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05/10/2023 | FRANCE | N°22TL21131

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 22TL21131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°2105993 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022, M. D..., représenté par Me Sadek, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°2105993 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022, M. D..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) l'arrêté du 12 octobre 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que la substitution de base légale de l'obligation de quitter le territoire français opérée unilatéralement par le tribunal administratif de Toulouse l'a privée d'une garantie ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une personne n'ayant pas compétence à cet effet en l'absence de délégation de signature précise ;

- elle est insuffisamment motivée et le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée de vice de procédure car son état de santé aurait dû être examiné par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il ne pouvait être éloigné car il peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 5° ou du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire a été signée par une personne n'ayant pas compétence à cet effet en l'absence de délégation de signature précise ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination a été signée par une personne n'ayant pas compétence à cet effet en l'absence de délégation de signature précise égale ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français a été signée par une personne n'ayant pas compétence à cet effet en l'absence de délégation de signature précise égale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est disproportionnée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.

Par ordonnance du 27 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2022.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien né le 8 décembre 1980, est entré en France le 23 septembre 2015 selon ses déclarations. Par arrêté du 12 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. D... relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France régulièrement sous couvert d'un visa. Il a toutefois fait l'objet en 2017 d'un refus de titre de séjour. S'il soutient que le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvait pas constituer le fondement légal de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français et que le tribunal administratif ne pouvait pas d'office y substituer le 3° de l'article L. 611-1 du même code, les premiers juges pouvaient régulièrement procéder à cette substitution de base légale dès lors que celle-ci, contrairement à ce que soutient le requérant, n'a pas eu pour effet de priver l'intéressé d'une garantie, l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Enfin, les premiers juges ont informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur la substitution de base légale en cause. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en procédant à la substitution de base légale en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Par un arrêté du 20 septembre 2021 publié le lendemain au recueil administratif spécial n° 31-2021-325, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration, en matière de police des étrangers et notamment pour la signature des mesures d'éloignement et des décisions qui les assortissent. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation ne présente par ailleurs pas de caractère général et n'est donc pas entachée de l'illégalité que le requérant lui prête sur ce point. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de la légalité externe :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

6. La décision attaquée comporte les éléments de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté. En outre, il ne ressort pas de la lecture de cette décision que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation.

7. En deuxième lieu, si M. D... fait valoir que le préfet aurait dû consulter le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur son état de santé avant de l'éloigner ou l'inviter à déposer une demande de titre de séjour, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition de l'intéressé du 12 octobre 2021, qu'il a lui-même indiqué être en bonne santé. Il n'est dès lors et en tout état de cause pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait entaché sa décision de vice de procédure en ne soumettant pas son cas à une procédure d'examen de son état de santé ou en ne l'invitant pas à présenter une demande de titre de séjour à ce titre.

S'agissant de la légalité interne :

8. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

9. Si M. D... fait valoir qu'il a contracté le covid-19, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'il soutient, il est guéri de cette dernière pathologie. Par ailleurs, s'il soutient être atteint de dépression, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui octroyer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées au motif de ce qu'un traitement est disponible dans son pays d'origine. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales produites par le requérant, qui se bornent à décrire en termes généraux l'origine de la dépression de M. D... et le traitement et le suivi dont il bénéficie, que cette affection ne pourrait être prise en charge en Algérie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit donc être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5°) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familiale, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".

11. Il ressort des pièces du dossier que, si M. D... peut être regardé comme résidant en France au moins depuis le milieu de l'année 2016, il ne fait état, pour établir son ancrage dans la société française au cours de ce séjour, que d'interventions bénévoles dans le cadre des activités du secours populaire français, de l'obtention d'un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile, de diverses activités associatives et sportives et d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de sécurité formulée le 2 septembre 2021. Par ailleurs, si la sœur de M. D..., qui est handicapée, son beau-frère et ses neveux et nièces résident à Toulouse où M. D... leur rend visite régulièrement, il n'établit ni même n'allègue que sa présence leur serait indispensable. Enfin, il ne serait pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à trente-cinq ans et où résident sa mère et ses autres frères et sœurs. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

13. La circonstance que M. D... entretienne des liens avec son neveu et sa nièce n'est pas de nature à caractériser une atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ".

15. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire à M. D... mentionne les dispositions sur lesquelles elle se fonde et que le risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français est établi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté.

16. En deuxième lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

18. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, M. D... est entré régulièrement en France, de telle sorte que le préfet de la Haute-Garonne ne pouvait se fonder sur son entrée irrégulière sur le territoire français pour estimer que l'intéressé risquait de se soustraire à la mesure d'éloignement prise à son encontre. Il résulte toutefois de l'instruction que l'auteur de l'acte aurait pris la même décision en se fondant sur les circonstances, qui sont établies et de nature à fonder cette décision, tirées de ce que M. D... a indiqué lors de son audition qu'il ne se plierait pas à l'obligation de quitter le territoire français et qu'il s'est déjà soustrait à une obligation de quitter le territoire français en 2017. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne, qui pouvait valablement fonder une décision d'éloignement et une décision de refus de délai de départ volontaire sur la décision de refus de titre de séjour intervenue en 2017, aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-3 en lui refusant le bénéfice d'un tel délai.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

19. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne l'absence de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour sur le territoire français, l'absence de comportement troublant l'ordre public, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, et l'existence d'une mesure précédente d'éloignement qui n'a pas été exécutée. Le moyen tiré de son insuffisance de motivation doit donc être écarté.

20. En deuxième lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.

21. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

22. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui réside en France depuis moins de six ans, a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2017. Par suite, et alors même que sa présence sur le territoire français ne présente pas de menace pour l'ordre public, le préfet de la Haute-Garonne n'a commis aucune erreur d'appréciation de droit en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

23. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, les liens familiaux, privés et sociaux de M. D... sur le territoire français sont limités. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit également être écarté.

24. En dernier lieu, M. D... ne peut utilement invoquer à l'appui des conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français les stipulations du 5° et du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui ne régissent que l'octroi des titres de séjour.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

25. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de cette décision ne peut qu'être écarté.

26. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte les éléments de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me Sadek et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

Nadia Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21131
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SADEK

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;22tl21131 ?
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