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21/11/2023 | FRANCE | N°22TL21700

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 21 novembre 2023, 22TL21700


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103682 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois productions de pièces,

enregistrées les 28 juillet et 12 décembre 2022 et les 11 juillet et 28 août 2023, Mme A..., re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2103682 du 29 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois productions de pièces, enregistrées les 28 juillet et 12 décembre 2022 et les 11 juillet et 28 août 2023, Mme A..., représentée par Me Derbali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou toute autre mention dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient, en se référant à ses écritures et pièces de première instance, que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 septembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,

- et les observations de Me Derbali, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante tunisienne née le 7 octobre 1985, est entrée en France le 13 juillet 2018, sous couvert d'un visa de type touristique de quinze jours, valable du 10 juillet au 9 août 2018. Le 25 mai 2020, l'intéressée a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale. Mme A... relève appel du jugement du 29 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de Mme A..., en particulier, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, l'article L. 313-14 et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquels a été examinée sa demande de titre de séjour et l'article L. 511-1 du même code alors en vigueur. Il mentionne l'ensemble des éléments relatifs à la situation administrative, familiale et personnelle de l'intéressée en rappelant les conditions de son entrée sur le territoire français, les raisons de fait pour lesquelles sa demande d'admission exceptionnelle au séjour doit être rejetée sans que l'autorité préfectorale soit tenue de les détailler. La décision en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement des décisions est, dès lors, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision en litige qu'elle n'aurait pas été précédée d'un examen réel et sérieux de la situation personnelle de Mme A....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code, dans sa codification alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Le 7° de l'article L. 313-11 du même code, dispose, dans sa codification applicable au litige, que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. Mme A... soutient apporter une assistance à sa sœur, résidant en situation régulière en France, qui a la qualité de travailleur handicapé et qui souffre d'un diabète de type 1, diagnostiqué en 2010, traité par pompe à insuline externe depuis 2014 et d'un pan-hypopipuitarisme consécutif à la nécrose d'un adénome hypophysaire diagnostiqué lors de sa grossesse en 2014, pour lequel elle bénéficie d'un traitement endocrinien. Elle indique, en outre, s'occuper de son neveu, né en 2014, qui présente un trouble du spectre autistique nécessitant une prise en charge spécialisée et dont les parents sont séparés de corps en le conduisant à ses différents rendez-vous médicaux. Elle se prévaut, enfin, de son insertion sociale et de sa parfaite maîtrise de la langue française. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux des 23 septembre 2019 et 3 février 2020 que la situation médicale de la sœur de Mme A... est désormais stabilisée, les pathologies endocriniennes étant équilibrées par l'observance de ses différents traitements tandis que l'intéressée a été orientée sur le marché de l'emploi par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Par ailleurs, s'il est constant que Mme A... réside au domicile de sa sœur, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage démontré ni que la sœur de Mme A... et son neveu nécessiteraient une assistance quotidienne dans tous les actes de la vie courante rendant indispensable la présence continue d'une tierce personne ni que cette assistance, à la supposer nécessaire, ne pourrait pas être apportée par le père de l'enfant, qui dispose d'un droit de garde et exerce l'autorité parentale ou, en tout état de cause, en recourant à la solidarité nationale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France de manière récente, en 2018, et s'est maintenue au-delà de l'expiration de son visa tandis qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel elle occupait l'emploi d'administratrice des ventes et où résident ses parents ainsi que son frère. Dès lors, en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme A..., le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de l'appelante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. La décision portant refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas illégale, ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 6, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait, par voie de conséquence, illégale, doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020 du préfet de La Haute-Garonne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21700


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21700
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DERBALI ASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-21;22tl21700 ?
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