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07/11/2023 | FRANCE | N°22TL21422

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 07 novembre 2023, 22TL21422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 , par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2106289 du 28 décembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 20 juin 2022, M. A..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 , par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2106289 du 28 décembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2022, M. A..., représenté par Me Bachet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 décembre 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire à son seul bénéfice sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il vit en France depuis près de deux ans ; elle se trouve également entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

-la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques encourus en cas de retour au Bangladesh; cette décision est par ailleurs illégale par voie d'exception d'illégalité de l' obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 21 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais né le 15 septembre 1988, est entré en France le 3 novembre 2019. Il a sollicité son admission au titre de l'asile le 22 novembre 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par une décision du 26 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 30 juin 2021. Par un arrêté du 30 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 28 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. La décision portant obligation de quitter le territoire français vise notamment le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant au préfet d'édicter une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un étranger dont la demande d'asile a été comme en l'espèce, rejetée, et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre cet arrêté fait état de l'entrée irrégulière en France de M. A..., à l'âge de 21 ans, et de sa qualité de célibataire sans charge de famille. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

5. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. La circonstance invoquée par M. A..., au demeurant non étayée par les éléments du dossier, selon laquelle il vivrait en France depuis deux ans, est, à la supposer établie, insuffisante pour considérer que l'obligation de quitter le territoire français attaquée porterait au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, la circonstance par ailleurs invoquée selon laquelle sa vie ne pourrait se poursuivre au Bangladesh devant en tout état de cause être écartée, faute, ainsi que l'a rappelé le premier juge, pour l'obligation de quitter le territoire de fixer par elle-même le pays de destination de la mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement :

7. La décision portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit. Elle indique également, après avoir rappelé que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 26 janvier 2021, puis la Cour nationale du droit d'asile du 30 juin 2021 de façon définitive, avaient rejeté la demande d'asile de M. A..., que ce dernier n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de cette décision doit être écarté.

8. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'appelant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

9. En outre, en vertu de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et selon l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. M. A... soutient encourir des risques en cas de retour au Bangladesh, compte tenu de ses activités politiques au sein du parti nationaliste du Bangladesh dans lequel il exerçait des fonctions de secrétaire, l'ayant conduit à entrer en opposition avec le parti au pouvoir, la ligue Awami. Il fait valoir que son commerce aurait été incendié, qu'il aurait été victime d'une agression physique, puis qu'il aurait été accusé de meurtre, ce qui aurait précité son départ du Bangladesh, qu'un procès serait toujours en cours et que les autorités de son pays, ne seraient pas aptes à le protéger. Toutefois, l'appelant, qui reprend les termes de son récit présenté devant les instances chargées de l'examen de sa demande d'asile, ne produit, pas plus en appel qu'il ne l'a fait en première instance, aucun élément de nature à établir un commencement de preuve quant à la réalité et à l'actualité des risques encourus en cas de retour au Bangladesh, Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté ni des pièces du dossier que le préfet se serait placé en situation de compétence liée par rapport aux décisions précitées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et n'aurait pas exercé son propre pouvoir d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21422

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21422
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-07;22tl21422 ?
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