobre 2019, notifiée le 29 octobre 2019, et qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne a pu estimer qu'il existait un risque que M. A... se soustraie à son obligation de quitter le territoire français sans commettre ni une erreur de droit ni une erreur d'appréciation. Par suite, il a pu légalement prononcer à son encontre une décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :

7. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui réside en France depuis moins de trois ans, a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence sur le territoire français ne présente pas de menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a commis aucune erreur d'appréciation ni d'erreur de droit en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'évoqués au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de cette décision ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

13. Si M. A... soutient encourir des risques en cas de retour au Nigeria, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément permettant d'établir qu'il existerait un risque réel, personnel et actuel qu'il soit exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, alors au demeurant que tant l'office français de protection des réfugiés et des apatrides que la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande de protection internationale. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité doit être écarté.

14. En troisième lieu, il ne ressort pas de la lecture de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile pour fixer le pays à destination duquel l'appelant est susceptible d'être éloigné d'office. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., Me Bachet et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

Nadia Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL20629


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20629
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;22tl20629 ?
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