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17/10/2023 | FRANCE | N°22TL21345

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22TL21345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cette décision afin de lui permettre de se maintenir sur le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 752-5 du c

ode de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cette décision afin de lui permettre de se maintenir sur le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2105996 du 23 novembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, M. A... représenté par Me Ducos-Mortreuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 novembre 2021 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cette décision du 27 septembre 2021 afin de lui permettre de se maintenir sur le territoire jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est entré en France pour fuir les risques encourus dans son pays d'origine et pour présenter une demande d'asile, et qu'il ne pourra plus mener une vie familiale normale en Albanie compte tenu des risques encourus en cas de retour en Albanie, et qu'il a par ailleurs multiplié les démarches d'intégration en France ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 542-2 du même code dès lors que pour les étrangers provenant d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet n'est pas tenu de prononcer une mesure d'éloignement avant l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- si le préfet, en vertu de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour peut prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger en provenance d'un pays sûr alors même que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas statué, il n'est pas, dans l'exercice de ses pouvoirs exercés sur le fondement de l'article L. 531-24 du même code pour autant en situation de compétence liée et doit exercer son pouvoir d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il risque de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu de la vendetta dont il a fait l'objet ;

- il est par ailleurs fondé à demander la suspension de la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire ; les dispositions de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont contraires à la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale et à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne (19 juin 2018, C-181/16) dès lors que le prononcé d'un sursis à l'exécution de la mesure d'éloignement, en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, doit être automatique ;

- la décision de fixation du pays de destination est entachée d'illégalité, par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ; cette décision, compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Albanie, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une décision du 18 mai 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale

Par un courrier du 4 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de constater un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. A... dès lors que, par une décision n° 21059099 du 2 septembre 2022, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M.Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 25 février 1993, est entré en France, selon ses déclarations, le 12 juin 2021. Il a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié, qui lui a été refusée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 août 2021. Par un arrêté du 27 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 23 novembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

2. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le non-lieu à statuer :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L.542-1 et L.542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-2 dudit code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 531-24 de ce code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 752-5 du même code : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".

4. Si l'arrêté du 27 septembre 2021 litigieux se fonde sur le rejet par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 19 août 2021, de la demande d'asile présentée par M. A..., la Cour nationale du droit d'asile, par une décision du 2 septembre 2022 n° 21059099 a annulé la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 août 2021 et a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire à M. A.... En conséquence, tant les conclusions de ce dernier, tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire du 27 septembre 2021, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été exécutée, que ses conclusions présentées aux fins de suspension de cette mesure d'éloignement sont devenues sans objet, et il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions tendant à l'annulation de la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

6 .Compte tenu de l'attribution à M. A... du bénéfice de la protection subsidiaire, par la décision de la Cour nationale du droit d'asile, du 2 septembre 2022, ce qui en vertu de l'article L 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui ouvre droit à la délivrance d'un titre de séjour, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une attestation de demande d'asile ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Ducos-Mortreuil, conseil de M. A..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et sur les conclusions à fins de suspension de cette obligation de quitter le territoire.

Article 2 : L'État versera à Me Ducos-Mortreuil, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ducos-Mortreuil, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21345

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21345
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-17;22tl21345 ?
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