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10/10/2023 | FRANCE | N°21TL03956

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 10 octobre 2023, 21TL03956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de reconnaître le principe de responsabilité de la commune d'Ouveillan, celle-ci devant rétablir l'avancement moyen et le rythme normal et coutumier de sa carrière, d'ordonner à la commune d'Ouveillan de lui restituer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, les avantages liés à sa carrière dont il a été illégalement privé au niveau de l'échelon, du grade, des salaires, des droits sociaux, des droits à la retraite, mutuelle et co

ngés payés à compter du 1er décembre 2015 et de mettre à la charge de la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de reconnaître le principe de responsabilité de la commune d'Ouveillan, celle-ci devant rétablir l'avancement moyen et le rythme normal et coutumier de sa carrière, d'ordonner à la commune d'Ouveillan de lui restituer, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, les avantages liés à sa carrière dont il a été illégalement privé au niveau de l'échelon, du grade, des salaires, des droits sociaux, des droits à la retraite, mutuelle et congés payés à compter du 1er décembre 2015 et de mettre à la charge de la commune d'Ouveillan une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904408 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA03956 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03956, et un mémoire, enregistré le 29 juin 2022, M. B..., représenté par l'AIARPI Eleom Avocats, agissant par Me Causse, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1904408 en date du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner la commune d'Ouveillan à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) d'enjoindre à la commune de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans l'ensemble de ses droits, y compris sociaux ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Ouveillan une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui a requalifié ses demandes indemnitaires en deçà de ces dernières et ne les a examinées que partiellement, est entaché d'omissions à statuer et est, par suite, irrégulier ; en ne statuant pas sur sa demande d'être réintégré sur le poste de secrétaire de mairie, le tribunal a entaché son jugement d'inexactitude matérielle ;

- en ce qu'il rejette ses demandes de reconstitution de carrière et de rétablissement de l'ensemble de ses droits, de reconnaissance d'une situation de harcèlement moral et sa demande indemnitaire, ce jugement est entaché d'erreurs de droit, de dénaturation des faits, d'erreurs d'appréciation et d'inexactitudes matérielles ;

- l'illégalité de l'arrêté de licenciement constitue une faute imputable à la commune, dont la responsabilité est engagée ; il a subi, après sa réintégration, des faits de harcèlement moral constitutifs d'une faute ;

- il a subi un préjudice financier qui devra être indemnisé à hauteur d'une somme de 15 000 euros, à défaut pour la commune de rectifier, de manière convenable, sa reconstitution de carrière, mais également des troubles dans les conditions d'existence, qui pourront être évalués à une somme de 15 000 euros ainsi qu'un préjudice moral chiffré à la somme de 20 000 euros ; en raison du licenciement fautif, il a subi une perte de chance d'avancement sur concours qu'il projetait de passer ;

- le lien de causalité entre la faute de la commune et les préjudices est d'une telle évidence qu'il n'est pas nécessaire de s'y attarder.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2022, un mémoire, enregistré le 1er août 2022, et un dépôt de pièces, enregistré le 10 mai 2023 qui n'ont pas été communiqués, la commune d'Ouveillan, représentée par la SELARL Noray-Espeig, agissant par Me Noray-Espeig, conclut au rejet de la requête de M. B... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le requérant n'est pas recevable à chiffrer ses conclusions indemnitaires pour la première fois en appel ;

- sa requête de première instance était sans objet, les mesures sollicitées ayant été exécutées, et irrecevable à plusieurs titres, notamment en raison d'un défaut de liaison du contentieux ;

- à titre subsidiaire, les conclusions à fin d'injonction ne pourront qu'être rejetées ;

- ses demandes de réintégration, irrecevables, manquent en fait ;

- au titre des préjudices, M. B... s'est vu accorder, par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier en date du 16 décembre 2019, une provision de 7 500 euros ; le montant de l'indemnité de licenciement versée à l'intéressé s'élevait à 7 183,48 euros ;

- le tribunal ne pouvait prononcer une condamnation pécuniaire sans statuer ultra petita dès lors que le requérant n'a pas sollicité d'indemnisation ;

- aucun commencement de preuve n'est apporté quant à une faute au titre d'un harcèlement moral, et aucun préjudice quant à la perte de chance ou moral n'est établi.

Par une ordonnance du 4 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Santin, représentant la commune d'Ouveillan.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté, par un contrat à durée déterminée de trois mois en tant que secrétaire de la maire d'Ouveillan (Aude) au mois de mai 2009. Nommé adjoint administratif territorial de deuxième classe en juillet 2009, il a été titularisé le 4 août 2010. Par un arrêté en date du 30 novembre 2015, le maire d'Ouveillan a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle. Cet arrêté a été annulé par un jugement n° 1600187 du tribunal administratif de Montpellier en date du 16 novembre 2017, qui a également enjoint au maire de réintégrer l'intéressé sous un délai de trois mois. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille nos 18MA00157 et 18MA00280 du 25 septembre 2018, lui-même confirmé par une décision du Conseil d'Etat n°425620 du 9 juin 2020. Par un recours gracieux du 17 juin 2019, M. B... a demandé au maire " de faire application des termes du jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 16 novembre 2017 " et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au rétablissement de tous ses droits. Le silence gardé sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement n° 1904408 du 22 juillet 2021, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction sous astreinte tendant à la restitution des avantages liés à la carrière dont il aurait été privé.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, M. B... soutient que les premiers juges n'ont examiné que partiellement ses demandes indemnitaires après les avoir requalifiées en deçà des demandes qui leur étaient réellement soumises. Toutefois, il n'indique pas sur ce point précisément quelles omissions à statuer auraient été commises et quelle demande n'aurait pas été examinée par le tribunal. Par suite, ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

3. D'autre part, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. B... ne peut donc utilement se prévaloir de la dénaturation des faits ou d'erreurs de fait, de droit, d'appréciation ou d'inexactitudes matérielles qu'auraient commises les premiers juges.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. ".

5. En l'espèce, par son recours gracieux du 17 juin 2019 présenté comme une " demande indemnitaire préalable aux fins de reconstitution de carrière ", M. B... s'est borné à demander au maire d'Ouveillan " de faire application des termes du jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 16 novembre 2017 " et de procéder à la reconstitution de sa carrière et au rétablissement de tous ses droits, notamment sociaux, sans solliciter la réparation de préjudices qui résulteraient de l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune. Ainsi, cette lettre ne peut être regardée comme ayant le caractère d'une demande indemnitaire. Par suite, le contentieux indemnitaire n'a pas été lié et la fin de non-recevoir opposée à ce titre par la commune d'Ouveillan doit donc être accueillie.

En ce qui concerne la demande d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution./La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". L'article R. 921-6 du même code précise : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle./(...) ".

7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, le tribunal administratif de Montpellier, par un jugement n° 1600187 en date du 16 novembre 2017, a annulé l'arrêté du maire d'Ouveillan licenciant M. B... pour insuffisance professionnelle et a enjoint au maire de réintégrer l'intéressé dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Ce dernier a été confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille nos 18MA00157 et 18MA00280 du 25 septembre 2018, lui-même confirmé par une décision du Conseil d'Etat n°425620 du 9 juin 2020. Il résulte de l'instruction que, le 7 janvier 2019, M. B... a saisi la cour administrative d'appel de Marseille des difficultés qu'il rencontrait pour obtenir l'exécution du jugement n° 1600187 rendu par le tribunal administratif de Montpellier. Il est constant que la commune a procédé à la réintégration physique de M. B... dès le 7 février 2019 sur un poste au sein des services techniques mais également à sa réintégration juridique avec effet rétroactif par des arrêtés municipaux n°s 2019-96 et n° 2019-98 portant avancement d'échelon, et n°s 2019-97 n° 2019-99 portant reconstitution de carrière en date du 26 avril 2019, versés au dossier de première instance. Par lettre du 8 août 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a alors informé M. B... du classement administratif de sa demande, compte tenu des mesures prises par la commune d'Ouveillan pour procéder à sa réintégration. Il ne résulte pas de l'instruction que le requérant se serait opposé à cette décision de classement en demandant au président de la cour d'ouvrir une procédure juridictionnelle, dans le mois qui suivait la notification du classement décidé, ainsi que le prévoient les dispositions citées au point précédent de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Dans ces conditions, la demande de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans l'ensemble de ses droits, qui n'intervient pas en complément d'une demande d'annulation d'une décision administrative ou d'une demande principale recevable et qui est, en réalité, relative à une demande d'exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier le 16 novembre 2017 ayant fait l'objet d'un classement sans suite auquel le requérant ne s'est pas opposé, est irrecevable et doit donc être rejetée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction sous astreinte tendant à la restitution des avantages liés à la carrière dont il aurait été privé.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ouveillan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Ouveillan et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la commune d'Ouveillan la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et à la commune d'Ouveillan.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

M. Teulière, premier conseiller,

Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21TL03956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03956
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-02 Procédure. - Introduction de l'instance. - Liaison de l'instance.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET NORAY-ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-10;21tl03956 ?
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