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17/10/2023 | FRANCE | N°22TL21386

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22TL21386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse.

Par un jugement n° 2005827 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2022, M. D..., représenté par Me Durand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug

ement du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 20 octob...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse.

Par un jugement n° 2005827 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2022, M. D..., représenté par Me Durand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse ;

3°) d'enjoindre au préfet précité d'autoriser le bénéfice du regroupement familial au bénéfice de son épouse dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa demande de regroupement familial dans un délai de deux mois, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à son épouse un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de regroupement familial est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des dispositions de l'article L 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est, de plus, entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation dès lors qu'elle se borne à lui opposer le fait que ses ressources seraient insuffisantes, mais sans tenir compte, alors que le préfet n'était pas en situation de compétence liée, de l'ensemble de sa situation, au regard notamment de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il bénéficiait de ressources suffisantes contrairement à ce que lui oppose cette décision ;

- les premiers juges ont reconnu que ses ressources étaient supérieures au seuil de ressources requis, mais lui ont opposé l'absence de stabilité des ressources ; toutefois il a produit son contrat de travail à durée déterminée à temps complet signé le 2 novembre 2018 et deux avenants, dont celui du 12 février 2019 qui prolonge le contrat en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2019 , et l'attestation sur l'honneur de l'employeur expliquant la raison du faible montant de rémunération en août 2019 ; il travaille au sein de la Derliss Projet depuis 2018, soit depuis plus de quatre ans dans la même entreprise ;

- la décision de refus de regroupement familial porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est titulaire d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qu'il est marié depuis le 21 janvier 2019, que son épouse souhaite que sa vie privée et familiale se poursuive en France, et fait preuve d'une volonté d'intégration en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M.Pierre Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité marocaine, né le 20 août 1984, titulaire d'un titre de séjour pluriannuel valable deux ans, a déposé le 15 décembre 2019 une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, Mme B... A..., épouse D..., qui a été rejetée le 20 octobre 2020 par le préfet de l'Hérault.

2. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et demande l'annulation de la décision du 20 octobre 2020 du préfet de l'Hérault.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article L. 411-5 du même code, dans sa version applicable au litige : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'État prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième familial pour son conjoint et justifie d'une durée de mariage d'au moins dix ans ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 411-4 du même code, dans sa version applicable au litige : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période.

5 .Pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur le fait que le montant des ressources mensuelles de M. D... s'élevait à la somme de 1 126 euros nets, donc inférieur au niveau requis de 1 202 euros nets et que, dès lors, la condition de ressources posée par les dispositions de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas en l'espèce remplie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment des fiches de paie produites par l'appelant, que ses salaires au titre de la période de référence d'un an précédant sa demande de regroupement familial se sont élevées à la somme totale de 15 228,38 euros nets, auxquelles doit être rajoutée la somme de 507,81 euros nets versée au titre d'indemnités de congés payés de l'année 2019, soit une somme totale de 15 736,19 euros nets. La moyenne mensuelle des ressources de l'intéressé s'est donc élevée à la somme de 1 311 euros, soit à un niveau supérieur au salaire minimum de croissance mensuel en 2018, qui s'établissait à 1 173, 60 euros et en 2019 à la somme de 1 204,19 euros.

6. Il suit de là que c'est à tort que le préfet de l'Hérault a estimé que la moyenne mensuelle nette des sommes perçues par M. D... était inférieure au salaire mensuel net minimum de croissance et, en conséquence, que la condition posée par les dispositions précitées de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas remplie.

7. Par ailleurs et s'agissant de la condition de stabilité des ressources de l'appelant, il ressort des pièces du dossier que celui-ci travaillait au sein de la société Derliss Projet depuis 2018, soit depuis plus de deux ans à la date de la décision litigieuse. De plus, il a produit son contrat de travail à durée déterminée à temps complet signé le 2 novembre 2018 qui a fait l'objet d'un avenant, le 12 février 2019, qui le transforme en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2019. Dès lors et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la condition de stabilité des ressources est remplie par l'intéressé.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. D... est fondé à demander l'annulation du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial présentée au profit de son épouse.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

10. Compte tenu de ce qu'il ressort des pièces du dossier que l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à la suite de l'enquête sur le logement et les ressources réalisée dans le cadre de l'instruction de la demande de regroupement familial présentée par M. D..., a émis, le 2 juillet 2020, un avis favorable sur les conditions du logement, et eu égard à ce qui a été exposé aux points 5 à 7 du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault d'autoriser le regroupement familial au bénéfice de l'épouse de l'appelant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sans qu'il y ait lieu, à ce stade, d'assortir cette injonction d'une astreinte. En revanche, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ne sont pas nécessairement impliquées par le présent arrêt et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au bénéfice de M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier et la décision du 20 octobre 2020 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. D... au profit de son épouse, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault d'autoriser le regroupement familial au profit de l'épouse de M. D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. D... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21386

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21386
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-17;22tl21386 ?
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