La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2023 | FRANCE | N°21TL04816

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 19 octobre 2023, 21TL04816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cheval-Blanc a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur son courrier du 7 août 2019 tendant à ce que la société par actions simplifiée Durance Granulats soit mise en demeure de respecter la règlementation régissant son activité, ainsi que la décision expresse du 24 octobre 2019 par laquelle le préfet a refusé de procéder à cette mise en demeure.

Par un jugement n° 1904195 du 26 octo

bre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la commune, a mis à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cheval-Blanc a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur son courrier du 7 août 2019 tendant à ce que la société par actions simplifiée Durance Granulats soit mise en demeure de respecter la règlementation régissant son activité, ainsi que la décision expresse du 24 octobre 2019 par laquelle le préfet a refusé de procéder à cette mise en demeure.

Par un jugement n° 1904195 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la commune, a mis à sa charge une somme de 1 200 euros à verser à la société Durance Granulats au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par le préfet de Vaucluse sur ce même fondement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 décembre 2021 sous le n° 21MA04816 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04816 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires enregistrés le 25 octobre 2022 et les 12 et 22 décembre 2022, la commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Bras, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 octobre 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur son courrier du 7 août 2019, ainsi que la décision expresse prise par la même autorité le 24 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre audit préfet de mettre en demeure la société Durance Granulats de respecter les obligations résultant des arrêtés préfectoraux autorisant l'exploitation de l'installation et de prescrire toutes les mesures nécessaires à un fonctionnement conforme à la règlementation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- le tribunal administratif a commis des erreurs de droit et de fait en retenant que la société Durance Granulats ne méconnaissait pas les prescriptions des arrêtés préfectoraux régissant l'installation et qu'elle n'avait pas commis d'infraction en matière de déchets ;

- le préfet de Vaucluse a commis des erreurs de droit et de fait en estimant que la société Durance Granulats ne méconnaissait pas les prescriptions des arrêtés préfectoraux régissant l'installation, s'agissant de l'étendue du périmètre de l'autorisation (article 1er de l'arrêté du 20 juillet 2006), de la préservation de la bande de 10 mètres (article 7.5 du même arrêté), de l'interdiction du remblaiement du plan d'eau et de ses berges (articles 7.4 et 7.10 de ce même arrêté) et de la réalisation de contrôles de qualité des eaux (article 10.3 dudit arrêté) ;

- le préfet de Vaucluse a commis des erreurs de droit et de fait en considérant que la société Durance Granulats ne méconnaissait pas la législation relative aux déchets ainsi que le plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance ;

- en outre, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le ministre et la société intimée ne peut qu'être écartée dès lors que la cessation de l'activité n'est pas actée, que les garanties financières n'ont pas été levées et que la remise en état du site n'est pas achevée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2022, le 26 octobre 2022, le 25 novembre 2022 et les 2 et 19 janvier 2023, la société Durance Granulats, représentée par Me Garancher, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au non-lieu à statuer sur la requête de la commune ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de ladite requête ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Cheval-Blanc une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) au rejet des conclusions de la société civile immobilière Alysia tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Vaucluse, sous astreinte, de la mettre en demeure de respecter l'article 7.5 de l'arrêté du 20 juillet 2006 et de faire cesser les atteintes à la propriété de ladite société et, d'autre part, à ce que soit mise à sa charge une somme à verser à cette même société sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, les conclusions de la commune requérante sont privées d'objet dès lors que l'autorisation est arrivée à son terme et que l'activité a cessé ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués sont inopérants ou ne sont pas fondés ;

- en outre, les conclusions en injonction présentées par la société Alysia, intervenante, telles que visées au 4° ci-dessus, ainsi que sa demande tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne sont pas recevables, dès lors qu'elles sont distinctes des conclusions de la commune requérante ; par ailleurs, les moyens invoqués par la société intervenante sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention, enregistrés les 6 octobre 2022 et 12 décembre 2022, la société civile immobilière Alysia, représentée par Me Audouin, conclut :

1°) à l'annulation du jugement du 26 octobre 2021 ;

2°) à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de Vaucluse sur le courrier de la commune du 7 août 2019, ainsi que de la décision expresse prise par la même autorité le 24 octobre 2019 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de mettre en demeure la société exploitante de respecter les obligations résultant des arrêtés préfectoraux autorisant l'installation et de prescrire les mesures nécessaires pour faire cesser les atteintes à sa propriété, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'une part, à l'annulation partielle des décisions du préfet en tant qu'elles portent refus de mettre en demeure la société exploitante de respecter l'article 7.5 de l'arrêté du 20 juillet 2006 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de prescrire à ladite société de se conformer à la règlementation, notamment à l'article 7.5 de l'arrêté susmentionné, ainsi que de faire cesser les atteintes à sa propriété, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions préfectorales en litige sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du respect de l'article 7.5 de l'arrêté du 20 juillet 2006 ;

- les décisions en cause portent atteinte à sa propriété ;

- en outre, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le ministre et la société intimée ne peut qu'être écartée dès lors que ni la commune ni elle-même n'ont obtenu satisfaction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut, à titre principal, au non-lieu à statuer sur la requête de la commune et, à titre subsidiaire, au rejet de ladite requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, les conclusions de la commune requérante sont privées d'objet dès lors que la société exploitante a cessé son activité ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2023.

Les parties ont été informées le 28 septembre 2023, au titre des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible, d'une part, de relever d'office l'irrégularité du jugement attaqué tenant à ce que le tribunal administratif de Nîmes a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions en annulation et en injonction présentées par la commune de Cheval-Blanc et, d'autre part, statuant par la voie de l'évocation, de prononcer elle-même un non-lieu à statuer sur ces conclusions.

La commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Bras, a produit des observations en réponse à ces moyens d'ordre public, enregistrées le 29 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de M. B..., maire de Cheval-Blanc, représentant la commune, de M. A..., représentant la société civile immobilière Alysia, et de Me Pignet, représentant la société Durance Granulats.

Une note en délibéré, produite par la commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Bras, a été enregistrée le 11 octobre 2023.

Une note en délibéré, produite par la société civile immobilière Alysia, représentée par Me Audouin, a été enregistrée le 11 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 juin 1999, le préfet de Vaucluse, agissant au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, a autorisé la société Gravisud à exploiter, pour une durée de quinze ans, d'une part, une carrière de granulats à ciel ouvert sur une superficie de 10,3 hectares et pour une production maximale de 160 000 tonnes par an et, d'autre part, un ensemble scalpeur/concasseur d'une puissance de 60 kilowatts, aux lieux-dits " La Grande Bastide " et " Busque ", sur le territoire de la commune de Cheval-Blanc. Par un arrêté du 6 décembre 2001, la société Provence Agrégats a été autorisée à exploiter les installations en cause en lieu et place de la société Gravisud. La société Provence Agrégats a présenté le 3 octobre 2005 une demande de renouvellement de l'autorisation d'exploiter, incluant notamment une extension de la surface d'extraction. Par un arrêté du 20 juillet 2006, le préfet de Vaucluse a autorisé la société Provence Agrégats à poursuivre et à étendre l'exploitation de la carrière de granulats à ciel ouvert et en eau, sur une superficie globale de 23,8 hectares et pour le même tonnage maximal annuel qu'en 1999, et à exploiter une installation de traitement de matériaux d'une puissance de 550 kilowatts, pour une nouvelle période de quinze ans. Enfin, par un arrêté complémentaire du 13 octobre 2016, la société Durance Granulats a été autorisée à poursuivre et étendre l'exploitation en lieu et place de la société Provence Agrégats.

2. Le 7 août 2019, la commune de Cheval-Blanc, par l'intermédiaire de son conseil, a adressé au préfet de Vaucluse une lettre par laquelle elle lui demandait de " mettre en demeure la société Durance Granulats de respecter les obligations découlant des arrêtés préfectoraux autorisant l'exploitation de la carrière litigieuse " et de " prescrire toutes les mesures nécessaires à un fonctionnement conforme à la règlementation ". Le silence initialement conservé par le préfet de Vaucluse sur cette lettre de la commune a fait naître une décision implicite de rejet, mais le préfet a répondu expressément à la commune, le 24 octobre 2019, en indiquant qu'" une mise en demeure de la société Durance Granulats pour l'exploitation de son site de Cheval-Blanc n'apparaît pas justifiée à ce stade ", tout en précisant avoir demandé à la société de réaliser des expertises complémentaires pour évaluer les impacts du fonctionnement de l'installation sur l'environnement. Par la présente requête, la commune de Cheval-Blanc relève appel du jugement du 26 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence conservé par le préfet sur la lettre du 7 août 2019 et de la décision expresse prise par le préfet le 24 octobre 2019.

Sur l'étendue du litige :

3. Lorsqu'un requérant conteste, dans les délais de recours contentieux, une décision implicite de rejet et une décision expresse de rejet intervenue postérieurement, les conclusions de sa requête doivent être regardées comme dirigées uniquement contre la seconde décision, laquelle s'est substituée à la première. En l'espèce, la décision expresse de rejet intervenue le 24 octobre 2019 est venue se substituer à la décision implicite de rejet née du silence initialement gardé par le préfet de Vaucluse sur la lettre adressée par la commune le 7 août précédent. Par suite et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les conclusions à fin d'annulation présentées par la commune doivent être regardées comme dirigées contre la seule décision expresse.

Sur l'intervention :

4. La société civile immobilière Alysia est propriétaire de la parcelle cadastrée section BE n° 387 sur le territoire de la commune de Cheval-Blanc, laquelle supporte un hangar et est limitrophe de la parcelle BE n° 389 située dans le périmètre de la carrière litigieuse. Ladite société soutient que son terrain s'effondre sur la parcelle voisine parce que l'exploitant n'aurait pas respecté la bande de retrait de 10 mètres imposée par l'arrêté d'autorisation en limite de sa propriété, ce qui rejoint l'un de griefs exprimés par la commune dans sa lettre du 7 août 2019 à l'origine de la décision en litige. La société Alysia a ainsi intérêt à l'annulation du jugement du 26 octobre 2021 et son intervention au soutien de la commune doit donc être admise.

Sur la portée de la décision en litige :

5. L'article L. 171-8 du code de l'environnement dispose que : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) ". L'article L. 181-14 du même code mentionne que : " (...) L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées. (...) ". En application des articles L. 171-11 et L. 181-14 du même code, les décisions prises par l'autorité administrative sur le fondement des dispositions des articles L. 171-8 et L. 181-14 précités sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

6. L'article L. 541-3 du code de l'environnement prévoit que : " Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, (...), peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. (...) ". L'article L. 541-4 du même code précise que : " Les dispositions du présent chapitre s'appliquent sans préjudice des dispositions spéciales concernant notamment les installations classées pour la protection de l'environnement (...) ". Enfin, selon l'article R. 541-12-16 de ce code : " Sans préjudice de dispositions particulières, lorsque les dispositions du présent titre s'appliquent sur le site d'une installation classée pour la protection de l'environnement, l'autorité titulaire du pouvoir de police mentionnée à l'article L. 541-3 est l'autorité administrative chargée du contrôle de cette installation. ".

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que, par sa lettre du 7 août 2019 rappelée au point 2 du présent arrêt, la commune de Cheval-Blanc a, d'une part, soutenu que la société Durance Granulats exploitait la carrière litigieuse en méconnaissance de plusieurs articles de l'arrêté préfectoral d'autorisation du 20 juillet 2006 ainsi que de la législation applicable en matière de déchets et, d'autre part, demandé au préfet de Vaucluse de mettre en demeure ladite société de respecter les obligations résultant de ces textes ou de prescrire toutes les mesures nécessaires pour en garantir le respect. La décision contestée par la commune dans le présent litige s'analyse donc comme traduisant le refus du préfet de Vaucluse de mettre en œuvre, à l'encontre de la société Durance Granulats, les pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions rappelées aux points 5 et 6 ci-dessus, tant au titre de la police spéciale des installations classées pour la protection de l'environnement qu'au titre de la police spéciale des déchets.

Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par les intimés :

8. L'article R. 512-39-1 du code de l'environnement dispose que : " I. - Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt trois mois au moins avant celui-ci. Ce délai est porté à six mois dans le cas des installations visées à l'article R. 512-35. (...) / II. - La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site. (...) / III. - En outre, l'exploitant doit placer le site de l'installation dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé selon les dispositions des articles R. 512-39-2 et R. 512-39-3. ". Aux termes de l'article R. 512-39-3 de ce code : " I. - Lorsqu'une installation classée soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, (...), l'exploitant transmet au préfet dans un délai fixé par ce dernier un mémoire précisant les mesures prises ou prévues pour assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 compte tenu du ou des types d'usage prévus pour le site de l'installation. (...) / II. - Au vu notamment du mémoire de réhabilitation, le préfet détermine, s'il y a lieu, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les travaux et les mesures de surveillance nécessaires. (...) / III. - Lorsque les travaux prévus dans le mémoire ou prescrits par le préfet sont réalisés, l'exploitant en informe le préfet. L'inspecteur de l'environnement (...) constate par procès-verbal la réalisation des travaux. Il transmet le procès-verbal au préfet qui en adresse un exemplaire à l'exploitant ainsi qu'au maire et au propriétaire du terrain. ".

9. Il résulte de l'instruction que, par un courrier adressé le 18 janvier 2021, la société Durance Granulats a notifié au préfet de Vaucluse la mise à l'arrêt définitif de l'exploitation de la carrière litigieuse à la date du 20 juillet2021, soit au terme de la période de quinze ans prévue par l'arrêté préfectoral du 20 juillet 2006. Ladite société a également communiqué au préfet, le 25 février 2021, le mémoire relatif à la cessation définitive de l'activité extractive, incluant notamment la description de l'état du site et des travaux de réaménagement au vu des modalités prévues par l'arrêté d'autorisation. Par un arrêté complémentaire du 12 juillet 2021, le préfet a prescrit à la société exploitante de réaliser avant le 20 juillet suivant les travaux de remise en état de la carrière, tels qu'envisagés dans le dossier de demande d'autorisation et précisés dans le dossier de cessation d'activité. Enfin, l'inspecteur de l'environnement a réalisé le 13 septembre 2021 une visite sur site et a établi le 20 décembre suivant un rapport valant procès-verbal de constat de travaux au sens de l'article R. 512-39-3 du code de l'environnement, lequel conclut à la conformité des travaux réalisés dans le cadre de la cessation d'activité, tant au regard des prescriptions du code de l'environnement qu'au regard des arrêtés préfectoraux des 20 juillet 2006 et 12 juillet 2021, notamment en ce qui concerne la remise en état du site.

10. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la société Durance Granulats demandent à la cour de prononcer un non-lieu à statuer sur la présente requête de la commune de Cheval-Blanc en faisant valoir que les conclusions de la commune sont privées d'objet en raison de la cessation définitive de l'activité de la carrière intervenue le 20 juillet 2021 dans le cadre déterminé par l'arrêté du 12 juillet 2021. Les circonstances ainsi invoquées par le ministre et la société intimée ne sont toutefois pas survenues postérieurement à l'introduction de la requête d'appel et ne sont en conséquence pas susceptibles de justifier le prononcé d'un non-lieu à statuer sur ladite requête. Il en résulte que l'exception de non-lieu à statuer, telle que soulevée par le ministre et la société intimée, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement :

11. Il appartient au juge du contentieux de pleine juridiction des installations classées pour la protection de l'environnement de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mises à leur charge par l'autorité administrative compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle ce juge statue.

12. D'une part, il résulte de ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt que la société Durance Granulats a mis à l'arrêt définitif l'installation litigieuse le 20 juillet 2021, à l'issue de la période de quinze ans prévue par l'arrêté préfectoral du 20 juillet 2006, lequel ne produit dès lors plus aucun effet depuis le 20 juillet 2021 en ce qui concerne les modalités d'exploitation de la carrière. Il s'ensuit qu'à la date à laquelle le tribunal administratif de Nîmes s'est prononcé sur la demande de la commune le 26 octobre 2021 et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le préfet n'avait pas encore édicté l'arrêté portant levée de l'obligation de garanties financières mentionné à l'article R. 516-5 du code de l'environnement, le préfet de Vaucluse ne pouvait plus prendre à l'encontre de la société Durance Granulats des mesures destinées à lui imposer le respect des conditions d'exploitation de la carrière prévues par l'arrêté du 20 juillet 2006.

13. D'autre part, il résulte des dispositions de l'article R. 541-12-16 du code de l'environnement citées au point 6 du présent arrêt que l'autorité préfectorale n'est compétente pour intervenir au titre de la police spéciale des déchets, à titre dérogatoire, que lorsque ladite police spéciale a vocation à s'appliquer sur le site d'une installation classée pour la protection de l'environnement en activité. En l'espèce, la cessation définitive de l'exploitation de la carrière survenue le 20 juillet 2021 faisait obstacle à ce que le préfet de Vaucluse puisse intervenir sur le fondement de la police des déchets à la date à laquelle les premiers juges ont statué.

14. Enfin, s'il est vrai que l'autorité administrative compétente conserve le pouvoir de prescrire à l'ancien exploitant les mesures nécessaires à la remise en état des lieux pendant une période de trente ans à compter de la notification de la cessation d'activité à l'administration, il résulte également de ce qui a été dit au point 9 ci-dessus que le préfet de Vaucluse a imposé de telles mesures à la société Durance Granulats par son arrêté complémentaire du 12 juillet 2021, lequel doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement abrogé la décision de refus initialement opposée le 24 octobre 2019 en tant qu'elle portait sur les points soulevés par la commune de Cheval-Blanc relatifs aux modalités de réaménagement de la carrière.

15. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Cheval-Blanc étaient devenues sans objet à la date à laquelle le tribunal administratif de Nîmes a statué sur sa demande. En s'abstenant de prononcer un non-lieu à statuer sur ces conclusions privées d'objet, les premiers juges ont entaché le jugement litigieux du 26 octobre 2021 d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation.

16. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Cheval-Blanc devant le tribunal administratif de Nîmes.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

17. Eu égard à ce qui a été développé aux points 11 à 15 du présent arrêt, il y a lieu pour la cour de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation et en injonction présentées par la commune requérante devant le tribunal administratif de Nîmes. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte présentées par la société civile immobilière Alysia devant la cour ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune la somme réclamée par la société Durance Granulats à ce titre, Enfin, la société civile immobilière Alysia n'ayant pas la qualité de partie, mais celle d'intervenante, dans la présente instance, les conclusions qu'elle présente à ce titre doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société civile immobilière Alysia est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 octobre 2021 est annulé.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Cheval-Blanc devant le tribunal administratif de Nîmes.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties et de la société intervenante est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cheval-Blanc, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la société Durance Granulats et à la société civile immobilière Alysia.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04816
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Pouvoirs du préfet.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : AUDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-19;21tl04816 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award