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14/11/2023 | FRANCE | N°21TL22658

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 14 novembre 2023, 21TL22658


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Sous le n° 1904316, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018 par lesquels la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée en tant que chargée de mission auprès du service ..., respectivement pour les périodes allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale e

t de la jeunesse lui a retiré, dans l'intérêt du service, ses fonctions de proviseure au l...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Sous le n° 1904316, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018 par lesquels la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée en tant que chargée de mission auprès du service ..., respectivement pour les périodes allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a retiré, dans l'intérêt du service, ses fonctions de proviseure au lycée général et technologique ... de ... (Haute-Garonne), l'a affectée auprès de la rectrice de l'académie de Toulouse jusqu'au 31 août 2019 et l'a nommée comme proviseure du lycée professionnel ... à ... (Haute-Garonne) à compter du 1er septembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision née le 20 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a implicitement rejeté sa demande du 20 mai 2019 tendant à son affectation sur un poste dans un établissement de catégorie 4 ou 5 au sein de l'académie de Toulouse ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 109 865,60 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de procéder au réexamen de sa demande et de l'affecter sur un poste de proviseur dans un établissement de l'académie de Toulouse de catégorie 4 ou 5 dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d'une somme par jour de retard.

Sous le n° 1904317, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018 par lesquels la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée en tant que chargée de mission auprès du service ..., respectivement pour les périodes allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a retiré, dans l'intérêt du service, ses fonctions de proviseure au lycée général et technologique ... de ..., l'a affectée auprès de la rectrice de l'académie de Toulouse jusqu'au 31 août 2019 et l'a nommée comme proviseure du lycée professionnel ... à ... à compter du 1er septembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision née le 20 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a implicitement rejeté sa demande du 20 mai 2019 tendant à son affectation sur un poste dans un établissement de catégorie 4 ou 5 au sein de l'académie de Toulouse ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 109 865,60 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de procéder au réexamen de sa demande et de l'affecter sur un poste de proviseur dans un établissement de l'académie de Toulouse de catégorie 4 ou 5 dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d'une somme par jour de retard.

Sous le n° 1904318, Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse :

1°) d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018 par lesquels la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée en tant que chargée de mission auprès du service ..., respectivement pour les périodes allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a retiré, dans l'intérêt du service, ses fonctions de proviseure au lycée général et technologique ... de ..., l'a affectée auprès de la rectrice de l'académie de Toulouse jusqu'au 31 août 2019 et l'a nommée comme proviseure du lycée professionnel ... à ... à compter du 1er septembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision née le 20 juillet 2019 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a implicitement rejeté sa demande du 20 mai 2019 tendant à son affectation sur un poste dans un établissement de catégorie 4 ou 5 au sein de l'académie de Toulouse ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 109 865,60 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de procéder au réexamen de sa demande et de l'affecter sur un poste de proviseur dans un établissement de l'académie de Toulouse de catégorie 4 ou 5 dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir, sous astreinte d'une somme par jour de retard.

Par un jugement n° 1904316-1904317-1904318 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n°21BX02658, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL22658, et un mémoire enregistré le 27 octobre 2022, Mme B... C..., représentée par Me Nakache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018 par lesquels la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée en tant que chargée de mission auprès du service ..., respectivement pour les périodes allant du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 puis du 1er septembre 2018 au 31 août 2019 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de sa demande du 20 mai 2019 tendant à son affectation sur un poste dans un établissement de catégorie 4 ou 5 au sein de l'académie de Toulouse ;

4°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a retiré, dans l'intérêt du service, ses fonctions de proviseure au lycée général et technologique ... de ..., l'a affectée auprès de la rectrice de l'académie de Toulouse jusqu'au 31 août 2019 et l'a nommée comme proviseure du lycée professionnel ... à ... à compter du 1er septembre 2019 ;

5°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse de procéder au réexamen de sa demande et de l'affecter sur un poste de proviseur dans un établissement de l'académie de Toulouse de catégorie 4 ou 5 dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 14 545 euros à titre d'indemnisation du préjudice financier résultant de sa perte de rémunération, la somme de 3 899,60 euros à titre d'indemnisation du préjudice financier résultant des frais de déplacement majorés pour se rendre au rectorat jusqu'au 31 août 2019, la somme de 2 916 euros à titre d'indemnisation du préjudice financier résultant des frais de déplacement majorés pour se rendre au lycée professionnel de ... à partir du 1er septembre 2019 et la somme de 100 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice moral subi ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens ainsi que le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la forclusion :

- le jugement devra être réformé en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la forclusion s'agissant des conclusions dirigées contre l'arrêté du 1er septembre 2017 : sa requête a été déposée dans un délai raisonnable, moins d'un an après la notification de cet arrêté ; de plus, pour être recevable, le recteur aurait dû soulever cette exception de procédure dès le 20 janvier 2020 ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 juin 2019 :

- le refus de l'affecter sur un poste conforme à sa carrière et à ses compétences, comme l'arrêté du 7 juin 2019 portant affectation d'office, ne sauraient être considérés comme des mesures d'ordre intérieur dès lors qu'ils emportent une importante diminution de ses responsabilités et ont un impact sur sa rémunération ;

Sur le caractère disciplinaire de la mesure édictée :

- à titre principal, la décision l'affectant au service académique ... constitue une sanction déguisée en ce qu'elle a pour conséquence de la priver des avantages liés à sa fonction et que l'intention de la sanctionner est l'un des motifs énoncés ; elle a été affectée sur un poste dénué de toute responsabilité et une interdiction formelle de postuler sur des postes équivalents à celui qu'elle occupait antérieurement lui a été faite ;

- à titre subsidiaire, elle apparaît comme une mutation ou un changement d'affectation imposée entachée d'irrégularité en l'absence de consultation de la commission administrative paritaire et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- son affectation au lycée professionnel ... de ..., en dehors des vœux qu'elle avait formulés dans le cadre de sa demande de mobilité, constitue également une mesure disciplinaire déguisée dès lors qu'il en résulte une dégradation professionnelle, avec une diminution de ses indemnités et bonifications ; de plus, alors que des postes de direction de catégorie 3 étaient vacants sur la zone de Toulouse, la décision de l'affecter à 90 kilomètres de son domicile familial et du lieu de travail de son conjoint renforce la démonstration du caractère disciplinaire de la décision du 7 juin 2019 ;

Sur l'illégalité de la sanction disciplinaire déguisée :

- l'arrêté est entaché d'un vice de forme en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure en l'absence de convocation à la commission de discipline ;

- il est entaché de détournement de pouvoir et de procédure ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation en raison de la disproportion entre la sanction et les faits reprochés ;

A titre subsidiaire sur la décision de mutation ou de changement d'affectation :

- la décision n'a pas fait l'objet de la consultation préalable de la commission administrative paritaire, en méconnaissance du décret n°82-451 du 28 mai 1982 et de l'article 60 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- elle n'a pas été mise à même de solliciter la communication de son dossier administratif, en méconnaissance de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle a été prise en violation des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 qui interdit de prendre toute mesure d'affectation ou de mutation à l'égard d'un fonctionnaire qui a subi des agissements de harcèlement moral ;

Sur l'indemnisation de ses préjudices :

- elle a subi des préjudices financiers du fait de la décision de l'affecter au service académique ... en juillet 2017 consistant en la perte d'indemnité de chef de centre baccalauréat 2018 et 2019 à hauteur de 1 525 euros chaque année, en des frais de déplacement majorés jusqu'au rectorat à hauteur de 3 899,60 euros jusqu'au 31 août 2019 puis jusqu'au lycée de ... à partir du 1er septembre 2019 à hauteur de 2 916 euros, en la perte de la bonification indiciaire et de la nouvelle bonification indiciaire ainsi que de l'indemnité de fonction de responsabilité et de résultat annuel correspondant à une perte effective de 14 545 euros brut sur cinq ans, en la perte effective au titre de sa future pension de retraite d'au moins 141,68 euros par année ; elle a subi une perte mensuelle de plus de 200 euros de rémunération depuis son affectation dans l'établissement de ... ; sur une période de trois ans la perte de rémunération se chiffre à 8 728,20 euros ;

- elle a subi un préjudice moral en raison de la profonde injustice de la situation et de l'acharnement dont elle a fait l'objet et en a été gravement affectée, justifiant l'allocation d'une somme de 100 000 euros à ce titre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2022, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requérante est forclose à contester la décision l'affectant au service académique ... à compter du 1er septembre 2017, en vertu du principe de sécurité juridique des actes ; la forclusion est un moyen d'ordre public pouvant être soulevée à tout moment de la procédure ;

- il ne relève pas de la compétence du juge administratif d'ordonner l'affectation de la requérante dans un établissement de 4ème ou 5ème catégorie ;

- les conclusions à fin d'injonction ont par ailleurs perdu tout objet dès lors que la requérante est affectée dans un lycée de 4ème catégorie depuis le 1er septembre 2022 ;

- aucune procédure disciplinaire n'a été engagée à l'égard de la requérante ;

- compte-tenu des délais contraints, son affectation provisoire n'a pas été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire ; le moyen est cependant inopérant ;

- la requérante ayant été informée dès le début du mois de juillet de ce qu'elle se verrait confier de nouvelles fonctions au 1er septembre 2017, elle doit être considérée comme ayant été mise à même de solliciter la communication de son dossier administratif ;

- la décision a été prise dans l'intérêt du service et au bénéfice de l'agent, afin de la protéger d'une situation où elle était en grande difficulté ;

- aucun élément ne permet de démontrer que les agissements à l'origine de son affectation provisoire seraient constitutifs de harcèlement moral ;

- les demandes indemnitaires sont infondées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2022, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il reprend ses observations présentées devant le tribunal et fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Par ordonnance du 2 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 2 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n°2001-1174 du 11 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., membre du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation, a été nommée proviseure du lycée ... de ... (Haute-Garonne) à compter du 1er septembre 2015. Par des arrêtés rectoraux du 1er septembre 2017 et du 1er septembre 2018, elle a été affectée en tant que chargée de mission auprès du service ... du rectorat de Toulouse à compter du 1er septembre 2017 et jusqu'au 31 août 2019. La requérante a présenté une demande le 20 mai 2019 auprès du ministre de l'éducation nationale tendant à se voir affectée sur un poste de proviseur d'établissement de catégorie 4 ou 5. Par un arrêté du 7 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse lui a retiré ses fonctions de proviseure du lycée ... dans l'intérêt du service, l'a affectée auprès de la rectrice d'académie de Toulouse jusqu'au 31 août 2019 et l'a nommée, à compter du 1er septembre 2019, comme proviseure du lycée professionnel ... à ... (Haute-Garonne). Mme C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés rectoraux des 1er septembre 2017 et 1er septembre 2018, l'arrêté ministériel du 7 juin 2019 ainsi que la décision implicite de rejet du ministre de l'éducation nationale née le 20 juillet 2019, et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 109 865,60 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de ces décisions. Elle relève appel du jugement n° 1904316-1904317-1904318 du 6 avril 2021, qui a rejeté l'ensemble de ses demandes, en portant ses prétentions indemnitaires à la somme de 121 360,60 euros.

Sur la recevabilité de la demande dirigée contre l'arrêté du 1er septembre 2017 :

2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'a reçu notification de l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel la rectrice de l'académie de Toulouse l'a affectée dans des fonctions de chargée de mission auprès du service ... au titre de la période du 1er septembre 2017 au 31 août 2018, que par un courriel du 31 août 2018. Toutefois, alors que la requérante indique avoir été informée de cette décision le 15 juillet 2017 par un appel téléphonique du chef du service ..., elle doit être regardée comme en ayant eu connaissance, au plus tard, à la date de sa prise de fonctions le 1er septembre 2017. Ainsi, alors même que la décision n'a pas été formalisée antérieurement et que sa notification le 31 août 2018 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, les conclusions présentées par la requérante le 26 juillet 2019 devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de cet arrêté l'ont été postérieurement au délai raisonnable d'un an suivant la date du 1er septembre 2017 à laquelle elle en a nécessairement eu connaissance au plus tard, en l'absence de circonstances particulières invoquées. Contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition n'imposait au recteur de soulever l'irrecevabilité de sa demande en raison de sa tardiveté dès son premier mémoire en défense, s'agissant de surcroît d'une règle revêtant un caractère d'ordre public. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a accueilli la fin de non-recevoir tiré de la tardiveté de sa demande en tant qu'elle est dirigée à l'encontre de l'arrêté du 1er septembre 2017.

Sur la légalité de l'arrêté rectoral du 1er septembre 2018 :

4. Une mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.

5. En premier lieu, Mme C..., qui a été maintenue sur le poste de chargée de mission auprès du service ... de Toulouse au titre de l'année scolaire 2018-2019, expose avoir formulé des vœux sur des postes équivalents à celui qu'elle occupait avant le 1er septembre 2017, mais n'a obtenu un avis favorable que pour des postes de catégorie 2 ou 3. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'entretien portant sur une évaluation prospective dont elle a bénéficié avec le secrétaire général et le secrétaire général adjoint de l'académie le 30 novembre 2017, elle a indiqué renoncer à participer au mouvement des personnels de direction au titre de l'année 2018 dans un courrier adressé à la rectrice le 4 décembre 2017. Il ne ressort d'aucune pièce que ce renoncement résulterait de pressions qui auraient été exercées sur elle par le rectorat, alors qu'elle indique dans ce courrier que la proposition qui lui a été faite de conserver son poste de proviseur au lycée de ... pour une année supplémentaire, dans les mêmes conditions financières lui convenait, ajoutant qu'elle adhérait à la suggestion qui lui a été faite de travailler dans le cadre d'une analyse des pratiques professionnelles sur l'étude de cas du lycée de .... Si à compter d'avril 2018, elle a sollicité du rectorat puis du ministère une affectation sur un poste de chef d'établissement dans l'académie dès la rentrée 2018-2019, il ressort des pièces du dossier, outre qu'elle ne pouvait plus rejoindre le mouvement auquel elle avait renoncé, qu'elle a par ailleurs candidaté à d'autres postes au sein des services académiques et conditionné l'acceptation d'une proposition d'affectation en qualité de cheffe d'établissement à la circonstance qu'il s'agisse d'un établissement de catégorie 4 ou supérieure, alors qu'eu égard aux difficultés managériales qu'elle a rencontrées dans ses fonctions antérieures au lycée ... de ..., l'évaluation prospective conduite au titre de cette année par l'inspection d'académie ne suggérait pas une nouvelle affectation au sein d'un établissement de cette catégorie. Dans ces conditions, l'arrêté rectoral du 1er septembre 2018 ne constitue pas davantage une sanction déguisée. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation, du défaut de tenue de la commission administrative paritaire statuant en formation disciplinaire, du détournement de pouvoir et de procédure et de la disproportion entre la sanction infligée et les faits reprochés, doivent être écartés comme inopérants.

6. En second lieu, l'arrêté du 1er septembre 2018 n'emporte aucun changement d'affectation de Mme C.... Par suite, à supposer que la requérante ait entendu soulever à l'encontre de cette décision les moyens tirés du défaut de saisine préalable de la commission administrative paritaire, du défaut de possibilité de consultation de son dossier administratif, de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, de l'erreur d'appréciation de l'intérêt du service et de la méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984, ceux-ci doivent être écartés comme inopérants.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2018 de la rectrice de l'académie de Toulouse.

Sur la légalité de l'arrêté ministériel du 7 juin 2019 :

8. Aux termes de l'article 23 du décret statutaire du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale : " " Tout fonctionnaire pourvu d'une fonction de direction peut se voir retirer cette fonction dans l'intérêt du service. / Au cas où le maintien en exercice d'un chef d'établissement ou d'un chef d'établissement adjoint serait de nature à nuire gravement au fonctionnement du service public, le ministre chargé de l'éducation nationale peut prononcer, à titre conservatoire et provisoire, la suspension de fonctions de l'intéressé qui conserve l'intégralité de la rémunération attachée à son emploi. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise sur sa situation, l'intéressé est rétabli dans le poste qu'il occupait. ".

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au début de l'année 2017, les relations se sont dégradées entre Mme C... et le corps enseignant, entraînant une détérioration du climat au sein de l'établissement en raison de l'existence de graves dissensions au sein du personnel de l'établissement opposant de manière systématique son équipe de direction à son équipe pédagogique, suscitant une inquiétude des parents d'élèves. Il en est résulté une situation de blocage de nature à faire obstacle au fonctionnement normal du service, ainsi qu'à l'exercice normal de ses fonctions par l'intéressée. Il ressort notamment des pièces du dossier qu'après que les représentants syndicaux des enseignants ont dressé et communiqué une liste de dysfonctionnements dans la gestion de l'établissement reprochés à sa direction, un mouvement de grève qui a réuni la grande majorité des enseignants a été mené en janvier 2017. Malgré l'audit diligenté par le rectorat aux fins d'observer et d'apaiser les relations conflictuelles existantes, ces dissensions n'ont pas faibli. Ainsi, la tenue d'un conseil d'administration en avril 2017 s'est révélée impossible faute de quorum, en raison de l'abstention des représentants du personnel enseignant, des parents élèves et des élèves de l'établissement. Le 6 juin 2017, une manifestation organisée par les fédérations représentatives des parents d'élèves a eu lieu devant le lycée, afin de dénoncer l'inquiétude des parents d'élèves face aux dysfonctionnements dans l'organisation de l'établissement, laquelle a été relayée dans la presse locale. Face à ces dysfonctionnements résultant de dissensions durables et systématiques entre la proviseure et son équipe pédagogique rendant impossible le maintien de la requérante à son poste pour l'année scolaire 2017-2018, la rectrice a chargé M. A... de l'intérim des fonctions d'établissement du lycée général et technologique ... de ... pour une période d'un an à compter du 1er septembre 2017 en remplacement de Mme C..., par un arrêté en date du 30 août 2017. La requérante a été affectée à titre provisoire au service ... à compter de la même date. Ainsi que le relèvent la motivation de l'arrêté attaqué, et le courrier informant l'intéressée, le 6 mai 2019, de ce qu'un tel retrait de fonctions dans l'intérêt du service était envisagé, " la dégradation du climat interne au sein du lycée ... " et " les dysfonctionnements constatés " mettaient " en péril la bonne marche du service ", rendant impossible le maintien de l'intéressée dans ses fonctions. Il ne ressort ni des termes de la décision attaquée et du courrier du 6 mai 2019, ni des autres pièces du dossier que le ministre aurait fondé sa décision sur des manquements qu'aurait commis l'intéressée dans l'exercice de ses fonctions, ni qu'il ait eu l'intention de la sanctionner en raison d'un comportement fautif, alors qu'il ne se prononce pas sur les responsabilités respectives des agents impliqués dans les conflits existants. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux ne saurait être regardé comme étant constitutif d'une sanction déguisée. Par suite, les moyens dirigés contre la décision en tant qu'elle constitue une sanction et tirés de son insuffisance de motivation, du défaut de réunion préalable de la commission administrative paritaire statuant en formation disciplinaire, du détournement de pouvoir et de procédure et de la disproportion de la sanction par rapport aux faits reprochés doivent être écartés comme inopérants.

10. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. (...) / Toutefois, lorsqu'il n'existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l'intéressé sont soumises à l'avis des commissions. (...) ".

11. D'autre part, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté ". Il résulte de ces dispositions qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'une mesure de mutation d'office dans l'intérêt du service, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de procéder à cette mutation, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

12. Mme C... soutient qu'à supposer que la décision litigieuse soit regardée comme une mutation d'office et non comme une sanction déguisée, elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière faute, d'une part, de saisine préalable de la commission administrative paritaire et, d'autre part, de la consultation de son dossier administratif préalablement à son édiction. S'il est constant que la mutation d'office attaquée comporte, en vertu des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984, modification de la situation professionnelle de l'intéressée, eu égard notamment à la perte de responsabilités qui en a résulté, de sorte qu'elle devait effectivement être précédée de la tenue de la commission administrative paritaire compétente, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal produit en défense, que celle-ci s'est régulièrement réunie les 4 et 5 juin 2019 et a émis un avis favorable à la mutation d'office envisagée pour l'intéressée. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier de l'attestation du 24 mai 2019 produite par la requérante elle-même, que Mme C... a consulté son dossier administratif le 24 mai 2019, après y avoir été invitée par la lettre ministérielle du 6 mai 2019. Par suite, les moyens tirés des vices de procédure dont serait entaché l'arrêté attaqué doivent être écartés.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

14. Pour établir que sa mutation d'office au lycée professionnel ... à ... a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, Mme C... soutient qu'elle a pour effet de l'éloigner considérablement de son domicile familial situé à ... (Haute-Garonne), où elle résidait avec son mari et ses deux enfants majeurs, situé à 90 kilomètres de son nouvel établissement, la contraignant à résider dans un appartement de fonction au sein de son nouveau lycée d'affectation. Toutefois, alors que les membres du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ont vocation à exercer leurs fonctions sur l'ensemble du territoire national, les circonstances tirées de ce que l'affectation litigieuse l'éloignait de son domicile familial et qu'elle était contrainte de résider dans un logement de fonction ne sont pas susceptibles de caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Au demeurant, et alors que la requérante restait affectée dans le ressort de l'académie de Toulouse, il ressort des pièces du dossier qu'au titre du mouvement de mutations pour l'année scolaire 2019-2020, elle avait sollicité une affectation sur des postes de chefs d'établissement situés à Montauban (Tarn-et-Garonne) ou à Albi (Tarn), également éloignés de son domicile familial. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En quatrième lieu, la requérante soutient que le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service en prenant la décision litigieuse, eu égard notamment aux spécificités de sa situation et à ses compétences professionnelles. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 9, il ressort des pièces du dossier que le retrait de ses fonctions est fondé sur l'intérêt du service alors que le climat délétère d'opposition, systématique et durable, observé entre elle et son équipe pédagogique rendait impossible le maintien de l'intéressée à son poste. Mme C... ne saurait ainsi invoquer ses qualités et compétences professionnelles au soutien de l'erreur manifeste d'appréciation alléguée, lesquelles ne sont pas remises en cause par la mutation d'office attaquée. Par ailleurs, alors que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, sa nouvelle affectation au lycée ... n'affecte pas de manière disproportionnée sa situation personnelle, la requérante ne saurait se prévaloir de ce que sa mutation dans ce nouvel établissement emporte une diminution disproportionnée de ses responsabilités par rapport aux nécessités du service pour lesquelles elle a été prise au motif qu'il s'agit d'un établissement de catégorie 3, et non de catégorie 4 comme antérieurement, dès lors que les personnels de direction ne disposent d'aucun droit à se voir affecter sur un établissement d'une catégorie au moins égale à leur poste précédent. Si son affectation sur un établissement de catégorie inférieure a pu être vécue par l'intéressée comme un déclassement, elle est cependant suffisamment justifiée par les difficultés managériales qu'elle a rencontrées sur son précédent poste de direction. Si la décision a entraîné une perte de rémunération, celle-ci résulte régulièrement des différences entre le régime indemnitaire attaché respectivement à l'exercice de fonctions de proviseur dans un établissement de catégorie 4 et 3. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service doit être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / (...) ".

17. Si la circonstance qu'un agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral ne saurait légalement justifier que lui soit imposée une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, elles ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne, à l'égard de cet agent, dans son intérêt ou dans l'intérêt du service, une telle mesure si aucune autre mesure relevant de sa compétence, prise notamment à l'égard des auteurs des agissements en cause, n'est de nature à atteindre le même but. Lorsqu'une telle mesure est contestée par un agent public au motif qu'elle méconnaît les dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il incombe d'abord au juge administratif d'apprécier si l'agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral. S'il estime que tel est le cas, il lui appartient, dans un second temps, d'apprécier si l'administration justifie n'avoir pu prendre, pour préserver l'intérêt du service ou celui de l'agent, aucune autre mesure, notamment à l'égard des auteurs du harcèlement moral.

18. Mme C... soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de certains professeurs lorsqu'elle exerçait ses fonctions de proviseure au lycée ... à ..., et que ces dysfonctionnements connus du rectorat n'ont pas été pris en compte lors de la commission administrative paritaire des 4 et 5 juin 2019. Toutefois, si des dissensions l'ont opposée à certains enseignants du lycée, en particulier à ses représentants syndicaux, lesquelles sont de nature à caractériser un climat délétère de confrontation systématique entre la direction et l'équipe enseignante dans l'établissement, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits dénoncés soient susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit dès lors être écarté.

19. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2019 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Sur la décision implicite du 20 juillet 2019 rejetant sa demande d'affectation :

20. La requérante soutient qu'une décision implicite de rejet est née le 20 juillet 2019, en l'absence de réponse à sa demande reçue par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse le 20 mai 2019 tendant notamment à ce que soit prise une décision d'affectation sur un poste dans un établissement de catégorie 4 ou 5. Toutefois, l'arrêté du 7 juin 2019 prononçant l'affectation de Mme C... sur un poste de catégorie inférieure a eu pour effet de rejeter expressément sa demande antérieurement à la naissance d'une décision implicite.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

21. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelante et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent donc être rejetées, alors qu'en tout état de cause, Mme C... a été affectée au sein d'un établissement relevant de la catégorie 4 à compter du 1er septembre 2022.

Sur les conclusions indemnitaires :

22. Il résulte des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique qu'un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité sont ainsi indemnisables. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due au titre du préjudice financier, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

En ce qui concerne les illégalités fautives de l'arrêté rectoral du 1er septembre 2017 :

23. Mme C... soutient en premier lieu que la décision d'affectation au service ... prise en juillet 2017 est entachée d'illégalités fautives à l'origine de préjudices financiers.

24. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, d'une décision de mutation d'office le concernant, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise.

25. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 1er septembre 2017 par lequel la rectrice d'académie a affecté Mme C... sur les fonctions de chargé de mission auprès du service ... est fondé sur les dysfonctionnements constatés au sein du lycée ... à ... résultant de dissensions durables et systématiques entre la proviseure et son équipe pédagogique, rendant impossible le maintien de la requérante à son poste pour l'année scolaire 2017-2018. Ni les termes du rapport rendu à l'issue de l'audit conduit en mars 2017 au sein de l'établissement, sur lesquels s'est notamment fondé le rectorat, qui dresse un constat du " climat dégradé " et des difficultés communicationnelles, sociales et relationnelles existant au sein de l'établissement, ni les autres pièces du dossier ne révèlent une intention de sanctionner l'intéressée par la mesure l'affectant à titre provisoire au service ..., celle-ci étant exclusivement motivée par la nécessité de rétablir le bon fonctionnement du service dans l'établissement. Si la requérante soutient que la rectrice d'académie lui a signifié, lors de leur entretien du 7 juillet 2017, qu'elle était entièrement responsable de la situation, aucun élément au dossier n'est cependant susceptible de l'établir, alors, au contraire, que Mme C... relève, dans plusieurs courriers produits, qu'aucun manquement ou faute professionnelle de nature à justifier le changement d'affectation en litige ne lui a jamais été reproché. Si elle soutient avoir perdu les avantages liés à sa fonction de proviseure, il est constant que sa rémunération a cependant été maintenue pendant les deux années de cette affectation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... n'aurait pas été en charge de véritables fonctions au sein de ce service où de nombreux dossiers concernant le système éducatif lui ont été confiés, lui permettant de contribuer aux nouvelles orientations nationales telles que Parcoursup ainsi qu'aux orientations académiques telles que l'organisation du salon Infosup, ainsi qu'elle l'a mentionné dans sa lettre de candidature au poste de conseiller technique pour les établissements et la vie scolaire du 7 juin 2018. Les circonstances que sa nouvelle affectation ait emporté une diminution de ses responsabilités et qu'elle n'exerçait plus aucune fonction d'encadrement ne sont pas susceptibles, à elles seules, de caractériser une intention de la sanctionner, alors que sa nouvelle affectation correspond à des fonctions qu'elle est statutairement susceptible d'exercer. Dans ces conditions, l'arrêté du 1er septembre 2017 ne saurait être regardé comme une sanction déguisée. Par suite, les illégalités fautives tirées du défaut de motivation de l'arrêté, de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire statuant en formation disciplinaire, du détournement de pouvoir et de procédure et de la disproportion entre la sanction infligée et les faits reprochés doivent être écartées comme inopérantes.

26. Mme C... reconnaît avoir été informée de son changement d'affectation par un appel du chef du service ... du 15 juillet 2017. Par suite, elle doit être regardée, en application des principes exposés au point 11, comme ayant été mise à même de consulter son dossier administratif. Le vice de procédure allégué doit dès lors être écarté.

27. Il y a lieu d'écarter, pour les motifs exposés au point 14, le moyen tiré de l'illégalité fautive en ce que la décision d'affectation a porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. Il y a lieu d'écarter, pour les motifs exposés au point 15, le moyen tiré de l'illégalité fautive en raison de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision de changement d'affectation.

29. Il y a également lieu d'écarter, pour les motifs exposés au point 18, le moyen tiré de l'illégalité fautive en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.

30. Toutefois, il est constant que le changement d'affectation de Mme C... n'a pas fait l'objet de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors qu'il emportait une modification importante des fonctions exercées par l'intéressée au sens de ces dispositions, eu égard en particulier à la perte de responsabilité qui en a résulté. Cette illégalité procédurale qui a privé l'intéressée d'une garantie est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain.

31. Il résulte toutefois de l'instruction, eu égard aux motifs tirés de l'intérêt du service résultant de la situation du blocage du lycée ... rendant impossible l'exercice normal de ses fonctions par Mme C..., que la même décision aurait pu légalement être prise par l'administration à l'issue d'une procédure régulière. Dans ces conditions, le lien de causalité entre l'illégalité fautive tirée du défaut de consultation préalable de la commission administrative paritaire et l'ensemble des préjudices invoqués par l'intéressée ne saurait être regardé comme établi. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à demander l'indemnisation des préjudices financiers subis du fait de la décision de l'affecter au service ....

En ce qui concerne les illégalités fautives résultant de son affectation au lycée de ... :

32. Mme C... soutient en deuxième lieu que la décision d'affectation au lycée ... de ... est à l'origine d'une perte de rémunération et lui a occasionné des frais de déplacement et de taxe d'habitation supplémentaires. Toutefois, en l'absence d'illégalité fautive de l'arrêté du 7 juin 2019, sa demande d'indemnisation ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral allégué :

33. Mme C... soutient en dernier lieu qu'elle a été victime d'une profonde injustice et d'acharnement à son encontre, en raison de l'absence de prise en compte de la situation extrêmement difficile à laquelle elle s'est trouvée confrontée au lycée de ... et de l'absence de soutien effectif de sa hiérarchie et du refus de lui proposer un poste correspondant à sa carrière et à ses compétences professionnelles. Il résulte toutefois de l'instruction que la requérante a bénéficié d'un accompagnement par les services du rectorat dès le début de l'année 2017, lequel s'est poursuivi jusqu'à son affectation sur un nouveau poste à la rentrée 2019. Elle a ainsi été reçue en entretien à plusieurs reprises, avant son affectation au service ... et au cours des deux années de cette affectation provisoire. Un groupe de travail composé de personnes extérieures à l'établissement a par ailleurs été constitué afin de déterminer les causes des dysfonctionnements constatés, lequel a remis un rapport en mai 2017. Au regard des conclusions de ce rapport sur la dégradation du climat au sein de l'établissement, notamment une communication inter-personnelle direction-enseignants altérée, et des entretiens ultérieurs de l'intéressée avec sa hiérarchie, un accompagnement au management lui a été proposé. Mme C..., qui avait renoncé à participer au mouvement de mutation au titre de l'année 2018, s'est par ailleurs vu proposer des postes en intérim au cours de l'automne 2018, qu'elle a cependant refusés en raison de son éloignement de son domicile familial pour l'un, et de la trop grande proximité avec un lycée dont elle avait été proviseure de 2009 à 2015 pour l'autre. Compte-tenu de tout ce qui a été précédemment exposé, en l'absence de faute qui aurait été commise par les services du rectorat susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, la demande d'indemnisation au titre du préjudice moral subi par Mme C... doit être rejetée.

34. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, en l'absence de dépens au sens de l'article R. 761-1 du même code, sa demande à ce titre doit être rejetée.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21TL22658 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL22658
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SOCIÉTÉ PASCAL NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-14;21tl22658 ?
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